N° 714
(1ère partie)
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée
nationale le 19 mars 2003.
RAPPORT D'INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l'article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES
sur
l'organisation interne de l'hôpital
et prÉsentÉ
par M. René COUANAU,
Député.
___
Établissements de santé.
INTRODUCTION 7
I.- LA CRISE HOSPITALIÈRE 11
A. LES SYMPTÔMES, LES RÉVÉLATEURS ET LES
ACCÉLÉRATEURS DE LA CRISE 12
1. Le symptôme le plus préoccupant : le malaise
des personnels 12
a) Une série d'indicateurs objectifs prouve ce malaise
12
b) Le moral des personnels médicaux est au plus bas 12
c) Ce « syndrome de lassitude » atteint aussi les
personnels soignants et administratifs 13
2. La qualité du service rendu risque de se dégrader
13
a) La création de files d'attente dégrade le service
rendu aux usagers et viole le principe d'égalité
devant le service public de santé 14
b) Les personnels hospitaliers, et en particulier les personnels
soignants, ont moins de temps à consacrer à chaque
patient 14
c) La qualité des soins pourra-t-elle rester toujours
aussi élevée? 15
3. La réalité vécue s'éloigne de
plus en plus des dispositions législatives et réglementaires
15
a) Le projet d'établissement 15
b) La comptabilité analytique et l'évaluation des
pratiques professionnelles 15
c) Des dispositions d'application facultative 15
4. De récents facteurs, aggravants et simultanés,
ont mis en évidence la fragilité structurelle de
l'organisation interne de l'hôpital 16
a) Des chocs externes majeurs ont affecté l'organisation
du temps de travail à l'hôpital 16
b) Les nouvelles normes sanitaires édictées depuis
1994 obligent à l'excellence sans moyens supplémentaires
17
B. LA CRISE HOSPITALIÈRE EST MORALE, DÉMOGRAPHIQUE
ET FINANCIÈRE 18
1. Une crise morale profonde qui touche tous les acteurs de l'hôpital
public 19
a) Le malaise touche les personnels, les usagers et les élus
19
b) Les logiques corporatistes ont conduit au repli dans un «
hôpital-forteresse » 22
2. L'hôpital public affronte une crise financière
de plus en plus préoccupante 22
a) Le dynamisme des dépenses 22
b) Le poids des obligations non financées 23
c) Les contrats d'objectifs et de moyens contraignent à
« remettre les compteurs à zéro » 23
d) Les investissements sacrifiés 24
3. Une crise démographique 24
a) L'offre de soins nécessite toujours plus de main d'uvre
24
b) La demande en soins va s'accroître en quantité
et en qualité 24
c) La crise des vocations, très préoccupante, est
liée à l'attractivité moindre des métiers
de l'hôpital 25
C. LES CAUSES DE LA CRISE : UNE DEMANDE ACCRUE ADRESSÉE
À L'HÔPITAL ET DES FACTEURS DE DÉSORGANISATION
INTERNES ET EXTERNES 25
1. L'hôpital est victime de son succès et de sa
nécessité 25
a) L'hôpital public a assumé des missions à
la complexité croissante dans un contexte budgétaire
tendu 25
b) Les changements quantitatifs et qualitatifs de la demande
adressée à l'hôpital ont été
mal pris en compte par l'organisation interne des établissements
27
2. Les facteurs externes : absence de vision stratégique,
carcan administratif et mode de financement sclérosant
28
a) La tutelle, accaparée elle aussi par l'urgence et la
gestion, n'a pas assez développé une vision stratégique
28
b) Les logiques statutaires de la gestion du personnel et le
code des marchés publics constituent de véritables
carcans administratifs 30
c) Le mode de financement a rempli son objectif de maîtrise
des dépenses au prix de déséquilibres grandissants
32
3. Les facteurs internes : bureaucratisation croissante et absence
d'autorité et d'évaluation 32
a) « Mais qui est le responsable ici ? » 33
b) La « bureaucratisation de l'hôpital » :
l'administration hospitalière face à des services
balkanisés 35
c) L'absence de la formalisation de la culture d'évaluation
37
D. QUATRE PRONOSTICS POUR L'AVENIR DE L'HÔPITAL 38
II.- RENDRE AUX HÔPITAUX LEUR AUTONOMIE ET LEUR RESPONSABILITÉ
ET À L'ADMINISTRATION CENTRALE SES FONCTIONS DE PILOTAGE
DU SYSTÈME 43
A. LIBÉRER LES ÉNERGIES ET LES TALENTS DANS LE
RESPECT DE L'AUTONOMIE DE L'ÉTABLISSEMENT 43
1. Un conseil d'administration aux compétences élargies
et à la composition renouvelée 44
a) Un « conseil d'administration qui administre »
44
b) La composition du conseil d'administration 47
2. La procédure budgétaire et le mode de financement
doivent contribuer à mieux identifier les responsabilités
48
a) La procédure budgétaire 48
b) La tarification à l'activité doit conduire à
promouvoir la responsabilisation de chacun 48
3. La gestion des ressources humaines à l'hôpital
: motiver et qualifier 50
a) Adapter le statut des praticiens hospitaliers 50
b) Ouvrir plus de perspectives aux personnels soignants 51
c) Promouvoir le recours à de nouvelles compétences
52
4. Assouplir les conditions de fonctionnement de l'hôpital
public 53
a) Simplifier les procédures de consultation et le fonctionnement
des instances 53
b) Assouplir les règles de droit public relatives aux
achats et aux investissements 53
c) Reconsidérer les modalités de la gestion du
forfait hospitalier journalier et du ticket modérateur
54
5. L'organisation médicale de l'hôpital public :
laisser le pragmatisme s'exprimer 54
a) Dans les grands établissements, mettre fin à
la balkanisation 54
b) Appliquer l'amendement "liberté" 55
6. L'hôpital doit « sortir de ses murs » 56
a) La coopération institutionnelle 56
b) Attirer et garder les talents à l'hôpital 56
c) L'hôpital « dématérialisé
» 57
B. LE PILOTAGE GLOBAL DU SYSTÈME HOSPITALIER : TRACER
LES ORIENTATIONS, DÉCONCENTRER, ÉVALUER ET QUALIFIER
57
1. Stopper l'hyperconcentration 57
a) L'établissement de listes nationales d'aptitude et
la nomination relèveraient toujours de l'autorité
ministérielle, l'affectation du conseil d'administration
de l'établissement 58
b) Une gestion régionalisée et individualisée
de la carrière des praticiens hospitaliers 58
c) Créer des possibilités de reclassement pour
les praticiens hospitaliers et les directeurs d'hôpitaux
59
2. Plus de transparence dans le pilotage et la production de
normes 59
a) Créer une instance de concertation transversale relative
à l'hôpital public auprès du ministre en charge
de la santé 59
b) Réaliser une étude d'impact et une évaluation
médico-économique des mesures de sécurité
sanitaire projetées 60
3. L'évaluation à l'hôpital : un impératif
majeur 60
a) L'évaluation des pratiques professionnelles des praticiens
hospitaliers 60
b) L'évaluation des équipes 61
c) L'évaluation managériale des gestionnaires 61
4. Poursuivre le processus de restructuration mais en le rendant
plus transparent 61
a) L'organisation interne de l'hôpital ne doit pas être
l'otage d'une répartition inefficiente des ressources dans
un territoire donné 61
b) Les modalités de ces restructurations doivent être
revues : plus de transparence, plus de pédagogie et plus
de démocratie 63
c) Intégrer l'Assistance publique - Hôpitaux de
Paris (AP-HP) au processus de restructuration 63
CONCLUSION 65
PRINCIPALES PROPOSITIONS DE LA MISSION 66
CONTRIBUTION PRÉSENTÉE PAR LES MEMBRES DE LA MISSION
APPARTENANT AU GROUPE SOCIALISTE 69
TRAVAUX DE LA COMMISSION 75
2ème partie du rapport : ANNEXES
INFORMATIONS RELATIVES À LA MISSION
Composition de la mission
Personnes auditionnées par la mission
Déplacements effectués par la mission
Compte rendu de la table ronde du 17 septembre 2003 : «
L'organisation interne de l'hôpital public est-elle au service
du malade ?
ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
Principaux textes portant organisation interne de l'hôpital
Ouvrages et rapports portant sur l'organisation interne de l'hôpital
Statuts des personnels médicaux, soignants et administratifs
travaillant à l'hôpital
Planning général type d'une opération immobilière
ORGANISATION INTERNE DE L'HÔPITAL A L'ÉTRANGER
Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suisse, Etats-Unis et Québec
INTRODUCTION
« Les hôpitaux sont en quelque sorte la mesure de
la civilisation d'un peuple ».
Tenon, in « Mémoire sur les hôpitaux de Paris
» (1760).
Après la tenue d'une table ronde consacrée à
l'organisation interne de l'hôpital le 17 septembre 2002,
le bureau de la commission des affaires culturelles, familiales
et sociales a décidé de créer une mission
d'information sur le même sujet1. La mission a conduit ses
travaux de novembre 2002 à mars 2003.
Le périmètre de la mission comprenait les établissements
publics de santé (principalement les centres hospitaliers
régionaux, les centres hospitaliers et les hôpitaux
locaux) et les « établissements participant au service
public hospitalier ». Cela représente 1 031 établissements
publics de santé et 472 participants au service public
hospitalier (données issues du rapport de la Cour des comptes
sur la sécurité sociale de septembre 2002). Selon
le ministère en charge de la santé (statistiques
annuelles des établissements de santé) les effectifs
hospitaliers atteignent environ 750 000 personnes, dont 100 000
médecins et près de 200 000 personnels infirmiers.
Le budget 2003 de ces établissements représente
un montant total de 47,8 milliards d'euros.
La mission a procédé à l'audition de plus
de cinquante personnalités. Dans un laps de temps relativement
court, elle a programmé des déplacements dans des
établissements de statut et de taille différents,
situés dans des régions diverses, afin de disposer
d'une vision la plus large possible du service public hospitalier2.
La mission ne s'est pas fixée comme objectif de rendre
un rapport de spécialistes du secteur hospitalier. Elle
n'a pas non plus abordé la problématique plus large
de la place de l'hôpital dans l'organisation de notre système
de soins. Elle a voulu entendre le plus grand nombre d'avis possible
afin d'établir un diagnostic de la situation et d'avancer
des propositions.
*
Y a-t-il une crise de l'hôpital public ?
Quelles que soient les nuances à apporter, les différences
de situation observées, les niveaux de gravité atteints,
la réponse ne fait pas de doute : oui, l'hôpital
public est en crise.
« L'hôpital va mal », « la situation
est grave », « la situation est préoccupante
» : telles sont les appréciations le plus souvent
entendues au cours des auditions réalisées par la
mission.
Des rapports, des publications, des dossiers de presse récents
décrivent les tensions de plus en plus vives qui affectent
le monde de la santé dans son ensemble et l'hôpital
en particulier : difficultés d'application des 35 heures,
manque d'effectifs, judiciarisation accrue, retards dans l'accueil
des patients, restructurations contestées...
Les observations de la mission confirment l'acuité de
cette situation : se cumulent à l'hôpital une réelle
perte de moral chez tous les hospitaliers, des difficultés
de fonctionnement, des défauts d'organisation, une moindre
réactivité face aux évolutions des besoins
sanitaires et des techniques, une montée des griefs faits
aux « tutelles » et une baisse de confiance dans l'avenir.
Cette crise est structurelle. Elle a été amplifiée
par des contraintes récentes. Si elle se poursuit, elle
s'aggravera et mettra en cause, sinon en péril, les missions
mêmes de l'hôpital public.
Le paradoxe hospitalier
Parce qu'elle est récurrente, la crise a été
banalisée. Parce que, aussi, et heureusement, les personnels
hospitaliers, dans leur grande majorité, continuent à
faire face à des obligations et à des sollicitations
de plus en plus lourdes, faisant dire à certains des interlocuteurs
de la mission « qu'on n'a jamais été aussi
bien soigné en France qu'en 2003 ».
C'est le paradoxe, certains diront le miracle hospitalier.
Car jamais une organisation n'a aussi peu favorisé les
adaptations, la réactivité, disons même...
l'intelligence, et pourtant les compétences, les initiatives,
les dévouements foisonnent, inventent, surmontent les obstacles
et les difficultés pour que, tant bien que mal, les missions
soient accomplies. Le sens du service public dont ont fait preuve
la plupart des hospitaliers a retardé ou compensé
les effets de la crise d'organisation et de pilotage ; mais il
ne l'a pas réglée.
Oui, l'hôpital marche... mais pour combien de temps encore
?
L'organisation de l'hôpital et le pilotage du système
hospitalier au cur de la politique de la santé
La mission considère qu'il est urgent de prendre des dispositions
et surtout de susciter une forte mobilisation pour une nouvelle
organisation de l'hôpital.
Comme l'a souligné à l'occasion de la table ronde
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des
affaires culturelles familiales et sociales, la crise de l'hôpital,
généralement attribuée au manque de moyens,
est due aussi aux défauts de l'organisation interne de
l'hôpital et du système hospitalier dans son ensemble.
Une meilleure organisation optimiserait les ressources disponibles
et motiverait les personnels hospitaliers.
La problématique de l'organisation est cruciale parce
que l'hôpital public est à la veille d'une croissance
considérable - une explosion, diraient certains - de la
demande adressée à l'hôpital. Il y aura en
2020 plus de deux millions de personnes âgées de
plus de 85 ans. Au moment où les nombreuses générations
du « baby boom » entreront dans des classes d'âges
fortement consommatrices de soins hospitaliers, l'hôpital
verra ses effectifs diminuer brusquement en raison des départs
à la retraite ! Comment faire, sachant que les ressources
ne suivront probablement pas une croissance similaire ?
Les modalités actuelles du fonctionnement des établissements
et celui du pilotage du système hospitalier (les deux étant
liés) ne permettent ni de valoriser l'engagement individuel
ou collectif, ni de reconnaître l'effort et la performance.
Si un redressement rapide n'est pas opéré, l'organisation
interne des hôpitaux et celle du système hospitalier
seront devenues à brève échéance,
si elles ne le sont déjà, de véritables «
machines à déresponsabiliser ».
C'est pourquoi les propositions de la mission se référent
à deux principes : l'autonomie des établissements
et l'affirmation des responsabilités, et s'articulent autour
de quatre axes :
- Contre l'étatisation, redonner aux hôpitaux publics,
dans le cadre d'une politique de santé nationale et régionale
et d'un financement bien entendu encadré, des marges de
manuvre et de liberté.
- Contre la complexité et l'inflation normative, simplifier
les organisations et les fonctionnements.
- Contre le découragement et le laisser-aller, retrouver
le chemin de la responsabilité à tous les niveaux
de l'hôpital, du conseil d'administration aux personnels
soignants.
- Contre l'épuisement et le gaspillage des talents, «
qualifier, évaluer et motiver ».
Ces propositions visent à redonner à l'hôpital
son efficience et son excellence, et aux hospitaliers la fierté
d'y contribuer.
I.- LA CRISE HOSPITALIÈRE
La loi du 21 décembre 19413, complétée par
le règlement d'administration publique du 17 avril 1943,
jette les bases de l'organisation interne de l'hôpital.
L'hôpital public moderne naît lorsque les ordonnances
du 30 décembre 1958 créent le statut de praticien
à temps plein et les centres hospitaliers universitaires.
C'est le début de l'essor de la médecine hospitalière
française.
La loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 introduit les
notions de service public hospitalier et de planification sanitaire,
consacrant l'hospitalocentrisme du système français,
accompagné de dépenses hospitalières toujours
plus élevées. Le décret du 11 août
1983 fixe le principe du financement par la dotation globale,
cherchant à contenir les dépenses au prix du maintien
de rentes de situation, de restructurations douloureuses mais
insuffisantes et de tensions budgétaires croissantes. Les
années suivantes voient le développement du programme
de la médicalisation des systèmes d'information
(PMSI).
