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Hôpital : pour
le Dr Aubart, la RTT pourrait bien être un loupé
- Le président de la coordination médicale hospitalière
(CMH), le Dr François Aubart, est " déçu
" par la manière dont les 35 heures se mettent en place
à l'hôpital. Il dénonce une erreur de méthode,
une gestion de la réduction du temps de travail (RTT) "
à la petite semaine " et reproche leur " imprévoyance
" aux pouvoirs publics.
- Le Dr François Aubart, président de la Coordination
médicale hospitalière (CMH), comprend la colère
des agents hospitaliers qui sont une nouvelle fois descendus dans
la rue en affirmant que les moyens octroyés à leur institution
pour passer aux 35 heures étaient insuffisants (voir encadré).
" Leur attitude est assez naturelle, explique-t-il ; nombre
d'hôpitaux et donc d'équipes sont anémiés
et essoufflés. Le faire savoir est légitime, même
s'il est facile de dire - le gouvernement, en tout cas, le laisse
entendre - que ces mouvements sont encouragés par les zélateurs
de l'immobilisme. "
Aux yeux de François Aubart, le mécontentement de
la fonction publique hospitalière n'est pas uniquement
affaire d'emplois ou de sous. La méthode, qui consiste
à " écrêter les flux de personnels et
les moyens ", est en cause, qu'elle serve à distribuer
l'enveloppe nationale de l'hôpital entre les établissements
ou que, encore " accentuée ", elle préside
à la mise en place de la réduction du temps de travail
(RTT). Le président de la CMH distingue aujourd'hui "
deux sortes de services, d'hôpitaux et même de régions
: ceux qui sont sous perfusion et ceux qui sont des vaches à
lait ", dont aucun n'est finalement mieux loti que l'autre.
" Les services vaches à lait dépérissent
chroniquement. Les autres sont insatisfaits du caractère
homéopathique de leur perfusion ".
Le Dr Aubart rappelle qu'il " avait plaidé pour que
la RTT soit l'occasion de revoir l'organisation de l'hôpital
".
Au vu de la mise en place effective des nouveaux plannings, il
avoue aujourd'hui redouter le " loupé ". "
Parce qu'on a choisi une gestion à la petite semaine et
parce qu'on a fait preuve d'une grande imprévoyance (je
pense à la démographie des personnels), on en est
simplement à tenter d'assurer la continuité des
soins dans une précarité de plus en plus grande
", accuse-t-il.
Pour mesurer concrètement les effets néfastes de
la RTT, François Aubart n'a pas à aller bien loin
: la moitié de son propre service est fermée depuis
une semaine, " faute de personnel ". Cette situation,
il ne la met pas sur le compte des seules 35 heures, mais celles-ci
ont joué leur rôle. "
La RTT est un révélateur des dysfonctionnements
de l'hôpital, elle le conduit au burn-out ",
prévient le président de la CMH.
" On aggrave les scissions "
Alors que des interprétations diverses et variées
circulent sur les conséquences pour l'hôpital de
son passage à 35 heures (le temps consacré au malade
va diminuer, les amplitudes horaires d'accueil dans les hôpitaux
vont rétrécir, disent les uns, tandis que les autres
affirment que cela ne va pas changer grand-chose), le Dr Aubart
n'a pas de doute : " Le temps moyen infirmier que reçoit
chaque patient à l'hôpital est de 12 minutes par
jour. En l'absence évidente d'un nombre suffisant de créations
de postes, la RTT va forcément amputer encore ces 12 malheureuses
minutes. "
Déjà " considérablement
déçu ", François Aubart craint
de l'être plus encore quand les médecins réduiront
leur propre temps de travail. Car, de son propre aveu, l'enfant
se présente mal. " Vu le comportement
des uns et des autres dans les discussions préparatoires,
notre réduction du temps de travail va favoriser les revendications
les plus catégorielles. Au lieu de tirer vers le haut,
c'est-à-dire vers la promotion de l'exercice médical
à l'hôpital, on tire vers une vision réductrice
des choses. On attise les oppositions, on aggrave les scissions.
" Là encore, la procédure retenue n'est
pas la bonne. Elle " ne pousse pas à rassembler, à
coordonner et à changer, mais à conserver les acquis,
à défendre des prés carrés, à
enfermer dans des petites citadelles ". Pour la suite des
événements, François Aubart n'est pas très
optimiste : " Le corps médical
hospitalier fait une réponse frileuse à un scénario
qui n'est pas le bon. Et nous voici bien loin des objectifs de
réorganisation autour du patient affichés il y a
six mois ou un an. "
- Karine PIGANEAU
Une nouvelle manifestation houleuse des personnels
Quinze mille personnes aux dires des organisateurs, six mille
selon la police, ont défilé mardi à Paris
à l'appel conjoint de la CGT, FO, CFTC et SUD. Pour réclamer
la réouverture des négociations sur le passage aux
35 heures de la fonction publique hospitalière - déjà
une réalité pour 67 % des agents concernés
-, les personnels de l'hôpital sont venus de Nantes, Montpellier,
Reims, Roubaix, Béziers, Cherbourg, Clermont-Ferrand...
Ils étaient plus nombreux que lors de la manifestation
précédente, le 31 janvier, et tout aussi remontés.
Une nouvelle fois, des incidents ont opposé en fin de journée
hospitaliers en colère et forces de l'ordre aux abords
du ministère de la Santé.
Alors qu'il y a maintenant près de six mois qu'un protocole
d'accord encadrant la réduction du temps de travail (RTT)
des hospitaliers a été signé par le gouvernement
et quatre organisations syndicales, la CGT, FO, la CFTC et SUD,
non signataires de ce texte, ne se satisfont toujours pas de ses
termes.
Ils réclament en particulier la création de 80 000
emplois, alors que 45 000 en trois ans sont prévus. La
preuve de la mobilisation du personnel qu'ils ont apportée
mardi n'a pas suffi à faire plier le ministère.
Reçus en délégation par un conseiller de
la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth
Guigou, les manifestants se sont vu une nouvelle fois signifier
un " non " sans appel à la réouverture
des discussions.
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