Interview de François Aubart dans le Quotidien du Médecin

Mars 2002


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Hôpital : pour le Dr Aubart, la RTT pourrait bien être un loupé

 

  • Le président de la coordination médicale hospitalière (CMH), le Dr François Aubart, est " déçu " par la manière dont les 35 heures se mettent en place à l'hôpital. Il dénonce une erreur de méthode, une gestion de la réduction du temps de travail (RTT) " à la petite semaine " et reproche leur " imprévoyance " aux pouvoirs publics.

  • Le Dr François Aubart, président de la Coordination médicale hospitalière (CMH), comprend la colère des agents hospitaliers qui sont une nouvelle fois descendus dans la rue en affirmant que les moyens octroyés à leur institution pour passer aux 35 heures étaient insuffisants (voir encadré).


    " Leur attitude est assez naturelle, explique-t-il ; nombre d'hôpitaux et donc d'équipes sont anémiés et essoufflés. Le faire savoir est légitime, même s'il est facile de dire - le gouvernement, en tout cas, le laisse entendre - que ces mouvements sont encouragés par les zélateurs de l'immobilisme. "
    Aux yeux de François Aubart, le mécontentement de la fonction publique hospitalière n'est pas uniquement affaire d'emplois ou de sous. La méthode, qui consiste à " écrêter les flux de personnels et les moyens ", est en cause, qu'elle serve à distribuer l'enveloppe nationale de l'hôpital entre les établissements ou que, encore " accentuée ", elle préside à la mise en place de la réduction du temps de travail (RTT). Le président de la CMH distingue aujourd'hui " deux sortes de services, d'hôpitaux et même de régions : ceux qui sont sous perfusion et ceux qui sont des vaches à lait ", dont aucun n'est finalement mieux loti que l'autre. " Les services vaches à lait dépérissent chroniquement. Les autres sont insatisfaits du caractère homéopathique de leur perfusion ".
    Le Dr Aubart rappelle qu'il " avait plaidé pour que la RTT soit l'occasion de revoir l'organisation de l'hôpital ".

    Au vu de la mise en place effective des nouveaux plannings, il avoue aujourd'hui redouter le " loupé ". " Parce qu'on a choisi une gestion à la petite semaine et parce qu'on a fait preuve d'une grande imprévoyance (je pense à la démographie des personnels), on en est simplement à tenter d'assurer la continuité des soins dans une précarité de plus en plus grande ", accuse-t-il.

    Pour mesurer concrètement les effets néfastes de la RTT, François Aubart n'a pas à aller bien loin : la moitié de son propre service est fermée depuis une semaine, " faute de personnel ". Cette situation, il ne la met pas sur le compte des seules 35 heures, mais celles-ci ont joué leur rôle. " La RTT est un révélateur des dysfonctionnements de l'hôpital, elle le conduit au burn-out ", prévient le président de la CMH.


    " On aggrave les scissions "


    Alors que des interprétations diverses et variées circulent sur les conséquences pour l'hôpital de son passage à 35 heures (le temps consacré au malade va diminuer, les amplitudes horaires d'accueil dans les hôpitaux vont rétrécir, disent les uns, tandis que les autres affirment que cela ne va pas changer grand-chose), le Dr Aubart n'a pas de doute : " Le temps moyen infirmier que reçoit chaque patient à l'hôpital est de 12 minutes par jour. En l'absence évidente d'un nombre suffisant de créations de postes, la RTT va forcément amputer encore ces 12 malheureuses minutes. "
    Déjà " considérablement déçu ", François Aubart craint de l'être plus encore quand les médecins réduiront leur propre temps de travail. Car, de son propre aveu, l'enfant se présente mal. " Vu le comportement des uns et des autres dans les discussions préparatoires, notre réduction du temps de travail va favoriser les revendications les plus catégorielles. Au lieu de tirer vers le haut, c'est-à-dire vers la promotion de l'exercice médical à l'hôpital, on tire vers une vision réductrice des choses. On attise les oppositions, on aggrave les scissions. " Là encore, la procédure retenue n'est pas la bonne. Elle " ne pousse pas à rassembler, à coordonner et à changer, mais à conserver les acquis, à défendre des prés carrés, à enfermer dans des petites citadelles ". Pour la suite des événements, François Aubart n'est pas très optimiste : " Le corps médical hospitalier fait une réponse frileuse à un scénario qui n'est pas le bon. Et nous voici bien loin des objectifs de réorganisation autour du patient affichés il y a six mois ou un an. "

  • Karine PIGANEAU

    Une nouvelle manifestation houleuse des personnels
    Quinze mille personnes aux dires des organisateurs, six mille selon la police, ont défilé mardi à Paris à l'appel conjoint de la CGT, FO, CFTC et SUD. Pour réclamer la réouverture des négociations sur le passage aux 35 heures de la fonction publique hospitalière - déjà une réalité pour 67 % des agents concernés -, les personnels de l'hôpital sont venus de Nantes, Montpellier, Reims, Roubaix, Béziers, Cherbourg, Clermont-Ferrand...
    Ils étaient plus nombreux que lors de la manifestation précédente, le 31 janvier, et tout aussi remontés. Une nouvelle fois, des incidents ont opposé en fin de journée hospitaliers en colère et forces de l'ordre aux abords du ministère de la Santé.
    Alors qu'il y a maintenant près de six mois qu'un protocole d'accord encadrant la réduction du temps de travail (RTT) des hospitaliers a été signé par le gouvernement et quatre organisations syndicales, la CGT, FO, la CFTC et SUD, non signataires de ce texte, ne se satisfont toujours pas de ses termes.
    Ils réclament en particulier la création de 80 000 emplois, alors que 45 000 en trois ans sont prévus. La preuve de la mobilisation du personnel qu'ils ont apportée mardi n'a pas suffi à faire plier le ministère. Reçus en délégation par un conseiller de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou, les manifestants se sont vu une nouvelle fois signifier un " non " sans appel à la réouverture des discussions.

     

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