La loi n° 91-748 du 30 juillet 1991 portant réforme
hospitalière vise à accroître l'autonomie
des établissements et à encourager le dialogue social
au sein des établissements. L'ordonnance n° 96-346
du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique
et privée crée des agences régionales de
l'hospitalisation, affirme les droits des patients et met en place
la procédure d'accréditation. Les agences régionales
commencent à mettre en place les restructurations indispensables
de l'offre hospitalière, et la conclusion de protocoles
salariaux revalorise de manière très significative
les rémunérations. Entre 1978 et 1994, le nombre
de praticiens hospitaliers a doublé.
Enfin, la loi n° 303-2002 du 4 mars 2002 relative aux droits
des malades et à la qualité du système de
santé parachève l'édifice normatif en formalisant
les droits des patients et en créant l'office national
d'indemnisation des accidents médicaux, des affections
iatrogènes et des infections nosocomiales.
En vingt ans, l'hôpital public a donc connu dans les textes
et dans la pratique des évolutions profondes qui ont fortement
sollicité les capacités d'adaptation de ses personnels.
Le décalage est d'autant plus frappant avec le sentiment
d'immobilisme exprimé depuis plusieurs années par
les mêmes personnels hospitaliers. Ainsi, ces novations
semblent avoir exaspéré les frustrations.
Ce rapport tente d'analyser les symptômes, les révélateurs
et les accélérateurs de la crise (A), ses dimensions
morale, financière et démographique (B), et les
causes de la désorganisation (C). Il esquisse ce que pourraient
être les scénarios de l'avenir de l'hôpital
public (D).
A. LES SYMPTÔMES, LES RÉVÉLATEURS ET LES
ACCÉLÉRATEURS DE LA CRISE
Trois symptômes sont très significatifs : le mal-être
des personnels travaillant à l'hôpital, la dégradation
des conditions d'accueil des patients et des usagers, et enfin
l'application très partielle et très limitée
de textes législatifs et réglementaires.
Ces symptômes s'inscrivent dans des tendances de long terme.
Deux facteurs externes sont venus récemment aggraver la
crise et ont agi comme des révélateurs : l'application
de la réduction du temps de travail et la sévérité
accrue des normes relatives à la sécurité
sanitaire.
1. Le symptôme le plus préoccupant : le malaise
des personnels
A l'écoute des personnes entendues dans le cadre des auditions
et dans ses déplacements, la mission a fait le constat
de ce malaise. Le mal-être généralisé
prend des expressions différentes selon les régions
(il existe des problématiques spécifiques, comme
le cas de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris), les
catégories et l'âge des personnels concernés,
puisque de véritables « conflits de génération
» surgissent, particulièrement chez les médecins.
a) Une série d'indicateurs objectifs prouve ce malaise
Le document élaboré par le ministère chargé
de la santé « Données sociales hospitalières
» (2002) fait état d'une croissance ininterrompue
des absences pour motifs médicaux depuis 1996, ce qui peut
être interprété comme l'un des indicateurs
du reflet d'une ambiance dégradée. Il montre que
le nombre de départs ayant pour cause une démission
augmente : en valeur absolue, il a doublé depuis 1998.
Le nombre total annuel de jours de conflits, un des indicateurs
de la conflictualité sociale, après avoir diminué
de 1995 à 1998, a considérablement augmenté
en 1999 et 2000.
b) Le moral des personnels médicaux est au plus bas
Un des interlocuteurs de la mission a évoqué «
l'épuisement » des médecins hospitaliers.
Une enquête menée par l'Académie nationale
de médecine auprès de 956 chefs de service des hôpitaux
généraux4 (sur 1300 questionnaires envoyés)
montre que 87 % des personnes interrogées estiment que
les conditions d'exercice « se sont nettement détériorées
».
Les symptômes les plus significatifs sont, outre les arrêts
de travail et les grèves de médecins hospitaliers
(dont les internes), les démissions (ou les menaces de
démission) de postes de chefs de service. Les retraites
anticipées se multiplient : s'agissant des médecins,
les deux premières causes de départs sont les démissions
(39 %) et les départs de non titulaires (22 %). Il semble
qu'un grand nombre d'internes manifestent le souhait d'abandonner
leur carrière à l'hôpital, alors même
qu'elle présente des avantages certains (activité
salariée, multidisciplinarité, haute technicité
...). Le nombre de postes vacants devient très préoccupant
dans certaines disciplines (notamment l'anesthésie-réanimation)
pour lesquelles, à l'ouverture des postes, le taux postes
pourvus/postes vacants atteint 40 %.
Les propos recueillis auprès d'une cadre sage-femme illustrent
ce constat :
« J'ai un sentiment d'impuissance grandissant. Je passe
mes journées à courir pour essayer de colmater des
brèches de plus en plus grandes, et je n'ai plus de solutions
à apporter ».
c) Ce « syndrome de lassitude » atteint aussi les
personnels soignants et administratifs
Les autres catégories de personnel vivent également
un malaise profond, qui est resté jusqu'à aujourd'hui
relativement silencieux. Les crises éclatent au grand jour
lors des opérations de restructurations.
- Les personnels soignants
Les personnels soignants dénoncent la montée inexorable
de la charge en soins, le manque d'effectifs, les cadences élevées
et la déshumanisation de leur travail. Madame Josiane Pheulpin,
infirmière, l'un des « grands témoins »
invités à faire part de leur expérience lors
de la table ronde du 17 septembre 2002, rend ainsi compte de son
travail quotidien :
« Dans mon établissement, les soignants travaillent
trente-sept heures et demie par semaine, avec des jours de récupération,
d'où des effectifs de plus en plus réduits. Je travaille
dans un service de gériatrie. Sur un couloir de 110 mètres,
nous avons trente-huit personnes âgées, nous sommes
deux infirmières, une du matin, une du soir et une qui
travaille un peu le matin, un peu l'après-midi. Les soins
sont réalisés à la chaîne, sans prise
en compte des besoins des patients. Nos conditions de travail
se sont nettement dégradées, il faut tout faire
très vite ».
- Les personnels administratifs
La contribution écrite du syndicat national des cadres
hospitaliers (SNCH) évoque le « syndrome d'épuisement
» des personnels hospitaliers. Les directeurs d'hôpitaux,
« désabusés » (selon les termes de la
contribution écrite du SNCH), souffrent du malaise ambiant
et ont l'impression d'être devenus des boucs émissaires.
2. La qualité du service rendu risque de se dégrader
Compte tenu du malaise des personnels, les conditions de la prise
en charge des patients, et plus généralement des
usagers, se sont-elles dégradées ?
Il a semblé au rapporteur que la dégradation est
patente s'agissant de l'accueil et de la prise en charge des patients
et de leurs familles, notamment au service des urgences. Des efforts
restent à faire en ce qui concerne les conditions de l'accueil
des proches des patients et la prise en charge globale, cohérente
et continue des malades.
En revanche, une éventuelle dégradation de la qualité
des soins est difficile à mettre en évidence, notamment
parce que des indicateurs de qualité restent à élaborer.
En outre, la confiance des Français dans l'hôpital
public reste élevée.
a) La création de files d'attente dégrade le service
rendu aux usagers et viole le principe d'égalité
devant le service public de santé
Les modalités d'application de la réduction du
temps de travail, en l'absence d'embauches supplémentaires
suffisantes et de réorganisations plus efficientes, ont
dégradé les conditions d'accueil. En effet, la réduction
du temps de travail se traduit souvent par la réduction
des plages d'ouverture des secrétariats médicaux.
Cela diminue la qualité du service rendu, allonge les délais
de consultation et renforce le phénomène de files
d'attente, particulièrement pendant les périodes
de congés. Or, la multiplication des files d'attente dégrade
aussi les conditions de travail des personnels et l'image de l'hôpital
public.
En outre, elle porte préjudice aux principes constitutionnels
du respect de la protection de la santé et de l'égalité
devant le service public de santé. La pénurie de
professionnels de santé qualifiés est annoncée,
les files d'attente se forment et s'allongent : chacun a-t-il
accès aux soins hospitaliers dans des conditions identiques?
Les refus et les reports d'hospitalisation, le recours à
des réseaux sociaux informels pour obtenir rapidement un
rendez-vous, l'utilisation accrue de la formule de la consultation
privée en hôpital public, voire l'hospitalisation
dans des structures privées, plus coûteuses, sont
des symptômes préoccupants de la crise actuelle.
b) Les personnels hospitaliers, et en particulier les personnels
soignants, ont moins de temps à consacrer à chaque
patient
Les personnels soignants rencontrés par les membres de
la mission ont presque unanimement rapporté qu'ils avaient
de moins en moins de temps à donner à chaque patient.
Cette disponibilité moindre conduit nécessairement
à réduire le temps consacré par les soignants
et aides-soignants à l'écoute des malades et au
dialogue, les personnels accordant légitimement la priorité
aux gestes de soin.
Sur ce sujet, le témoignage d'un médecin d'un service
de soins de suite à l'hôpital intercommunal Jean
Rostand de Sèvres (92) est éclairant :
« Mais que faire quand dans un service de vingt-sept patients,
vingt à vingt-cinq nécessitent une aide à
la toilette ou une toilette complète et que nous avons
deux aides-soignantes ? Et l'infirmière pendant ce temps
se partage entre les soins (prises de sang, médicaments,
perfusions, pansements, ECG), visites, relevés de visite,
commandes diverses. On comprend qu'elle ne puisse pas toujours
répondre immédiatement quand une sonnette retentit
».
Faute d'effectifs suffisants ou de modes d'organisation plus
efficaces, le « soin » prend de plus en plus de place
au détriment du « prendre soin », selon une
distinction effectuée par les personnels soignants. La
crise hospitalière provoque une déshumanisation
accrue de l'hôpital, contraire aux orientations fixées
par l'ordonnance hospitalière de 1996 et la loi n°
303-2002 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à
la qualité du système de santé.
c) La qualité des soins pourra-t-elle rester toujours
aussi élevée?
La bonne réputation du système de santé
français repose en grande partie sur l'excellence de son
système de soins, l'aspect préventif ayant été
délaissé. Si l'hôpital, cur de notre
système de soins, est affecté par une diminution
de la qualité des soins, c'est l'ensemble de l'architecture
sanitaire nationale qui est mis en cause.
Cependant, il est apparu très difficile de porter un jugement
global et définitif sur une éventuelle dégradation
de la qualité des soins. Cette appréciation ne pourrait
être portée qu'après la mise en place d'une
véritable évaluation de la qualité des soins,
ce que le rapporteur considère comme un impératif
urgent et prioritaire.
3. La réalité vécue s'éloigne de
plus en plus des dispositions législatives et réglementaires
Un symptôme de la crise est l'absence d'application de
certaines dispositions législatives et réglementaires.
Quelques exemples :
a) Le projet d'établissement
Ce texte, arrêté par le conseil d'administration
et établi pour une durée de cinq ans, définit
les objectifs généraux de l'hôpital. Conformément
à l'article premier de la loi n° 2002-73 du 17 janvier
2002 de modernisation sociale, il inclut un volet social.
Selon l'enquête publiée dans le dernier rapport
de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement
de sécurité sociale, de très nombreux établissements
ne disposent pas d'un tel document : « Selon une enquête
effectuée auprès des ARH, moins de la moitié
(45 %) des établissements financés par la dotation
globale étaient dotés d'un projet approuvé
au 1er janvier 2002 ».
La Cour précise que cette absence concerne aussi des CHU.
b) La comptabilité analytique et l'évaluation des
pratiques professionnelles
L'obligation de tenir une comptabilité analytique, posée
par le décret n° 92-776 du 31 juillet 1992 relatif
au régime budgétaire, financier et comptable des
établissements publics de santé et des établissements
de santé privés participant à l'exécution
du service public hospitalier, ne semble pas respectée.
De même, l'évaluation des pratiques professionnelles,
imposée par la loi n°91-748 du 30 juillet 1991 portant
réforme hospitalière, n'est pas encore formalisée.
c) Des dispositions d'application facultative
On peut encore souligner l'absence d'application à grande
échelle des dispositions ouvrant la possibilité
d'une contractualisation interne et de la création de pôles
de responsabilité.
4. De récents facteurs, aggravants et simultanés,
ont mis en évidence la fragilité structurelle de
l'organisation interne de l'hôpital
La réduction du temps de travail et la sévérité
des normes sanitaires n'ont pas provoqué la crise. Elles
l'ont déclenchée et exacerbée. Les causes
de la crise sont en effet plus profondes et tiennent à
une demande accrue adressée à l'hôpital et
à des facteurs de désorganisation internes et externes.
a) Des chocs externes majeurs ont affecté l'organisation
du temps de travail à l'hôpital
Comme l'ont confirmé les interlocuteurs de la mission,
si la crise ne peut être imputée à la seule
réduction du temps de travail, la mise en place des 35
heures à l'hôpital a constitué une sorte de
paroxysme de l'inorganisation. Ses modalités auraient dû
être mieux programmées et être accompagnées,
pour aboutir à un réel succès, d'embauches
plus nombreuses, de réorganisations profondes et de restructurations
plus vigoureuses.
En fait, s'agissant de l'organisation du temps de travail des
personnels hospitaliers, trois chocs externes ont eu des conséquences
sans précédent sur l'organisation des équipes
:
- l'application aux personnels des lois portant réduction
du temps de travail, d'abord pour les personnels soignants puis
pour les personnels médicaux (protocole signé le
22 octobre 2001 et applicable au 1er janvier 2002) ;
- l'application d'un repos de sécurité pour les
médecins hospitaliers et pour les internes ;
- pour les mêmes personnels, la limitation du temps de
travail hebdomadaire à 48 heures et l'intégration
des gardes dans le temps de travail.
La Cour de justice des communautés européennes,
saisie par le « Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad
Valenciana » (Espagne), a rendu une décision le 3
octobre 2000, dite « arrêt SIMAP », qui a interprété
les directives 89/391/CEE et 93/104/CE comme s'appliquant aux
médecins. Cela conduit d'une part à plafonner la
durée de leur temps de travail hebdomadaire à 48
heures et d'autre part à intégrer dans ce temps
de travail la durée des permanences.
Ces nouvelles modalités d'organisation du travail satisfont
un grand nombre de médecins et de soignants, qui y voient,
outre un puissant moteur de restructuration, une qualité
de vie améliorée et une diminution du risque médico-légal.
Mais, alors qu'elle aurait pu être une bonne opportunité
de réorganisation complète, l'application de ces
dispositions - qui n'est d'ailleurs pas totale sur le terrain
- a été et sera extrêmement longue, complexe
et coûteuse à organiser (en temps et en investissements)
pour les directeurs d'hôpitaux, les chefs de service et
les cadres infirmiers.
Le rapport de la mission nationale d'évaluation de la
mise en place de la réduction du temps de travail dans
les établissements de santé en a pointé les
dysfonctionnements. Au sein de chaque service, ces dispositions
réduisent les effectifs présents dans le service
et diminuent considérablement les marges de manuvre
en cas d'imprévu (par exemple en cas d'arrêt maladie).
Selon beaucoup de médecins, elles ont un impact négatif
sur l'exercice de la collégialité, l'encadrement
médical, l'enseignement et la recherche. Elles pourraient
nuire à une prise en charge continue du malade en raison
de la rotation rapide des équipes.
Elles marquent le début d'un fossé entre les personnels
médicaux « postés » (notamment les anesthésistes
et urgentistes) et les médecins ayant une prise en charge
plus globale du patient. Elles signent enfin un fossé entre
deux générations, celle qui n'a jamais compté
son temps et la suivante.
b) Les nouvelles normes sanitaires édictées depuis
1994 obligent à l'excellence sans moyens supplémentaires
- Les normes sanitaires représentent un progrès
majeur
La sévérité accrue des normes sanitaires
à l'hôpital signe des avancées majeures en
matière de sécurité et d'hygiène.
Indispensable, sa nécessité avait été
soulignée par le rapport de la mission interministérielle
sur les hôpitaux de 1994. Depuis quinze ans, souvent sur
la base des recommandations-réflexions des sociétés
savantes (c'est-à-dire des professionnels de santé
concernés), des mesures législatives, mais principalement
de nature réglementaire, ont créé des standards
sanitaires ambitieux, comme le montre cette liste non exhaustive
:
- sécurité anesthésique : décret
n° 94-1050 du 5 décembre 1994 relatif aux conditions
techniques de fonctionnement des établissements de santé
en ce qui concerne la pratique de l'anesthésie et modifiant
le code de la santé publique ;
- urgences : décrets n° 95-647 et n° 95-648 du
9 mai 1995 relatifs à l'accueil et au traitement des urgences
et aux conditions de fonctionnement, modifiés par les décrets
n° 97-615 et 97-616 du 30 mai 1997 ;
- sécurité périnatale : décret n°
98-899 du 9 octobre 1998 modifiant le titre Ier du livre VII du
code de la santé publique et relatif aux établissements
de santé publics et privés pratiquant l'obstétrique,
la néonatologie ou la réanimation néonatale
;
- lutte contre les infections nosocomiales : décret n°
99-1034 du 6 décembre 1999 relatif à l'organisation
de la lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements
de santé et modifiant le chapitre Ier du titre Ier du livre
VII du code de la santé publique ;
- stérilisation des dispositifs médicaux : décret
n° 2000-1316 du 26 décembre 2000 relatif aux pharmacies
à usage intérieur et modifiant le code de la santé
publique ;
- réanimation : décrets n°2002-465 et n°2002-466
du 5 avril 2002 relatifs aux établissements de santé
pratiquant la réanimation et aux conditions techniques
de fonctionnement.
Ces décrets font l'objet d'arrêtés d'application
et de nombreuses circulaires de précision. On peut citer
à titre illustratif la circulaire DGS/5C/DHOS/E2/2001 n°
138 du 14 mars 2001 relative aux précautions à observer
lors de soins en vue de réduire les risques de transmission
d'agents transmissibles non conventionnels et la circulaire DGS/DHOS/DGAS/DSS/2001
n° 139 du 14 mars 2001 relative à la prise en charge
des personnes atteintes d'encéphalopathies subaiguës
spongiformes transmissibles.
Le respect intégral de ces prescriptions suppose des investissements
très importants : d'une part en matériel et en infrastructures
immobilières biomédicales, d'autre part en effectifs
supplémentaires de soignants et de médicaux. Il
est à noter que les structures privées sont parvenues
en général à respecter ces normes sans augmenter
leurs coûts de manière excessive.
- Les moyens n'ont pas suivi et les textes font l'objet d'une
application très différenciée
Ayant pour objectif de renforcer la sécurité sanitaire,
ces normes ont été implicitement conçues
comme des incitations fortes à motiver des restructurations
de l'hospitalisation publique autour de plateaux techniques très
médicalisés. Or, compte tenu de la lenteur des restructurations,
l'application de ces normes devient soit extrêmement coûteuse
(en dépenses en personnel et en investissements) soit impossible.
Les moyens correspondants n'ayant pas été engagés
et les restructurations indispensables n'ayant pas été
opérées, ces normes constituent un facteur de désorganisation
pour l'hôpital et, surtout, un facteur d'insécurité
juridique. L'absence d'application est de nature à entraîner
la responsabilité des soignants, des médicaux, des
directeurs d'hôpitaux et, le cas échéant,
des préfets. Or, selon de nombreux témoignages recueillis
par la mission, ces textes ne sont pas appliqués dans de
nombreux établissements.
L'accumulation de ces textes très sévères
en provenance de la tutelle, motivée par l'application
du principe de précaution, provoque un certain découragement
chez les personnels hospitaliers. La contribution écrite
du SNCH note ainsi que ces textes privent le métier de
directeur d'hôpital de toute « créativité
».
Que faire ? Le respect intégral et immédiat de
ces normes entraînerait des fermetures de service et une
diminution transitoire mais très brutale de l'offre hospitalière
publique, diminution qui serait ressentie comme insupportable
dans les bassins de santé concernés. A l'hôpital,
des fonctionnaires et des médecins travaillent donc dans
l'illégalité. La tutelle perd en crédibilité,
les personnels sont découragés, sans que les patients
soient nécessairement mieux soignés.
B. LA CRISE HOSPITALIÈRE EST MORALE, DÉMOGRAPHIQUE
ET FINANCIÈRE
La crise hospitalière française présente
trois dimensions principales : le moral des personnels hospitaliers,
et en général des acteurs de l'hôpital public,
est au plus bas, les établissements traversent une crise
financière aiguë et les établissements ont
des difficultés à recruter.
1. Une crise morale profonde qui touche tous les acteurs de l'hôpital
public
La crise se traduit non seulement par le malaise des personnels
travaillant à l'hôpital mais aussi par un malaise
généralisé des acteurs de l'hôpital
public.
Les membres de la mission ont pu mesurer l'acuité du malaise
des personnels. Il se caractérise notamment par le repli
des équipes sur elles-mêmes.
a) Le malaise touche les personnels, les usagers et les élus
- Le malaise des personnels médicaux hospitaliers doit
être rapproché de la crise globale de la profession
médicale
Il concerne d'abord les conditions d'exercice professionnel et
l'absence de reconnaissance de la performance et de la qualité.
Les médecins performants ne sont pas assez récompensés,
alors que les médiocres, voire les mauvais et les dangereux,
ne sont pas sanctionnés. La montée en charge de
la prise en charge des urgences au détriment des opérations
programmées décourage les personnels. Enfin, l'accroissement
du risque médico-légal, réel ou ressenti,
accroît les tensions. D'un point de vue professionnel, l'hôpital
est beaucoup moins attractif. Il ne fait plus rêver. Le
recours aux praticiens à diplôme étranger,
notamment comme « faisant fonction d'internes », suscite
des réactions contradictoires. Ces praticiens représentent
une main d'uvre parfois moins qualifiée ou diplômée
que les praticiens à diplôme français, leur
maîtrise de la langue française est parfois déficiente.
Mais, taillables et corvéables à merci, ils permettent
à l'hôpital public de fonctionner correctement la
nuit ou les fins de semaine. Le recours accru à ces praticiens,
lorsqu'il est rapproché du brutal resserrement du numerus
clausus intervenu ces dernières années, suscite
l'incompréhension.
La lenteur des procédures d'investissement est également
décourageante pour des médecins dynamiques participant
activement à la préparation des projets immobiliers.
Les lourdeurs administratives, liées notamment au respect
du code des marchés publics, leur paraissent retarder inutilement
les projets d'investissement et de modernisation des établissements.
Beaucoup de médecins dénoncent la « bureaucratisation
» croissante des processus de décision. Un grand
malentendu est survenu. Depuis 1991, de nombreux dispositifs ont
associé aux décisions les personnels hospitaliers
et notamment médicaux ; or, les médecins se sentent
de plus en plus exclus de la gestion de l'hôpital. Au contraire,
ils pointent le temps passé dans des réunions, dont
ils affirment ne pas identifier les résultats pratiques.
Une autre source du malaise, de nature plus sociologique, concerne
plus généralement la place et le statut du médecin
au sein de l'hôpital. La montée en charge du «
pouvoir soignant » a été parfois mal ressentie,
comme le montrent les réactions des représentants
des médecins hospitaliers à la création du
corps des directeurs du service de soins infirmiers.
Une troisième source du malaise se rattache à la
place du médecin dans la société, et les
analyser ne relève donc pas directement de la compétence
de la mission. La dissémination d'une certaine culture
médicale dans la société a mis à bas
le monopole de certaines connaissances, autrefois détenues
par les seuls médecins.
- Les personnels soignants : vers l'épuisement des bonnes
volontés ?
Lors des déplacements, les membres de la mission ont particulièrement
cherché à entendre les témoignages des personnels
soignants. Le constat d'ensemble tient en quelques phrases : «
nous sommes à bout », « nous avons épuisé
toutes les solutions », « comment faire mieux avec
moins ? ».
Si la situation en termes de temps de travail s'est améliorée,
le manque d'effectifs, particulièrement la nuit, est de
plus en plus problématique. Un arrêt-maladie inopiné
remet en cause des organisations du travail patiemment négociées
par les cadres infirmiers. Des cadres d'un établissement
visité par la mission indiquent ainsi que les cumuls de
fonctions se multiplient, de même que les glissements de
tâche : par exemple, des auxiliaires de puéricultrice
assument des fonctions d'aides-soignants.
En corollaire à ces nouvelles organisations, la charge
de travail augmente. Les personnels soignants se sentent contraints
de faire des « soins à la chaîne », dans
une profession qui doit désormais « compter son temps
». Le manque de disponibilité pour chaque patient
réduit la possibilité d'effectuer les tâches
les plus valorisantes, comme la prévention ou l'éducation
à la santé. Aux yeux des personnels soignants, le
travail semble moins bien fait, des prestations dites «
de confort » (par exemple, les cours de préparation
à l'accouchement) sont supprimées, provoquant une
profonde frustration. Il reste de moins en moins de temps disponible
pour la formation, les actions qualifiantes ou la réflexion
sur le métier.
L'augmentation de la charge de soin multiplie les risques d'erreur,
alors même que les soignant sont en première ligne
pour affronter les exigences croissantes des patients et de leurs
proches. L'insécurité devient un problème
central.
Si les soignants ont l'impression de passer de moins en moins
de temps au « lit du patient » et de plus en plus
de temps à remplir des imprimés ou à téléphoner,
certains reconnaissent qu'il s'agit là néanmoins
de « soins indirects ».
Les personnels mettent en avant l'absence de reconnaissance des
efforts réalisés. Ils dénoncent la mauvaise
organisation dans la programmation des consultations et des interventions
au bloc opératoire.
Le malaise trouve aussi ses sources dans des considérations
de nature plus globale. Les restructurations hospitalières,
source de rumeurs permanentes, souvent évoquées,
préparées dans l'opacité ou annoncées
dans la précipitation constituent des facteurs d'angoisse
supplémentaire. Les incertitudes concernant l'avenir du
service, de l'établissement ou, d'un point de vue plus
global, de la profession (pénurie de personnels, postes
vacants) confortent cette anxiété. L'annonce d'une
réforme des conditions de départ à la retraite
semble, au moins dans un des établissements visités,
provoquer des départs anticipés.
Les cadres administratifs et les directeurs d'hôpitaux
doivent aussi faire face à une réglementation envahissante.
Les directeurs d'hôpitaux rencontrés par la mission
manifestent un attachement marqué à leur fonction,
malgré les responsabilités croissantes qui s'y attachent.
S'agissant de la « bureaucratisation » dénoncée
par certains, ils indiquent qu'ils s'efforcent d'appliquer l'impressionnante
masse de textes qui leur parvient chaque année en provenance
de la tutelle, comme l'a noté M. Alain Gaillard, directeur
de l'hôpital de Brive (Corrèze), lors de la table
ronde du 17 septembre 2002 :
« Si vous saviez le nombre de textes réglementaires
qui nous tombent régulièrement sur la tête
! On ne peut pas mettre en place le premier, qu'il y en a un deuxième
qui arrive. Il faudrait déjà essayer de mettre en
place la réglementation existante avant d'aller plus loin.
Pour moi, cela fait partie d'une première autonomie des
établissements. De plus, il y a parfois des contradictions
entre un règlement et l'autre, mais on ne va pas attendre
le contrordre pour appliquer l'ordre. »
Certains représentants des directeurs d'hôpitaux
déclarent « ne pas avoir une approche pessimiste
du système hospitalier » et mettent surtout en avant
les rigidités externes : la « myopie » des
pouvoirs publics, « le tout normatif », « l'absence
de réponse à la crise du budget global ».
Ils consentent cependant à dénoncer « les
corporatismes, les cloisonnements et les archaïsmes »
à l'intérieur de l'hôpital. Ils mettent en
évidence un pouvoir de décision affaibli et considèrent
la responsabilisation comme l'une des clefs de la réforme.
- Les élus : dessaisis et réduits à l'impuissance
?
Le maire est généralement président du conseil
d'administration de l'hôpital. S'il est difficile de faire
une enquête d'envergure nationale sur ce sujet, il semble
au rapporteur que les élus se sentent à la fois
dessaisis et impuissants face aux problèmes de leurs hôpitaux.
Ils essaient de relayer les impatiences de leurs électeurs.
Il s'agit d'attentes fluctuantes et parfois contradictoires, comme
le montrent le débat et les interrogations sur les arbitrages
entre la proximité et la sécurité.
Le conseil d'administration apparaît davantage comme une
chambre d'enregistrement à laquelle on fait cependant appel
pour appuyer telle demande de crédits supplémentaires,
tel investissement lourd ou telle résistance à des
projets de restructuration, de fermeture, de reconversion ou de
redéploiement de lits.
- Les usagers
Les membres de la mission ont entendu un représentant
d'une association de patients et rencontré des usagers
de l'hôpital public.
De manière générale, on peut noter que le
jugement sur l'hôpital public est nuancé : si la
prise en charge proprement médicale est jugée bonne,
l'accueil et la prise en charge globale sont mal notés.
L'information fournie aux patients et à leurs proches semble
insuffisante. L'anonymat de plus en plus répandu du corps
médical, les changements de service, les attentes pour
les examens, par exemple, sont mal ressentis.
b) Les logiques corporatistes ont conduit au repli dans un «
hôpital-forteresse »
Une des personnalités entendues par la mission a utilisé
pour décrire l'hôpital la métaphore de la
« forteresse », à la fois solide et protectrice,
mais dont les occupants, qui devraient uvrer ensemble pour
réaliser des objectifs communs, se réfugient de
plus en plus dans des « bastions » ou des «
tours d'ivoire ».
Ce renfermement et cette tendance autarcique sont des handicaps
dans la recherche de solutions de coopération avec d'autres
acteurs, publics ou privés. La situation en Ile-de-France
en est une caricature : les hôpitaux non membres de l'Assistance
publique - Hôpitaux de Paris peuvent-ils se développer
sans nouer des coopérations étroites avec cet énorme
ensemble ?
A l'intérieur de l'hôpital, les « bastions
» nuisent à toute gestion transversale. Le fossé
entre les médecins et les administratifs et les soignants
s'est creusé. La montée des inquiétudes,
du stress et des frustrations conduit au repli sur soi. Ce repli
a été bien analysé dans le rapport de la
mission nationale d'évaluation de la mise en place de la
réduction du temps de travail dans les établissements
de santé remis au ministre de la santé, de la famille
et des personnes handicapées en octobre 2002. Ce rapport
déplore notamment un excessif cloisonnement des métiers
et un « repliement sur elles-mêmes des équipes
», mettant en évidence les difficultés des
cadres hospitaliers chargés justement des missions transversales
de coordination. Les modalités d'application de la réduction
du temps de travail ont pu contribuer à creuser les différences
entre les équipes, par exemple en réduisant le temps
de transmission entre deux équipes de soignants se succédant
au sein d'un même service.
La contribution écrite du syndicat CFDT évoque,
s'agissant de l'hôpital, une « sorte de compromis
social constellé de " républiques autonomes
" - CA - CTE - CHS /CT - CME - aux frontières hermétiques
et aux pouvoirs bien différenciés ». Cette
remarque relative à la situation de l'hôpital avant
la loi de 1991 reste bien représentative des conflits qui
traversent l'hôpital marqués par une « dimension
clanique » suivant la contribution écrite du syndicat
national des cadres hospitaliers, et qui nuisent à son
bon fonctionnement.
2. L'hôpital public affronte une crise financière
de plus en plus préoccupante
Il ne s'agit pas d'une crise financière géné
ralisée de tous les établissements. Cependant, dans
de nombreux hôpitaux, le fort dynamisme des dépenses
a rendu inévitables les reports de charge. Les marges de
manuvre sont devenues presque nulles.
a) Le dynamisme des dépenses
Certains établissements hospitaliers publics voient leur
équilibre financier de plus en plus menacé. Ce déséquilibre,
d'abord conjoncturel, prend des proportions préoccupantes
depuis quelques années.
Deux postes de dépenses ont particulièrement augmenté
: d'une part les dépenses de personnel (les dépenses
du groupe I, qui représentent 70 % du budget total) et
d'autre part les dépenses médicales, particulièrement
les médicaments contre le cancer et le SIDA. A cela s'ajoutent
les dépenses engagées pour respecter les normes
(incendie, sécurité sanitaire...).
Les reports de déficit apparaissent comme autant de fuites
en avant, dans un contexte administratif où un directeur
d'hôpital faisant preuve de rigueur dans sa gestion crée
très rapidement de multiples mécontentements. La
direction financière fait donc parfois usage d'expédients,
tels que des reports du paiement de la taxe sur les salaires,
de factures extérieures et de primes annuelles des personnels.
Parfois, des dotations providentielles préservent in fine
des équilibres financiers compromis. Beaucoup d'établissements
ne disposent plus d'une visibilité budgétaire suffisante.
b) Le poids des obligations non financées
En ce qui concerne les dépenses de personnel, les protocoles
revalorisant les carrières des personnels médicaux
et non médicaux, décidés souvent au coup
par coup par la tutelle, n'ont pas toujours été
compensés complètement par les dotations allouées
par les agences régionales de l'hospitalisation.
Les revalorisations ont malheureusement été décidées
de manière trop ponctuelle, sans mener une réflexion
d'ensemble et à caractère prospectif sur les carrières
et les rôles de chaque catégorie de personnel. En
réaction aux difficultés posées par l'aménagement
de la réduction du temps de travail, un recours accru à
l'intérim médical et infirmier se développe.
Or, il s'agit d'un intérim particulièrement coûteux.
La tutelle - c'est-à-dire le ministère en charge
de la santé - est taxée de schizophrénie
par beaucoup d'interlocuteurs de la mission. Elle a exigé
le respect de normes de plus en plus rigoureuses (sécurité
sanitaire, temps de travail des soignants et des médicaux),
tout en augmentant très peu les moyens disponibles.
Sauf à procéder à des restructurations drastiques,
ou à réduire significativement l'activité
en fermant temporairement ou complètement des services,
la montée des difficultés financières était
donc prévisible. La restructuration a manqué de
vigueur et conduit à subventionner des établissements
très coûteux sans attribuer des moyens supplémentaires
aux établissements qui en avaient besoin.
c) Les contrats d'objectifs et de moyens contraignent à
« remettre les compteurs à zéro »
La discussion et la signature des contrats d'objectifs et de
moyens (ils ne sont pas encore généralisés)
entre l'agence régionale de l'hospitalisation et les établissements
a contraint ceux-ci, pour ainsi dire, à arrêter les
comptes et à procéder à des clarifications
qui viennent les sortir quelque peu du relatif confort de la dotation
globale et mettent en évidence des reports annuels trop
massifs.
Mais ces contrats d'objectifs et de moyens sont apparus souvent
comme trop partiels et comme une occasion pour les ARH de «
reprendre la main » dans la gestion financière des
hôpitaux, limitant en cela encore davantage les marges de
manuvre dont disposent les directeurs et les conseils d'administration.
d) Les investissements sacrifiés
La priorité donnée d'une part aux dépenses
de personnel et aux dépenses médicales, d'autre
part à d'importants travaux de sécurité immobilière
demandés par les commissions spécialisées,
a conduit la plupart des hôpitaux à sacrifier ou
à retarder considérablement le renouvellement des
plateaux techniques, des matériels médicaux et des
investissements immobiliers indispensables dans un parc hospitalier
vieillissant. Les provisions n'ont pas été constituées,
encore moins les amortissements. La reconstitution d'une capacité
suffisante de financement dans ces domaines demandera du temps.
A ce sujet, le ministre de la santé, de la famille et des
personnes handicapées, M. Jean-François Mattei,
a annoncé que le plan « Hôpital 2007 »
comprendrait un important plan quinquennal d'investissement.
3. Une crise démographique
Les besoins en matière de personnels médicaux et
soignants ne vont pas diminuer dans les prochaines années.
Or, la crise hospitalière se manifeste aussi par des difficultés
croissantes de recrutement, la politique de resserrement du numerus
clausus ayant joué un rôle moteur dans cette désaffection.
a) L'offre de soins nécessite toujours plus de main d'uvre
En ce qui concerne l'offre de soins, il apparaît d'abord
que l'introduction et l'application effective des progrès
médicaux exigent de plus en plus de personnels. Ainsi,
les nouvelles techniques d'imagerie et d'exploration s'ajoutent
aux anciennes et augmentent l'offre disponible. Le risque médico-légal
accroît les « prescriptions-parapluie » et les
traitements médicamenteux ont un impact discuté
sur la durée moyenne d'hospitalisation, qui a certes beaucoup
diminué en trente ans.
La féminisation croissante des professions de santé,
particulièrement des professions médicales, entraînera
une diminution de la « production de soins et de diagnostics
» à effectifs constants : il apparaît que les
femmes, souhaitant sans doute se consacrer davantage à
leur vie privée, sont moins enclines à effectuer
des heures supplémentaires.
b) La demande en soins va s'accroître en quantité
et en qualité
Le nombre de séjours (tous secteurs et disciplines) a
atteint en 2000 22,6 millions, soit 1,2 % de plus par rapport
à 1999 (+ 5,5 % pour l'hospitalisation partielle).
La demande en soins ne montre pas de fléchissement et
croîtra de manière importante au moment de l'afflux
des générations du « baby-boom » dans
des âges de la vie où la demande de soins augmente.
L'âge moyen des patients augmentera fortement et l'hôpital
devra traiter des pathologies chroniques ou des polypathologies
très consommatrices en soins hospitaliers.
c) La crise des vocations, très préoccupante, est
liée à l'attractivité moindre des métiers
de l'hôpital
Pour embaucher des professionnels de santé à l'hôpital,
il faut non seulement pouvoir engager les moyens correspondants
mais aussi trouver des candidats.
On constate l'apparition d'une crise des vocations, différenciée
suivant les spécialités, les secteurs et les régions.
En effet, si le taux global de vacance des postes de praticiens
à temps plein atteint 18 %, la crise des vocations est
particulièrement marquée - en ce qui concerne le
recrutement de médecins - dans les régions Picardie,
Champagne-Ardenne, Auvergne, Nord-Pas-de-Calais, Basse-Normandie
et Lorraine.
La crise des vocations est remarquable dans certaines disciplines
dont l'exercice est particulièrement difficile. Il s'agit
notamment de l'obstétrique, de l'anesthésie et de
la chirurgie. De plus en plus, les externes réussissant
le concours de l'internat délaissent la chirurgie et choisissent
en priorité des spécialités médicales,
jugées plus rémunératrices et moins exigeantes
à bien des égards. Il existera à court terme
des manques criants et urgents dans certaines spécialités
et dans certaines régions, particulièrement en neurochirurgie
et en chirurgie infantile et cardiaque.
En ce qui concerne les personnels infirmiers, la pénurie
devient préoccupante en Ile-de-France, chaque établissement
pratiquant une surenchère pour les attirer dans leurs services.
C. LES CAUSES DE LA CRISE : UNE DEMANDE ACCRUE ADRESSÉE
À L'HÔPITAL ET DES FACTEURS DE DÉSORGANISATION
INTERNES ET EXTERNES
Si l'hôpital est victime de son succès, des facteurs
de désorganisation internes et externes n'ont été
maîtrisés ni par les établissements ni par
la tutelle.
1. L'hôpital est victime de son succès et de sa
nécessité
L'hôpital public moderne a connu sa consécration
avec la création du « temps plein » en 1958,
dans un contexte particulier. Ces dix dernières années,
la demande adressée à l'hôpital public a profondément
changé, en quantité et en qualité. On demande
de plus en plus à l'hôpital : les techniques comme
les demandes évoluent.
a) L'hôpital public a assumé des missions à
la complexité croissante dans un contexte budgétaire
tendu
L'article L. 6111-1 du code de la santé publique définit
ainsi les missions des établissements de santé :
« Les établissements de santé, publics et
privés, assurent les examens de diagnostic, la surveillance
et le traitement des malades, des blessés et des femmes
enceintes en tenant compte des aspects psychologiques du patient.
Ils participent à des actions de santé publique
et notamment à toutes actions médico-sociales coordonnées
et à des actions d'éducation pour la santé
et de prévention.
Ils participent à la mise en oeuvre du dispositif de vigilance
destiné à garantir la sécurité sanitaire,
notamment des produits mentionnés à l'article L.
5311-1, et organisent en leur sein la lutte contre les infections
nosocomiales et les affections iatrogènes dans les conditions
prévues par voie réglementaire.
Ils mènent, en leur sein, une réflexion sur les
questions éthiques posées par l'accueil et la prise
en charge médicale.
Les établissements de santé mettent en place un
système permettant d'assurer la qualité de la stérilisation
des dispositifs médicaux répondant à des
conditions définies par voie réglementaire. »
L'article L. 6112-1 du code de la santé publique précise
les missions du service public hospitalier :
« Le service public hospitalier exerce les missions définies
à l'article L. 6111-1 et, de plus, concourt :
1º A l'enseignement universitaire et postuniversitaire et
à la recherche de type médical, odontologique et
pharmaceutique ;
2º A la formation continue des praticiens hospitaliers et
non hospitaliers ;
3º A la recherche médicale, odontologique et pharmaceutique
;
4º A la formation initiale et continue des sages-femmes
et du personnel paramédical et à la recherche dans
leurs domaines de compétence ;
5º Aux actions de médecine préventive et d'éducation
pour la santé et à leur coordination ;
6º Conjointement avec les praticiens et les autres professionnels
de santé, personnes et services concernés, à
l'aide médicale urgente ;
7º A la lutte contre l'exclusion sociale, en relation avec
les autres professions et institutions compétentes en ce
domaine, ainsi que les associations qui uvrent dans le domaine
de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion, dans une dynamique
de réseaux.
Le service public hospitalier assure, dans des conditions fixées
par voie réglementaire, les examens de diagnostic et les
soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire
et, si nécessaire, en milieu hospitalier ainsi qu'aux personnes
retenues en application de l'article 35 bis de l'ordonnance nº
45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée
et de séjour des étrangers en France. Il concourt,
dans les mêmes conditions, aux actions de prévention
et d'éducation pour la santé organisées dans
les établissements pénitentiaires. »
La rédaction de ces dispositions rend compte de l'étendue
et de la complexité des missions du service public hospitalier.
Ces dernières années, l'exercice de ces missions
a été rendu plus difficile par les changements des
attentes de la population vis-à-vis de l'hôpital.
b) Les changements quantitatifs et qualitatifs de la demande
adressée à l'hôpital ont été
mal pris en compte par l'organisation interne des établissements
La demande accrue adressée à l'hôpital public
est une des causes de la crise de l'hôpital, dont l'organisation
s'est révélée de moins en moins apte à
prendre en compte ces nouveaux besoins.
Cette demande accrue s'explique par la concentration des moyens
à l'hôpital, la disponibilité de ces moyens,
les facteurs démographiques, le désengagement de
certains acteurs privés et l'impact des progrès
techniques.
- La concentration des moyens
La concentration des moyens humains et techniques polarise la
demande en soins sur l'hôpital. Ce que d'aucuns appellent
« l'hospitalocentrisme » du système français
et sa concentration sur le curatif plutôt que le préventif
ont abouti à rassembler dans les établissements
publics - et particulièrement dans les CHU - un exceptionnel
potentiel humain et technique.
Cette concentration de compétences comme l'assurance procurée
par la présence de tous les équipements nécessaires
sur un lieu unique conduisent la population, sensibilisée
à la sécurité sanitaire, à s'adresser
de plus en plus à l'hôpital, notamment en cas d'urgence
pressentie. L'élévation continue du niveau d'éducation,
une certaine démocratisation de la connaissance médicale,
le consumérisme ambiant et l'amélioration des réseaux
de transport se traduisent par le recours accru à la solution
de l'hôpital.
- Un service public ouvert 24 heures sur 24
La concentration des moyens se conjugue à une disponibilité
totale, 365 jours sur 365 jours et 24 heures sur 24 heures via
l'admission aux urgences, qui accroît encore plus l'attrait
de l'hôpital. A cela s'ajoute l'absence de sélection
des malades. Cela contribue à ce que l'hôpital draine
vers lui un véritable bassin de santé, puisqu'il
constitue à la fois un centre de soins de proximité,
un centre d'aide médicale urgente, l'accueil de toutes
les précarités par le biais des urgences (notamment
psychiatriques) et enfin, s'agissant des CHU, l'établissement
de référence avec les praticiens réputés
et les équipements adéquats.
- Les évolutions démographiques
Le contexte démographique renforce cette tendance. Les
effets cumulatifs du vieillissement de la population et du niveau
élevé du nombre des naissances à l'hôpital
public alimentent un besoin de soins toujours plus élevé.
Le vieillissement de la population mettra en évidence les
manques en matière d'établissements de soins de
suite et de réadaptation : le nombre annuel de séjours
en soins de suite et de réadaptation a augmenté
de 23 % en cinq ans.
- L'hôpital et son environnement
Le désengagement de la médecine de ville (pour
l'aide médicale urgente) et de l'hospitalisation privée
joue un rôle important. La disparition des acteurs privés
sur une zone donnée accroît la pression sur l'hôpital.
Les restructurations de cliniques et la fermeture d'établissements
augmentent brusquement la demande en soins adressée à
l'hôpital, particulièrement en ce qui concerne les
services de maternité.
- Le progrès des techniques de soins et de diagnostic
Le progrès médical, et en particulier le développement
des techniques d'investigation (imagerie et analyses biologiques,
par exemple) constituent une chance supplémentaire pour
le patient et accroissent de deux manières la demande adressée
à l'hôpital.
D'une part, ces progrès conduisent à multiplier
les examens complémentaires et à prolonger l'hospitalisation.
Comme l'ont rapporté plusieurs interlocuteurs de la mission,
l'établissement d'un diagnostic demande plus de «
temps médical » et plus de « temps infirmier
» qu'auparavant.
D'autre part, le progrès médical s'étendant
avec une vitesse accélérée grâce aux
moyens de communication modernes et à l'élévation
du niveau moyen des connaissances médicales du grand public,
les exigences grandissent : l'innovation doit être implantée
la plus rapidement possible dans l'établissement le plus
proche, les meilleures procédures doivent être appliquées
presque immédiatement. Ce « droit à l'innovation
» émane à la fois des usagers, des élus
et des sociétés savantes, soucieuses de la diffusion
des bonnes pratiques. Il accroît la technicité de
la demande adressée à l'hôpital.
2. Les facteurs externes : absence de vision stratégique,
carcan administratif et mode de financement sclérosant
Outre les facteurs déclenchants identifiés plus
haut, l'hôpital public souffre de maux structurels. Certains
sont liés à des facteurs externes.
a) La tutelle, accaparée elle aussi par l'urgence et la
gestion, n'a pas assez développé une vision stratégique
La concentration excessive des décisions s'est conjuguée
avec le manque de prospective. Les restructurations ont manqué
de vigueur et la procédure d'accréditation est restée
trop formelle.
- La concentration excessive des décisions
Le système hospitalier souffre d'une trop grande concentration
des décisions, ce qui nuit à l'autonomie des établissements.
Cette concentration se marque à deux niveaux : l'administration
centrale (la direction de l'hospitalisation et de l'organisation
des soins, la DHOS, qui relève de l'autorité du
ministre en charge de la santé), et l'agence régionale
de l'hospitalisation (ARH).
A titre d'exemple, des directeurs d'hôpitaux ont rapporté
combien l'ARH s'immisce dans la gestion quotidienne de l'établissement,
par exemple en accordant des crédits à l'utilisation
très ciblée, ce qui semble incompatible avec le
respect de l'autonomie de l'hôpital.
A l'inverse, l'ARH manque des outils nécessaires pour
gérer les personnels à un échelon régional.
En effet, la gestion des carrières des praticiens hospitaliers
et des directeurs d'hôpitaux est centralisée à
la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins,
qui prend ainsi chaque année 8 000 décisions individuelles
(chiffre donné par le dernier rapport de la Cour des comptes
sur l'exécution des lois de financement de la sécurité
sociale) concernant 26 000 praticiens hospitaliers temps plein
et 6 000 temps partiel.
La gestion presque totalement concentrée à Paris
des corps des praticiens hospitaliers et des directeurs d'hôpitaux,
destinée en théorie à favoriser en partie
les mobilités professionnelles et à « reconnaître
» le caractère national des différents corps,
a trouvé ses limites.
A cette concentration de la gestion s'ajoute un manque de vision
stratégique et prospectiviste de la part de la tutelle.
La concentration du pouvoir, peu efficace dans la gestion «
au jour le jour », n'a pas servi la réflexion stratégique.
Cette carence est notamment illustrée par le manque d'études
et les résultats insuffisants en matière de prospective
relative à la démographie médicale. Ce manque
tire sa source d'une part dans l'actuelle division des tâches
entre la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des
soins et la Direction générale de la santé,
chargée des questions de formation et de démographie
des professions médicales, et d'autre part dans la relative
sous-administration du ministère en charge de la santé.
Compte tenu des moyens dont ces deux administrations disposent,
se pose la question de savoir si ces directions ont les capacités
de mener une réflexion de fond à caractère
prospectif et stratégique.
De plus, comme la Cour des comptes le souligne dans son dernier
rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité
sociale, les données concernant le nombre de médecins
hospitaliers, les statistiques de lits installés ou l'impact
final des restructurations déjà intervenues ne sont
pas connues avec précision par les service du ministère
chargé de la santé, ce qui ne saurait faciliter
le pilotage global du système.
- Les restructurations indispensables supposent certes du courage
et de l'autorité, mais aussi une vision stratégique
expliquée et partagée
En effet, le manque de vision stratégique se retrouve
également dans l'organisation des restructurations. «
Il y a trop d'hôpitaux en France » : cette remarque
a été très souvent entendue lors des auditions
menées par la mission.
Cette situation, si elle est avérée, a des conséquences
sur l'organisation interne. En effet, elle a un impact sur la
répartition des ressources, les effectifs et les organisations.
Deux établissements proches et offrant des prestations
de soins identiques pourraient être judicieusement réorganisés
pour augmenter leur productivité.
Mais cette action, liée étroitement à la
conception que peuvent avoir les élus territoriaux de l'aménagement
du territoire, demande à être expliquée, justifiée
et partagée par tous.
Le contraire s'est passé : chaque ARH s'est donnée
en fait les objectifs et les méthodes qu'elle a pu ou cru
pouvoir se donner. La politique d'ensemble n'a pas été
perçue, parce qu'elle n'a été ni élaborée
avec précision et transparence, ni dirigée par une
administration centrale elle-même soumise à toutes
les pressions et interventions que suscitent les actions au coup
par coup, non programmées et non préparées.
- L'accréditation, trop formelle, n'intègre pas
l'évaluation de la qualité des soins
« Trop de contrôles, trop peu d'évaluation
» a noté un interlocuteur de la mission. Les contrôles
sont partiels, épisodiques, non coordonnés et peu
suivis d'effets.
En matière hospitalière, l'évaluation reste
à bâtir.
L'accréditation menée par l'Agence nationale d'accréditation
et d'évaluation en santé (ANAES) oblige chaque établissement
à pratiquer une autoévaluation selon un cahier des
charges défini nationalement et de nature à mutualiser
les bonnes pratiques. Ce processus qui mobilise les équipes
hospitalières pendant des semaines porte plus sur le respect
de référentiels et de procédures administratives
que sur les résultats médicaux observables. La lecture
d'un compte rendu d'accréditation sur le site Internet
de l'ANAES ne permet pas de se faire une idée des performances
des équipes.
Les textes permettant une évaluation et le cas échéant,
une sanction, sont rarement utilisés, comme l'illustre
l'inutilité pratique de la période probatoire d'un
an intervenant après le recrutement d'un praticien hospitalier
temps plein (article 18 du décret n°84-131 du 24 février
1984). Il semble au contraire que cette durée devrait être
véritablement utilisée pour tester l'aptitude du
praticien.
b) Les logiques statutaires de la gestion du personnel et le
code des marchés publics constituent de véritables
carcans administratifs
- Une gestion des ressources humaines sous fortes contraintes
Le service public hospitalier est soumis :
- d'une part, aux dispositions réglementaires portant
statut des personnels enseignants et hospitaliers, des personnels
médicaux, pharmaceutiques et odontologiques hospitaliers
et des personnels en formation (en particulier le décret
modifié n°84-131 du 24 février 1984 portant
statut des praticiens hospitaliers) ;
- d'autre part, aux statuts particuliers des personnels de la
fonction publique hospitalière (24 décrets statutaires)5.
Si elles présentent des avantages notables, ces règles
enserrent la gestion des ressources humaines à l'hôpital
dans un étroit carcan, notamment en ce qui concerne les
métiers, les rémunérations ou les modalités
d'avancement.
L'hôpital public souffre de fortes rigidités en
matière de gestion de personnel. La direction ne peut différencier
les rémunérations suivant les spécialités
médicales ou les performances, promouvoir plus facilement
un praticien hospitalier ou un cadre infirmier faisant preuve
d'un engagement particulier ou sanctionner rapidement une insuffisance
professionnelle avérée. Les lourdeurs de gestion
deviennent énormes. En ce qui concerne les praticiens hospitaliers,
un délai de dix-huit mois s'écoule entre la décision
de la création du poste et la date où le poste est
effectivement pourvu. La mobilité géographique des
praticiens hospitaliers est très réduite.
En outre, l'hôpital public a besoin de nouvelles compétences,
qui sont mal prises en compte par les statuts actuels. Il a besoin,
par exemple, de logisticiens, d'informaticiens de réseaux,
de chargés de communication interne et externe. Les statuts
actuels rendent difficile l'embauche de ces personnels et leur
rémunération au taux du marché.
- Les achats et les investissements
Tous les interlocuteurs de la mission ont mis en évidence
les lourdeurs administratives liées au respect des dispositions
du nouveau code des marchés publics et à ses textes
d'application (décrets n° 2001-210 du 7 mars 2001 et
n° 2001-806 du 7 septembre 2001), que ce soit en matière
d'achats publics ou de réalisation d'investissements, notamment
immobiliers.
L'application de ces dispositions handicape considérablement
l'investissement des hôpitaux publics, dans l'absolu mais
également en comparaison avec la réactivité
des organismes de droit privé.
Elle conduit d'abord à retarder l'exécution des
opérations. Une annexe reproduit le schéma-type
d'une opération d'investissement dans un centre hospitalier
universitaire (CHU). En raison du calendrier fixé par le
code (les périodes prévues ne pouvant se chevaucher),
la durée minimale se monte à cinq années
! Cette durée incompressible est mal vécue par les
directeurs d'hôpitaux et par les médecins, qui la
comparent avec la souplesse des structures de droit privé
ou des établissements non soumis au code des marchés
comme les établissements participants au service public
hospitalier (par exemple, les centres de lutte contre le cancer).
La longueur de ces délais décourage les personnels
et fait courir à l'établissement le risque de disposer
au bout de cinq ans d'une installation non adaptée aux
besoins de la population, ne respectant plus les nouvelles normes
sanitaires ou techniquement dépassée.
Faut-il citer, en l'espèce, l'hôpital européen
Georges Pompidou (Paris) dont certaines installations, à
peine réalisées après de très longs
délais, doivent être aujourd'hui remises aux nouvelles
normes de sécurité édictées par les
commissions de sécurité ?
Enfin, les gestionnaires ont été conduits à
privilégier le respect des procédures juridiques
et administratives et à moins prendre en compte l'efficience
économique (le « bon achat »).
c) Le mode de financement a rempli son objectif de maîtrise
des dépenses au prix de déséquilibres grandissants
Depuis près de vingt ans, les établissements du
service public hospitalier sont financés par le système
de dotation globale, qui consiste à fixer à chaque
établissement, chaque année, à partir de
l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM)
et de la dotation hospitalière nationale, un taux de croissance
de son budget. Ce taux donné a priori ne tient pas compte
de l'activité sauf modulations opérées par
les ARH en fonction du coût du point ISA6 (qui portent sur
des sommes peu importantes).
Les deux mérites principaux de la dotation globale ont
été de sortir du mécanisme inflationniste
et aveugle du prix de journée et de maîtriser relativement
la croissance des dépenses hospitalières jusqu'à
une époque récente, si on la compare avec la dynamique
des dépenses de soins de ville.
Cependant, les inconvénients de ce système l'emportent
sur les avantages. Il n'encourage ni à l'activité
ni à la qualité. Il a figé des situations
historiques datant de 1984, sans pouvoir tenir compte des différentiels
d'évolution d'activité. Il a laissé subsister
deux modes de financement (dotation globale et forfaits), ce qui
handicape les possibilités de coopération entre
le secteur public et le secteur privé.
La dotation globale a été dévoyée
et n'est plus appliquée de manière intégrale.
La conclusion de protocoles salariaux non financés, la
pratique des « crédits fléchés »,
les abondements ou les réductions intervenant en cours
d'année budgétaire ont dénaturé l'action
du directeur de l'ARH et du directeur d'hôpital.
3. Les facteurs internes : bureaucratisation croissante et absence
d'autorité et d'évaluation
L'hôpital est défini par certains comme une entreprise
de main d'uvre ayant une mission de service public ; il
est vrai que l'hôpital, c'est d'abord une communauté
d'hommes et des femmes. Ce qui peut apparaître comme une
évidence définit l'ampleur des changements à
effectuer pour améliorer l'organisation interne de l'hôpital
: il faut faire évoluer les esprits et les mentalités.
La culture hospitalière publique a permis à l'hôpital
public de signer d'indéniables succès au cours des
trente dernières années. L'hôpital remplit
toujours ses missions, mais de plus en plus difficilement, notamment
en raison de facteurs culturels forts : une absence d'autorité,
un fonctionnement de plus en plus bureaucratique et l'absence
d'évaluation formalisée des pratiques professionnelles.
a) « Mais qui est le responsable ici ? »
- « Il n'y a pas d'autorité à l'hôpital.
»
Comme l'a fait remarquer une personne entendue par la mission,
« il n'y a pas d'autorité à l'hôpital
». Cette organisation complexe - faisant intervenir une
multitude d'acteurs différents en vue de produire du service,
des soins et des diagnostics - a enchevêtré toutes
les autorités pour que personne n'en subisse vraiment aucune.
C'est une des causes principales des problèmes graves que
traverse l'hôpital public, comme l'a souligné lors
de la table ronde du 17 septembre 2002 le Dr Rachel Bocher, psychiatre
des hôpitaux, chef de service, présidente de l'Intersyndicale
nationale des praticiens hospitaliers :
« Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un
problème de « patate chaude » : à qui
doit-on s'adresser ? Au directeur, à l'ARH, au président
de la CME, au directeur de pôle ? Qui détient la
responsabilité, le pouvoir de décision ? La confusion
des rôles est source d'une grande démotivation. »
- Le conseil d'administration, cet « incapable majeur »,
est placé sous une tutelle étroite
Conformément à l'article L. 6143-1 du code de la
santé publique, et donc en théorie, le conseil d'administration
définit la politique générale de l'établissement
: il délibère sur le projet d'établissement,
sur les modifications de structures médicales et donne
un avis sur les nominations de praticiens hospitaliers et sur
les nominations de chefs de service. Pourtant, le conseil d'administration
a été qualifié assez justement par les représentants
de la conférence nationale des directeurs d'hôpitaux
d'« incapable majeur ». En effet, sa dénomination
de conseil d'« administration » semble en quelque
sorte usurpée.
Que peut « administrer » ce conseil, puisqu'il ne
dispose pas du pouvoir de faire exécuter un budget qu'il
a voté au début de l'année, de choisir son
équipe de direction administrative et de nommer ses principaux
chefs de département ?
Ce conseil d'administration mériterait plus la dénomination
de conseil d'orientation. L'absence des financeurs au conseil
d'administration, si elle se justifie par le fait qu'ils siègent
au sein de la commission exécutive de l'ARH, contribue
à diminuer encore son rôle. Le conseil d'administration,
devenu le siège de débats convenus et formels, n'est
pas le lieu où se préparent les décisions.
Il les légitime à la fin du processus de décision.
Il est davantage une instance d'enregistrement et d'interpellation.
Les pouvoirs du conseil d'administration, étendus dans
les textes, sont dans les faits très limités par
les règles de la fonction publique hospitalière
et les statut des praticiens hospitaliers, la comptabilité
publique et l'action de l'ARH. Ce n'est d'ailleurs pas complètement
évitable dans un service public national soumis à
la règle des crédits limitatifs.
- Les directeurs d'hôpitaux sont tiraillés entre
différentes autorités
Le directeur d'hôpital est en fait « responsable
mais pas patron ». Recruté par la voie d'un concours
administratif, il n'a ni les moyens ni les outils pour travailler
comme un véritable manager.
Il lui faut en effet composer avec de multiples autorités
et centres de décision, reflets d'autant de légitimités
différentes : l'administration centrale (DHOS, dont ils
relèvent, Direction générale de la santé
- DGS), le cas échéant le cabinet du ministre chargé
de la santé, le préfet, les DASS/DRASS, éventuellement
les caisses, le directeur de l'ARH, éventuellement le doyen
et, enfin, le conseil d'administration dominé par les élus
locaux. Sans compter naturellement la concertation avec les syndicats,
dont la centralisation n'est plus à démontrer en
la matière.
En ce qui concerne l'organisation interne de l'hôpital,
son autorité est limitée. Il doit composer et négocier
avec le président de la CME, le maire président
du conseil d'administration, et, le cas échéant,
avec le doyen (voire les doyens quand le CHU doit négocier
avec plusieurs facultés).
Sur les personnels, son autorité est aussi relative :
conformément à la rédaction de l'article
L. 6143-7 du code de la santé publique, le directeur d'hôpital,
assurant « la gestion et la conduite générale
de l'établissement », « exerce son autorité
sur l'ensemble du personnel dans le respect des règles
déontologiques ou professionnelles qui s'imposent aux professions
de santé, des responsabilités qui sont les leurs
dans l'administration des soins et de l'indépendance professionnelle
du praticien dans l'exercice de son art ».
- La commission médicale d'établissement a un rôle
variable et ambigu
La commission médicale d'établissement (CME) rassemble
les médecins de l'établissement, qui élisent
un bureau. Son président joue un rôle important au
sein de l'hôpital.
La CME, dont l'action peut être paralysée en raison
du grand nombre de membres, a un rôle ambigu. Elle fonctionne
d'abord comme un « parlement médical ». Elle
contribue aussi à élaborer la stratégie médicale
de l'établissement. Elle donne également un avis
sur les nominations médicales, notamment sur celles des
chefs de service et sur les situations individuelles des médecins.
Il semble que dans beaucoup d'établissements, la CME peine
à synthétiser les avis et les opinions des médecins,
et on peut se demander si toutes les CME ont les moyens de mener
une réflexion stratégique à caractère
prospectif sur l'établissement et sa stratégie.
En particulier, il manque parfois à la réflexion
menée dans cette instance l'aspect de l'intégration
territoriale.
- Les textes ne ménagent qu'une autorité limitée
aux chefs de service
Si, dans les faits, il est essentiel au bon fonctionnement du
service, le chef de service n'a en fait guère de pouvoirs
formels sur son équipe médicale et encore moins
sur l'équipe soignante. Les règles déontologiques
ou professionnelles limitent son autorité. Il a davantage
une légitimité « technique » et charismatique
que managériale.
- Les conséquences néfastes du déficit d'autorité.
Ce déficit d'autorité nuit au fonctionnement efficace
de l'hôpital. Il rend difficile l'élaboration des
décisions, ralentit leur exécution et décourage
les personnels hospitaliers.
A titre d'exemple, de nombreux interlocuteurs de la mission ont
relevé la sous-utilisation des blocs opératoires
et des équipements lourds à l'hôpital public.
A l'hôpital, le planning de l'occupation des plateaux techniques
serait « un défi à l'efficacité »
selon l'expression d'un des interlocuteurs de la mission. Contrairement
à la situation qui prévaut dans les cliniques, où
une planification minutée optimise le temps des personnels
médicaux et soignants, ainsi que l'équipement concerné,
l'organisation de l'occupation du bloc et du plateau technique
est très insuffisante dans certains établissements.
Aucune autorité reconnue par tous les personnels (médicaux,
soignants, administratifs) ne s'est encore imposée pour
éviter que le retard d'une demi-heure d'un acteur-clef
n'immobilise une équipe de dix personnes très qualifiées
et un équipement très coûteux.
De même, en cas d'insuffisance professionnelle ou de problèmes
disciplinaires, les sanctions éventuelles sont très
difficiles à mettre en uvre, en raison de l'absence
d'une autorité que personne ne peut dès lors exercer.
b) La « bureaucratisation de l'hôpital » :
l'administration hospitalière face à des services
balkanisés
- Le mauvais remède à l'absence d'autorité
La plupart des médecins entendus par la mission ont relevé
que le fonctionnement de l'hôpital était de plus
en plus marqué par une lourde bureaucratisation, selon
eux néfaste à son bon fonctionnement.
Cette bureaucratisation, imputable à des causes externes
à l'hôpital, se traduit concrètement par une
inflation des textes et des circulaires, des formulaires à
remplir et des réunions.
Le volume des directives, instructions et normes provenant des
directions du ministère requerrait à lui seul plusieurs
fonctionnaires pour les analyser, les traduire, les diffuser et
veiller à leur respect. En conséquence, sous cette
pluie diluvienne de circulaires, l'hôpital public s'est
forgé une attitude de résignation. Le tout fait
penser irrésistiblement à l'eau de la pluie ruisselant
sur les plumes du canard. Combien de circulaires atteignent leurs
but et pénètrent vraiment l'intérieur des
établissements ?
Le nombre de commissions ou de réunions a cru aussi de
manière démesurée. Les représentants
du syndicat national des cadres hospitaliers ont ainsi indiqué
à la mission qu'ils avaient comptabilisé pas moins
de vingt et une commissions.
Il faut recenser les commissions crées par la loi, les
commissions imposées par les normes réglementaires
et celles organisées par la hiérarchie médicale,
soignante ou administrative. Cela conduit à répéter
souvent devant des instances différentes des procédures
identiques, par exemple la présentation du projet d'établissement
par le directeur.
Certaines instances, créées en vue de résoudre
un malaise touchant une catégorie particulière,
ne démontrent pas encore leur utilité et ne sont
pas parvenues à formaliser efficacement le dialogue social
à l'intérieur de l'hôpital.
C'est par exemple le cas de la commission du service de soins
infirmiers. Cette commission, comme l'indique le syndicat CFDT
dans sa contribution écrite, « n'a pas permis de
répondre à la crise d'identité des personnels
soignants. Elle demeure toujours une « curiosité
de la loi hospitalière » qui, selon les équipes
CFDT, ne mérite pas le détour. » Il préconise
de la transformer en « commission de services de soins,
incluant les personnels médico-techniques et de rééducation
».
Deux autres exemples sont éclairants :
- En ce qui concerne le programme de la médicalisation
des systèmes d'information (PMSI), il semble que les investissements
dans la formation des personnels, médicaux et non médicaux,
aient été insuffisants.
- En outre, la procédure du contrat d'objectifs et de
moyens (COM) conclu entre l'établissement et l'Agence régionale
de l'hospitalisation peut mobiliser les énergies pendant
plusieurs années, pour parvenir à un document portant
sur des montants assez réduits en proportion du budget
total de l'hôpital, l'ARH n'ayant pas la possibilité
de prendre des engagements pluriannuels. La procédure se
révèle longue, lourde à organiser et d'un
rapport efforts engagés/bénéfices réduit.
La solution ne réside pas dans la suppression de cet outil
: à l'inverse, il faudrait lui donner plus d'importance
afin que le contrat porte sur des masses financières significatives.
- L'organisation médicale est marquée par une balkanisation
croissante
Le service est une donnée essentielle de l'organisation
de l'hôpital. Il est essentiel de constituer au sein de
l'hôpital des équipes sous la direction d'un chef
et spécialisées sur une base médicale ou
médico-technique. Signe de cette importance, le code de
la santé publique dispose que le chef de service est nommé
par le ministre chargé de la santé pour une durée
de cinq ans renouvelable. Ce renouvellement est dans les faits
quasi-automatique et la procédure d'évaluation prévue
par le code de la santé publique (rapport d'activité
et d'évaluation remis au directeur et au président
de la CME) est en fait très formelle.
Le code de la santé publique organise l'hôpital
en services, composés d'unités fonctionnelles. Avec
l'accord des chefs de service, les services et les départements
peuvent être regroupés en fédérations
placées sous la responsabilité d'un coordinateur
médecin, assisté par des cadres infirmier et administratif.
Le fait que ce coordinateur ne soit pas nommé par le ministre
n'encourage pas les vocations et la mise en place de ces fédérations
ne rencontre pas un franc succès. La mission a pu néanmoins
voir un bon exemple à l'hôpital européen Georges
Pompidou (Paris), où l'organisation s'articule autour de
« pôles » (fédérations). Cette
organisation serait particulièrement efficace pour les
pôles médico-techniques. La mission a noté
que la mise en place des centres de responsabilités et
de la contractualisation interne, dont les règles ont été
fixées par l'ordonnance hospitalière de 1996, n'a
pas connu un grand succès. Cet insuccès est en partie
imputable à la situation financière dégradée
: qui pourrait avoir un intérêt à contractualiser
lorsqu'il s'agit de gérer la pénurie et le manque
de ressources ?
L'organisation interne de l'hôpital public souffre d'une
balkanisation excessive, marquée par la multiplication
des services. Cette remarque vaut surtout pour les grands établissements.
Il y aurait ainsi près de 750 services à l'Assistance
publique - Hôpitaux de Paris. La multiplication des services
permet la nomination de chefs de service (ce qui représente
un facteur de motivation non négligeable pour les praticiens
hospitaliers) et la spécialisation des départements
sur des bases médicales très fines, notamment en
chirurgie.
La division en services trop petits a cependant pour inconvénient
de multiplier les centres de décisions. A l'intérieur
de l'hôpital, elle favorise plus la concurrence que la complémentarité.
De plus, elle empêche la synthèse de grandes orientations,
la création d'économies d'échelles (via la
mutualisation des lits et des plateaux techniques) et les coopérations
internes et externes à l'établissement. L'hyperspécialisation
est enfin inadaptée à une prise en charge plus globale
de cas lourds.
Une des illustrations de ces cloisonnements est le lent développement
de la chirurgie ambulatoire. En réponse à une enquête
de la Cour des comptes, les ARH expliquent ainsi cette insuffisance
:
« Le cloisonnement des services et la difficulté
de réduire le nombre de lits dans tel ou tel service compliquent
la mise en commun des moyens postulée par l'hospitalisation
ambulatoire, la difficulté à faire évoluer
les mentalités se doublant d'une difficulté pratique
à faire évoluer l'organisation interne dans des
locaux souvent inadaptés ».
c) L'absence de la formalisation de la culture d'évaluation
Le système hospitalier manque d'un système d'évaluation
externe, ce qui est de nature à démotiver les personnels
les plus motivés et les meilleurs. En matière hospitalière,
l'évaluation est encore à bâtir.
- L'évaluation des pratiques professionnelles est à
construire
Si le médecin ou le soignant est évalué
par ses collègues, confrères et par le chef de service,
il n'existe pas de procédures formelles permettant d'évaluer
les performances des équipes et des médecins, et
particulièrement les pratiques professionnelles. On peut
noter en revanche que l'évaluation des pratiques des praticiens
libéraux relève des unions régionales des
médecins libéraux.
L'évaluation des personnels hospitaliers, actuellement
au point mort malgré une obligation déontologique
(article 11 du code de déontologie) et une disposition
légale (article L. 6113-2 du code de la santé publique),
est indispensable. En effet, conjuguée à la tarification
à l'activité et, le cas échéant, à
l'instauration de formules d'intéressement, elle saura
mettre en place la reconnaissance du mérite que les personnels
attendent, lassés de constater que leurs efforts personnels
ne sont pas assez reconnus.
La recherche de la transparence
La carence en évaluation hospitalière pose aussi
le problème de la transparence de l'hôpital vis-à-vis
d'une part des assurés sociaux, qui financent le système
de soins, et d'autre part des usagers du service public hospitalier.
Pourquoi l'appréciation des performances des hôpitaux
et les comparaisons correspondantes seraient-elles réservées
au classement annuel des hôpitaux réalisé
par un hebdomadaire ? Peut-on se satisfaire de ce type de «
palmarès » annuel établi sur des bases non
validées ?
Aux Etats-Unis, des sociétés privées ont
développé des méthodes de classement d'hôpitaux
et ont mis en ligne le résultat de ces classements. La
méthodologie utilisée (qui est détaillée)
peut être discutée mais elle fournit à tous
de premiers éléments d'appréciation. On peut
se reporter à titre d'illustration au site Internet de
l'une de ces sociétés (par exemple, http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i0714.asp#TopOfPage).
*
* *
D. QUATRE PRONOSTICS POUR L'AVENIR DE L'HÔPITAL
Le diagnostic étant posé, il est intéressant
de tenter un pronostic sur l'avenir de l'hôpital public.
Cet essai de prospective détaillera donc l'éventail
des possibles.
S'agissant de l'avenir de l'hôpital, intimement lié
au mode d'organisation finalement adopté, il existe à
moyen terme une alternative fondamentale.
En effet, la poursuite de la tendance actuelle pourrait conduire
à trois scénarios différents : l'approfondissement
de la crise, l'évolution vers le statut de PSPSH («
participant au service public hospitalier ») ou l'application
d'un pilotage hospitalier direct et hiérarchique qui nierait
la particularité de la communauté hospitalière.
A notre sens, de profonds changements dans l'organisation interne
des hôpitaux et une forte volonté politique privilégiant
la responsabilisation des personnes et l'autonomie de l'établissement
pourront préserver l'hôpital public d'un déclin
annoncé.
Le scénario du pire :
L'inaction et une politique « au fil de l'eau » conduiraient
à une dégradation continue des conditions de travail
des personnels hospitaliers et de la qualité de la prise
en charge des malades.
La voie du « laisser aller », préservant les
intérêts de chacun à court terme par des ajustements
« cosmétiques », aurait de graves inconvénients
dès 2005, lorsque des changements démographiques
majeurs se produiront. Cette date pourrait marquer la fin du «
miracle hospitalier » : les bonnes volontés des personnels
s'épuiseraient irrémédiablement.
Dans ce scénario, la tarification à l'activité
n'étant pas appliquée, les crédits d'investissements
et les dotations annuelles conduiraient à préserver
les rentes dont bénéficient certains établissements
ou services dont l'activité ne justifie pas le montant
des ressources.
L'hôpital deviendrait en peu de temps une organisation
centrée sur les urgences, où la principale problématique
serait d'assurer la permanence des soins. En matière de
soins programmés et de consultations publiques, les files
d'attente s'allongeraient au détriment des personnes défavorisées
ou dont les relations ne pourraient assurer un accès rapide
aux meilleurs praticiens.
La part croissante des ressources dédiées à
l'accueil et au traitement des urgences réduirait encore
le temps consacré à des soins programmés
à la portion congrue. Dans cette perspective, l'hôpital
verrait ses équipes les plus brillantes partir pour l'hospitalisation
privée ou à l'étranger.
En outre, le transfert de malades vers le secteur privé
poserait la question de ses capacités à assurer
une prise en charge de qualité, notamment dans les cas
les plus lourds (polypathologies).
En forçant le trait, mais à peine, se dessinerait
ainsi le retour à « l'hôpital-hospice »,
où l'hôpital public assurerait seul la permanence
des soins et les urgences et prendrait en charge principalement
des personnes très âgées, les pathologies
chroniques et les personnes en situation précaire n'ayant
d'autre choix que le traitement à l'hôpital.
Le mauvais scénario :
L'étatisation et la centralisation : les hôpitaux
deviendraient des « services régionaux de santé
».
Ce scénario qualifié d'évolution «
à l'anglaise » interviendrait en réaction
au premier. La dérive continue des dépenses des
régimes de l'assurance maladie conduirait à la fin
du paritarisme et à la reprise en main du système
de santé par l'Etat, avec une verticalisation croissante
du processus de décision. L'hypercentralisation se conjuguerait
de plus en plus avec l'hyperréglementation. Des agences
régionales de santé constitueraient des «
assistances publiques » régionales. Les compétences
du
directeur de l'hôpital seraient réduites à
la portion congrue, l'agence dirigeant presque directement chaque
établissement, sous le contrôle étroit de
la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins.
Les membres des conseils d'administration des hôpitaux,
las de faire de la représentation, se désintéresseraient
du sort des établissements gérés par d'autres...
L'autonomie de l'hôpital serait alors profondément
remise en cause. Il n'existerait plus de communauté hospitalière,
les initiatives seraient bridées par l'empilement des pouvoirs
hiérarchiques.
Scénario improbable ? Voire ! Un important corps d'inspection
n'a-t-il pas indiqué à la mission que certains services
du ministère considéraient déjà que
les hôpitaux disposaient de trop d'autonomie... ?
Le scénario de la tentation :
L'évolution vers un statut d'établissement à
but non lucratif participant au service public hospitalier (PSPH).
Les lourdeurs administratives sont si pesantes que le «
modèle » des établissements régis par
le statut de participant au service public hospitalier (dit PSPH),
établissements de droit privé financés par
dotation globale, est quelquefois évoqué pour résoudre
la crise de l'hôpital public.
Il est vrai que la mission a pu vérifier, dans les centres
anti-cancéreux ou à l'Institut mutualiste Montsouris
par exemple, que ces établissements sont épargnés
par les contraintes lourdes de gestion qui pèsent sur l'hôpital
public. Le conseil d'administration recrute librement les cadres,
les praticiens, le personnel. Chaque grande unité de soins
gère contractuellement ses rapports avec l'établissement.
Les responsabilités sont établies, reconnues et
... sanctionnées.
Mais ces établissements sont aussi à l'abri des
contraintes qui pèsent sur l'hôpital public, du fait
de leur mono-activité (les centres de lutte contre le cancer)
ou de la très grande part d'actions programmées
dans leurs missions. Les missions, précisément,
ne sont pas comparables.
Enfin, faut-il souligner qu'une évolution des statuts
publics (personnels, gestion, marchés) vers un statut d'établissement
associé ou semi-public suppose de telles modifications
de comportement et de culture que la mission ne peut l'envisager
qu'avec de très grandes réserves... ?
Le scénario de la volonté politique :
La promotion des responsabilités et de l'autonomie des
établissements.
C'est pourquoi la mission retient de préférence
un scénario rendant aux hôpitaux leur caractère
spécifique.
Les performances du système de soins français tiennent
en grande partie ou système hospitalier public qui allie
les soins de proximité, les différents niveaux de
prise en charge, l'enseignement, la formation et la recherche
de l'excellence. L'éventail large des missions dévolues
à l'hôpital doit se conjuguer avec la préservation
de l'hôpital comme une entité indépendante,
dans le respect de la « communauté hospitalière
». Cependant, cette autonomie ne doit pas devenir un slogan
vide de sens ou une fiction juridique.
« Le scénario de la responsabilité »
privilégie et renforce l'autonomie de l'établissement,
lui ménage des espaces de liberté, lui laissant
décider de son organisation interne, des formules d'intéressement
de ses personnels ou de coopération avec les autres acteurs
de santé. C'est celui qui est présenté ci-après.
II.- RENDRE AUX HÔPITAUX LEUR AUTONOMIE ET LEUR RESPONSABILITÉ
ET À L'ADMINISTRATION CENTRALE SES FONCTIONS DE PILOTAGE
DU SYSTÈME
La mission développe ses propositions autour de quatre
axes complémentaires :
- contre la perspective de la concentration des pouvoirs et de
l'étatisation, redonner à l'hôpital une véritable
autonomie ;
- contre la complexité administrative, la « réunionnite
» et la surenchère normative, simplifier le fonctionnement
de l'hôpital ;
- pour pallier les carences constatées en matière
d'évaluation, retrouver le chemin de la responsabilité
à tous les niveaux de l'hôpital ;
- contre l'épuisement des personnels et la tentation du
laisser-aller, qualifier, évaluer et motiver.
L'organisation interne de l'hôpital est très contrainte
par l'organisation globale du système de soins et plus
particulièrement du système hospitalier : toutes
les solutions à la crise hospitalière actuelle ne
se trouvent pas dans les établissements.
C'est la raison pour laquelle, outre des changements visant spécifiquement
les modalités de l'organisation interne de l'hôpital,
les membres de la mission ont proposé de modifier des éléments
du pilotage global du système. Il s'agit notamment de déconcentrer
les décisions, de mieux évaluer et de motiver les
personnels hospitaliers.
A. LIBÉRER LES ÉNERGIES ET LES TALENTS DANS LE
RESPECT DE L'AUTONOMIE DE L'ÉTABLISSEMENT
Ayant fait le constat que l'organisation de l'hôpital était
devenue trop rigide, les membres de la mission proposent que les
établissements retrouvent une capacité d'action
et d'initiative. Ils proposent qu'on ménage à l'hôpital
plus d'« espaces de liberté » dans sa gestion.
Deux remarques viennent préciser ce souhait d'une autonomie
accrue de l'hôpital. D'une part, la responsabilisation doit
s'accompagner de l'accroissement relatif de la liberté
de l'hôpital dans les domaines budgétaire et de gestion
du personnel, ce qui sera examiné plus loin. On ne peut
en effet être responsable que dans la limite de sa propre
liberté. D'autre part, l'hôpital, financé
par des crédits limitatifs attribués par l'Etat,
est chargé par la loi d'assurer des missions de service
public. Cette notion emporte l'application des caractéristiques
du service public (égalité, continuité...
) et attribue à la tutelle nationale un rôle essentiel.
Les propositions des membres de la mission s'inscrivent dans ce
cadre, qui n'a pas été remis en cause.
Les membres de la mission font six propositions principales :
- retrouver l'autonomie de l'établissement public de santé
grâce à un conseil d'administration aux compétences
élargies et à la composition renouvelée ;
- une procédure budgétaire rénovée
et un mode de financement modernisé ;
- une gestion des ressources humaines plus souple, qui cherche
notamment à motiver les personnels de l'hôpital ;
- un assouplissement du statut de l'hôpital ;
- une organisation médicale pragmatique mais qui tend
à regrouper les services trop petits ;
- une ouverture plus grande de l'hôpital.
1. Un conseil d'administration aux compétences élargies
et à la composition renouvelée
Compte tenu des multiples contraintes qui pèsent sur l'hôpital
et de l'organisation actuelle des compétences, le conseil
d'administration tend à devenir une instance de surveillance
qui réunit périodiquement les acteurs de la communauté
hospitalière pour des délibérations trop
formelles. Cette évolution transforme le conseil d'administration
en une instance de nature consultative, qui prend acte des décisions
prises dans d'autres cercles. Il devient au mieux un conseil d'orientation
de l'hôpital, ouvert aux usagers ou aux professionnels de
santé exerçant en ville, sous la présidence
honorifique du maire. Par exemple, la gestion financière
relève de la compétence du directeur d'hôpital,
sous l'étroite tutelle de l'ARH, voire de l'administration
centrale.
Concernant les compétences du conseil d'administration
(qui déterminent en partie les réponses aux questions
relatives à sa composition et à sa présidence),
les membres de la mission estiment que la revalorisation du rôle
du conseil renforcera l'autonomie de l'hôpital. Elle constitue
une des clefs d'une éventuelle réforme hospitalière.
Les mots « conseil d'administration » doivent retrouvent
leur sens.
a) Un « conseil d'administration qui administre »
- Le président du conseil d'administration doit recruter
le directeur de l'hôpital sur un « emploi fonctionnel
».
_ Le recrutement
La réglementation en vigueur permet au président
du conseil d'administration d'émettre un avis sur l'affectation
du directeur de d'hôpital. Cet avis a aujourd'hui un poids
variable. Si l'on veut accroître les pouvoirs du conseil
d'administration, il serait opportun que son président
recrute directement le directeur d'hôpital. Nommé
sur un emploi fonctionnel, le directeur serait lié par
contrat au conseil d'administration.
_ Les caractéristiques du contrat
Ce contrat d'objectifs s'inscrirait dans le « contrat-cadre
» signé entre le président du conseil d'administration
et l'ARH (lire plus bas). Le conseil d'administration définirait
une stratégie pour l'hôpital, sur la base du projet
d'établissement, et le président du conseil d'administration
demanderait au directeur de l'hôpital de l'appliquer. Le
conseil d'administration serait chargé d'agréer
le contrat.
Les directeurs d'hôpitaux seraient choisis sur une liste
nationale d'aptitude établie par la tutelle. Compte tenu
de la charge représentée par ce type de poste, particulièrement
lorsqu'il s'agit de gros établissements, ils ne pourraient
pas solliciter dans le même établissement plus de
deux mandats consécutifs de quatre ans chacun, soit une
période maximale de huit ans. Leurs rémunérations
seraient accrues afin de tenir compte du surcroît de responsabilité,
le conseil d'administration pouvant décider de moduler
ces rémunérations.
_ Évaluation
Dans le système actuel, la DHOS fournit des lettres de
mission détaillées aux directeurs d'hôpitaux
lors de leur affectation. Ces lettres de mission servent de base
à leur notation par le préfet. L'ARH ne note pas
les directeurs d'hôpitaux : en effet, ARH et directeur sont
supposés contractualiser via le contrat d'objectifs et
de moyens. Cette solution paraît insatisfaisante en raison
de la spécificité de l'activité hospitalière.
Dans le système proposé, la gestion des directeurs
serait soumise à une évaluation de nature managériale,
réalisée par le président du conseil d'administration,
éventuellement assistée par des intervenants extérieurs
: quels moyens ont été engagés, quels résultats
ont été obtenus ? La mise en place de la tarification
à l'activité (lire plus bas) aidera le président
à réaliser cette évaluation dans une transparence
accrue.
Un « comité de direction » entourerait le
directeur, qui resterait l'unique responsable devant le conseil
d'administration. Il serait composé de trois membres de
la commission médicale d'établissement (dont le
président), de membres de la direction administrative et
du cadre supérieur infirmier. Ce comité de direction
préparerait les propositions stratégiques, les orientations
budgétaires et les contrats pluriannuels avec l'ARH.
Par ailleurs, la pratique de la formation d'un « comité
stratégique » associant le directeur d'hôpital,
le président du conseil d'administration, le président
de la commission médicale d'établissement et le
doyen de la faculté de médecine (dans les CHU),
gagnerait à être répandue.
_ Élargissement du recrutement des directeurs
Conformément à un souhait qui a été
formulé par beaucoup d'interlocuteurs de la mission, le
recrutement des directeurs d'hôpitaux devrait être
élargi. Cette évolution est d'ailleurs souhaitée
par le syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH), qui dans
sa contribution écrite, évoque la nécessité
de « rompre avec la monoculture actuellement constatée
» ; les membres de la mission soutiennent la proposition
de créer « une troisième voie d'accès
à l'École nationale de la santé publique
[qui] permettrait de recruter des médecins (hospitaliers
ou libéraux), des cadres supérieurs du secteur privé
(économistes, ingénieurs, managers etc.) ou associatif
et notamment des responsables d'établissements privés
de santé. »
L'hôpital a de plus en plus besoin, outre des compétences
en matière de gestion publique, de managers et de compétences
techniques spécialisées. Il faut dès lors
multiplier les passerelles et les processus de reconversions afin
d'amener des fonctionnaires, des médecins ou des personnes
issues du secteur privé à occuper des postes de
directeurs d'hôpitaux et de cadres. La composition et le
fonctionnement des équipes rapprochées des directeurs
des établissements participant au service public hospitalier
sont à cet égard riches d'enseignement.
Dans le même esprit, il serait opportun de réexaminer
les modalités des concours de recrutement et de la formation
des futurs directeurs d'hôpitaux. En effet, dans le système
actuel, la réussite au concours prédispose pratiquement
les candidats reçus à l'exercice des fonctions de
directeur de troisième classe. En fait, on est directeur
au moment même où l'on rentre en formation. Le parcours
de formation s'effectue durant 27 mois (dont 13 mois de stage)
et débouche sur un poste de directeur sans que ces stages
permettent de valider réellement les aptitudes à
la fonction avant que ne soient confiées des responsabilités
aux intéressés.
En outre, afin de faciliter la diversification des recrutements
des directeurs d'établissement, il est suggéré
de permettre la dérogation au recrutement sur liste d'aptitude
et donc le recrutement direct d'un directeur par la voie contractuelle,
cela au titre du droit à l'expérimentation. Ces
expériences dérogatoires se dérouleraient
évidemment sous contrôle administratif et en toute
transparence.
- Le conseil d'administration recruterait les praticiens hospitaliers
de son établissement
Par symétrie avec la procédure proposée
pour les directeurs d'hôpitaux, pour renforcer l'autonomie
de l'hôpital et afin de responsabiliser chaque membre de
la communauté hospitalière, le conseil d'administration
pourrait également recruter les praticiens hospitaliers.
Cette décision serait assortie de l'avis de la commission
médicale d'établissement (CME) et des chefs de service
ou de pôle, qui pourraient eux-mêmes proposer des
candidats.
- Le conseil d'administration recruterait les chefs de service
ou de pôle
Ils seraient nommés par le ministre sur la proposition
du président du conseil d'administration. Les chefs de
service (ou de pôle) concluraient avec le président
du conseil d'administration des contrats d'objectif et de moyens.
Ils verraient de surcroît réaffirmé leur pouvoir
hiérarchique sur les personnels médicaux du service.
En outre, cette autorité serait reconnue sur les personnels
soignants d'encadrement : ils donneraient leur avis sur l'affectation
de ces personnels dans leur service. Les incitations au regroupement
des services en unités plus larges doivent être renforcées.
Le renouvellement quasiment automatique de la chefferie de service
n'aurait plus lieu d'être : à la fin de chaque mandat
aurait lieu une évaluation externe des performances du
chef de service. Une possibilité de recours auprès
de la CME ou du ministre serait mise en place. La fonction de
chef de service ou de pôle ferait l'objet d'une rémunération
et d'une formation spécifique.
- Le conseil d'administration assumerait toute la responsabilité
budgétaire
Conformément à ce qui sera exposé plus bas,
la procédure budgétaire doit être rénovée
afin que le conseil d'administration exerce pleinement ses responsabilités.
b) La composition du conseil d'administration
- Le « retour » des financeurs dans la composition
du conseil d'administration n'est pas souhaitable
L'ordonnance hospitalière de 1996 a exclu de la composition
du conseil d'administration les financeurs (l'Etat et les caisses
des régimes d'assurance-maladie). Cette cohérence
s'imposera encore davantage si l'on rend au conseil d'administration
ses pouvoirs et si les rapports de l'établissement avec
la tutelle sont fondés sur le contrat et la programmation
pluriannuelle. Le « retour » des financeurs dans les
conseils d'administration ne serait donc pas une bonne solution.
Dans ce cas, il convient, sans doute, de rééquilibrer
la composition des conseils d'administration, en élargissant
la représentation des médecins, des personnels de
soins infirmiers et des usagers ainsi que le recours à
des personnalités qualifiées, venues non seulement
du monde de la santé mais aussi du monde économique
et social.
- La présidence du conseil d'administration ne doit pas
nécessairement revenir à un élu local
La question de la présidence du conseil d'administration
est centrale, eu égard aux compétences nouvelles
que l'instance pourrait gagner.
D'une façon générale, la présidence
ne doit pas nécessairement revenir à un élu
local. Certes, les élus ont toute leur place dans les conseils
d'administration, compte tenu de l'importance du service public
hospitalier. Mais il convient de développer les cas où
le président du conseil d'administration est une personnalité
qualifiée proposée par le maire (possibilité
déjà aménagée par le code de la santé
publique mais très peu utilisée) et élue
par le conseil d'administration lui-même.
La question de la présidence doit s'apprécier en
fonction des caractéristiques de l'établissement.
Ainsi, il semble légitime que le président du conseil
régional, son représentant ou une personnalité
qualifiée proposée par lui puisse présider
le conseil d'administration d'un CHU ou d'un CHR.
Afin de reconnaître la fonction de président du
conseil d'administration, il paraît juste et incitatif de
prévoir une indemnisation, au même titre que les
présidences d'instances intercommunales.
2. La procédure budgétaire et le mode de financement
doivent contribuer à mieux identifier les responsabilités
Le renforcement de l'autonomie de l'hôpital suppose d'une
part le retour à une procédure budgétaire
plus conforme à la notion d'établissement public
et d'autre part l'adoption d'un mode de financement plus moderne.
a) La procédure budgétaire
Accroître l'autonomie de l'hôpital repose aussi sur
l'établissement d'un budget initial et son exécution
sans que se multiplient des modifications substantielles au cours
de l'année budgétaire. Ainsi, les membres de la
mission proposent de limiter le nombre de décisions modificatives
annuelles. Les ressources étant connues dès l'établissement
du budget primitif, le budget doit être établi sur
ces bases et dans l'enveloppe notifiée.
Par ailleurs, il faut mettre en place les conditions d'une véritable
pluriannualité dans le financement de l'hôpital,
suggestion souvent évoquée dans les auditions menées
par la mission. Dans le schéma proposé, le président
du conseil d'administration conclurait un contrat avec l'agence
régionale de l'hospitalisation, ce contrat donnant lieu
à l'attribution de dotations annuelles et pluriannuelles.
Cela accroîtrait la visibilité budgétaire
de l'établissement.
Le président du conseil d'administration pourrait enfin
déclencher tout contrôle ou évaluation. Il
aurait le pouvoir de rendre publics leurs résultats.
b) La tarification à l'activité doit conduire à
promouvoir la responsabilisation de chacun
Le financement par la dotation globale a de tels effets pervers
qu'il est projeté de passer à une tarification,
qui permettra, en isolant les coûts de revient et la production
de chaque établissement, de financer les hôpitaux
en raison de leur activité.
Conformément à l'article 55 de la loi du 27 juillet
1999 portant création d'une couverture maladie universelle
qui dispose que " le Gouvernement pourra expérimenter,
à compter du 1er janvier 2000, et pour une période
n'excédant pas cinq ans, de nouveaux modes de financement
des établissements de santé publics ou privés,
fondés sur une tarification à la pathologie ",
M. Mattei, Ministre de la santé, de la famille et des personnes
âgées, a annoncé 7 qu' « en 2003, des
expérimentations se dérouleront dans une quarantaine
d'établissements volontaires après appel d'offre.
En parallèle, des simulations seront réalisées
au niveau central sur tous les établissements de cinq régions.
» La généralisation du système est
prévue pour l'année 2004.
- Les objectifs et les avantages de la tarification à
l'activité
Ce mode de tarification constituera un mécanisme de financement
incitatif, qui prendra en compte l'activité médicale
et le service rendu. De manière progressive, le nombre
de points ISA (indice synthétique d'activité) produits
par l'établissement deviendrait une partie de son budget,
le point ISA étant « tarifé » à
un coût moyen dont le mode de fixation reste à déterminer
(une des options envisageables étant la moyenne des coûts
des hôpitaux publics de la région considérée).
Il pourrait mettre en valeur le bas niveau de production et l'éventuel
surcoût - ou, à l'inverse, la forte efficacité
- d'un établissement, à la condition qu'une comptabilité
isolant surcoûts et services peu productifs ait été
mise en place.
Les membres de la mission soutiennent la mise en place de cette
réforme, qui permettra de privilégier les établissements
produisant relativement plus d'activité et, à terme,
de promouvoir la coopération entre le secteur public et
le secteur privé. En outre, dans le schéma proposé
par la mission, elle servira le pilotage de l'hôpital par
le conseil d'administration, dont le président connaîtra
exactement l'activité du chef de pôle ou du chef
de service dont le contrat est soumis à reconduction.
Si les conditions du succès du projet sont nombreuses,
elles ne doivent pas être considérées comme
des préalables absolus. Il y a une priorité politique
à rénover le mode de financement et à l'utiliser
comme un levier de réforme.
- Les nombreuses limites du système rendent cependant
son application délicate
La tarification à l'activité n'est pas synonyme
de « guichets ouverts ». Elle s'inscrira dans une
enveloppe fermée déterminée par l'objectif
national des dépenses d'assurance-maladie adopté
annuellement par le Parlement. L'enjeu sera de tirer les conclusions
des résultats de ce nouveau mode de tarification, c'est-à-dire
de procéder aux redéploiements qui s'imposeraient.
Il faut noter que ce système n'est pas appliqué
complètement à l'étranger, notamment en raison
des problèmes posés par l'évaluation des
polypathologies. Il n'est pas adapté à toutes les
activités hospitalières. Il ne prend pas en compte
la qualité, ce qui indique qu'il doit absolument être
conjugué avec l'évaluation des pratiques professionnelles.
Il faudra étudier les moyens de mieux prendre en compte
l'activité des personnels soignants.
La tarification à l'activité doit absolument ménager
le financement direct des activités de service public définies
par le code de la santé publique. En outre, il faudra sans
doute isoler les dépenses de médicament, qui croissent
à une vitesse très forte.
La mise en place de la tarification à l'activité
exige une comptabilité analytique et des équipements
informatiques adéquats, ce qui est encore loin d'être
le cas dans les établissements de petite taille. Les membres
de la mission ont pu apprécier la qualité de sa
mise en place à l'Institut mutualiste Montsouris (Paris).
La tarification à l'activité aura un coût
administratif élevé. Elle doit aller de pair avec
un renforcement des investissements dans la formation des médecins
en ce qui concerne le PMSI. Une meilleure organisation pourrait
permettre aux médecins de coder leurs actes sans une perte
de temps excessive.
Mais l'impact de l'impréparation des établissements
ne doit pas être surestimé. Dès lors qu'une
partie significative des ressources de l'établissement
sera déterminée par le rapprochement entre sa production
et un coût moyen, « la fonction créera l'organe
» et l'hôpital se dotera des instruments comptables
adéquats.
La tarification à l'activité, d'application progressive,
ne devrait d'abord concerner qu'une partie du budget total de
l'établissement. Elle pose le problème de la tarification
harmonisée entre le secteur public et le secteur privé.
Une double échelle des coûts sera, du moins au début,
indispensable. Le rapporteur espère que des gains de productivité
et des réorganisations pourront rapprocher ces deux échelles,
sous la réserve du financement direct et global des activités
de service public.
3. La gestion des ressources humaines à l'hôpital
: motiver et qualifier
Ce sont la qualité, les compétences et le dévouement
de la communauté hospitalière et des équipes
qui font la richesse d'un hôpital. Il faut donc délimiter
les compétences et les missions, et mieux reconnaître
les mérites de chacun : à chaque mission doit correspondre
l'engagement d'une équipe, sous la responsabilité
d'une personne.
a) Adapter le statut des praticiens hospitaliers
Comme l'indique le rapport de l'Inspection générale
des affaires sociales consacré à la gestion des
praticiens hospitaliers, le statut du praticien hospitalier (PH)
est assez proche du statut de fonctionnaire. S'agissant de l'hôpital,
son uniformité et sa complexité, qui nuisent à
la motivation et à la mobilité des personnels concernés,
interdisent une gestion souple de la ressource en personnels médicaux.
- Les rémunérations : une différenciation
indispensable
Il faut mettre fin à la non-différenciation des
émoluments des praticiens hospitaliers. Quatre possibilités
sont ouvertes.
1.- Compte tenu des évolutions prévisibles en matière
de démographie médicale, la différenciation
des rémunérations suivant les spécialités
exercées est envisageable. La nécessité de
cet aménagement revêt un caractère urgent
: attirer à nouveau les étudiants vers la chirurgie
est une uvre de longue haleine. Il faut commencer aujourd'hui
pour que la mesure prenne effet dans dix ans.
2.- Ensuite, le volume et la complexité des actes pratiqués
pourraient être mieux pris en compte par l'application de
la tarification à l'activité. La comptabilité
analytique permettra d'identifier la « production »
en soins et en diagnostics de chaque praticien.
3.- Il est indispensable d'imaginer de nouvelles formules de
rémunérations capables de mieux reconnaître
les postes à responsabilité, les postes à
risque ou les activités transversales à l'intérieur
de l'hôpital.
Ces activités pourraient être : président
de CME, chef de service, coordinateur de fédération/pôle,
participation à la lutte contre les infections nosocomiales
ou engagement en matière de soins palliatifs ...
Certains interlocuteurs de la mission ont proposé d'élaborer
un statut unique du praticien hospitalier reposant sur un socle
commun, auquel s'ajouteraient différentes « valences
» correspondant à des engagements supplémentaires
souscrits par le praticien. A titre illustratif, un praticien
peut souhaiter s'engager dans l'enseignement, la formation, mais
pas dans la recherche (ou inversement). Ses souhaits peuvent en
outre évoluer au cours de sa carrière. A chaque
valence correspondraient à la fois un contrat et une rémunération
supplémentaire identifiée. Ce système permettrait
une rémunération différenciée de chaque
valence et une meilleure identification des missions de chacun.
Il serait néanmoins lourd à mettre en place.
4.- De même, il deviendra utile de rémunérer
les médecins ayant effectué un effort particulier
en matière de formation ou, dès lors que des indicateurs
d'évaluation auront été mis en place, de
mieux rémunérer les praticiens dont la qualité
aura été objectivement reconnue.
- Promouvoir les qualifications
Les techniques de soins et de diagnostic évoluant très
rapidement, le savoir-faire acquis lors des études peut
connaître une obsolescence accélérée,
nuisible à la qualité des soins. Il importe donc
de développer les processus de labellisation et de recertification
des médecins hospitaliers. Quelques années après
la formation initiale, la recertification permet à chaque
médecin d'évaluer son niveau et d'identifier les
points méritant des efforts supplémentaires. On
peut envisager que l'accroissement du risque médico-légal
et le consumérisme accru des patients/usagers seront les
moteurs de cette évolution. Pourquoi ne pas l'anticiper
et l'encadrer ?
Quant aux chefs de service, il serait indispensable de rendre
obligatoire, à l'image de la procédure en cours
à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, la formation
à la gestion au management et à l'encadrement préalablement
à leur prise de fonction. La même recommandation
vaut pour les postes de coordinateurs de fédérations
ou de pôles.
b) Ouvrir plus de perspectives aux personnels soignants
- L'intéressement collectif est à développer
Le conseil d'administration, s'il le souhaite, pourrait développer
à l'attention des personnels soignants des mécanismes
d'intéressement à la fois équitables mais
suffisamment importants pour jouer un rôle stimulant et
contribuer à reconnaître leur engagement.
Un système d'intéressement existe déjà,
sous la forme d'une prime de service. Dans les faits, selon les
témoignages recueillis par la mission, celle-ci est peu
opérante. Les mérites de chacun ne sont pas réellement
distingués. Il faudrait dégager des marges de manuvre
budgétaire supplémentaires pour les mettre en place.
Les techniques d'intéressement doivent être collectives
et concerner l'équipe du service ou du pôle, en particulier
le personnel d'encadrement, qui doit montrer l'exemple. Il est
nécessaire de définir des indicateurs objectifs,
validés et reconnus par tous.
Il est aussi envisageable que les services les plus performants
bénéficient d'une « prime à l'investissement
» leur permettant, par exemple, d'acquérir des appareils
médicaux innovants ou du matériel de bureau (ordinateurs
...).
- La qualification doit être encouragée
Le malaise actuel des personnels infirmiers pose le problème
de la définition des trajectoires professionnelles des
soignants. Il faut leur donner plus de perspectives, gage d'une
motivation accrue et donc d'un meilleur fonctionnement des hôpitaux.
Une étape significative serait de permettre aux personnels
soignants, après une formation préalable qualifiante
et diplômante, de réaliser des actes médico-techniques
actuellement réalisés uniquement par des personnels
médicaux. Le rapport de la mission « Démographie
des professions de santé » (rapport Berland de 2002)
donne les exemples suivants :
« Les radiologues pourraient confier certains examens standardisés
aux manipulateurs radio. Les ophtalmologistes pourraient être
déchargés de la prise en charge de la correction
de la vue par des orthoptistes dont la formation serait adaptée
et complétée. Les cardiologues pourraient déléguer
certains actes techniques : holter, échographie, etc.,
à des infirmières techniciennes en cardiologie.
L'interprétation des examens resterait de la responsabilité
du spécialiste. »
Cette solution présente le double avantage :
- de donner aux soignants une nouvelle perspective professionnelle,
en leur reconnaissant la capacité d'assumer des gestes
plus techniques et donc plus valorisants, après une formation
adaptée et en échange d'une rémunération
accrue ;
- de recentrer sur la réalisation de tâches complexes
un personnel médical qui, compte tenu des évolutions
démographiques prévisibles, deviendra une ressource
plus rare.
Un nombre minimum d'années de pratique soignante serait
exigé avant qu'un infirmier ne soit formé et autorisé
à effectuer un acte à caractère médico-technique.
Les membres de la mission soutiennent cette évolution
et souhaitent que ce processus de qualification des personnels
soignants fasse rapidement l'objet d'études préalables
puis d'un encadrement adéquat. Ce surcroît de responsabilité
doit en effet faire l'objet d'une négociation avec les
représentants des professions concernées.
c) Promouvoir le recours à de nouvelles compétences
La venue de nouveaux métiers à l'hôpital
doit être encouragée : acheteurs, logisticiens, professionnels
de l'hôtellerie, ingénieurs informaticiens, chargés
de communication interne ou externe... Il faut ouvrir l'hôpital
à ces nouvelles compétences, en autorisant et encourageant
l'embauche de personnels sur une base contractuelle.
Une nouvelle fonction est à développer et à
reconnaître : le poste de coordinateur de bloc opératoire.
Compte tenu de la pénurie de temps médical et du
coût des équipements hospitalier, il est indispensable
de « rentabiliser » au maximum les infrastructures
existantes. Il est démotivant qu'une équipe attende
trop longtemps, soit le patient qui doit être brancardé,
soit un médecin senior ou un anesthésiste. Si les
cliniques parviennent à organiser rationnellement les plages
d'occupation du bloc, l'hôpital peut également réaliser
cet objectif.
4. Assouplir les conditions de fonctionnement de l'hôpital
public
Le renforcement de l'autonomie de l'hôpital et la responsabilisation
du conseil d'administration doivent s'accompagner de l'aménagement
d'« espaces de liberté » supplémentaires
pour la gestion des hôpitaux.
a) Simplifier les procédures de consultation et le fonctionnement
des instances
Beaucoup d'interlocuteurs de la mission, en particulier les médecins,
dénoncent une « réunionnite » et le
nombre excessif de commissions réclamant la participation
de personnels médicaux et soignants. Le souhait d'associer
les personnels au processus de gestion est ressenti in fine par
certains comme une bureaucratisation de l'hôpital. La gestion
de la complexité est-elle à ce prix ?
Il serait opportun de permettre aux hôpitaux de supprimer
ou de fusionner certaines instances, ou du moins d'en simplifier
le fonctionnement.
On pourrait ainsi rendre facultative la constitution de la commission
du service de soins infirmiers.
La composition de la commission médicale d'établissement
pourrait être différenciée en fonction de
son activité. Une formation plus resserrée s'impose
pour la définition de la stratégie médicale.
En revanche, une formation plus élargie se justifie lorsqu'il
s'agit de rendre un avis sur les nominations médicales.
D'une manière générale, il serait utile
de rechercher les possibilités d'autoriser la différenciation
de l'application de certaines dispositions relatives à
l'administration de l'établissement en fonction de sa taille,
à l'image de certains articles du code du travail dont
certaines dispositions sont applicables à partir d'un certain
nombre de salariés.
b) Assouplir les règles de droit public relatives aux
achats et aux investissements
En matière d'achats publics et d'investissements, la législation
et la réglementation sont allés trop loin dans l'uniformisation
des procédures, niant les spécificités de
l'hôpital.
- Les investissements
Il faut soit réaménager les dispositions correspondantes
du code des marchés publics en prenant en compte les spécificités
du service public hospitalier, soit rendre plus souples les conditions
du recours à des structures privées.
Le ministre de la santé, de la famille et des personnes
handicapées, dans son discours de présentation du
projet « Hôpital 2007 », a souhaité «
faciliter l'implication des personnes privées, des collectivités
territoriales et des sociétés d'économie
mixte dans les opérations de construction et d'aménagement
immobilier à l'hôpital ».
Il faut aller plus loin et élaborer, le cas échéant,
des procédures dérogatoires permettant de préserver
les spécificités de l'investissement hospitalier,
marquées par un coût élevé, un très
haut degré de technicité et l'application de normes
draconiennes.
- Les achats
Le même problème est relevé s'agissant de
la réforme des procédures d'achat de médicaments,
qui n'a pas pris en compte le fonctionnement des groupements d'achat,
pourtant bien nécessaires face à une offre de plus
en plus concentrée. En particulier, il est temps de donner
une marge de manuvre plus grande au pharmacien hospitalier.
c) Reconsidérer les modalités de la gestion du
forfait hospitalier journalier et du ticket modérateur
La Cour des comptes a noté dans son dernier rapport sur
la sécurité sociale l'énorme travail administratif
que représente la gestion du ticket modérateur,
du forfait journalier hospitalier et des multiples exonérations
et dérogations afférentes. En particulier, l'hôpital
est confronté à une multitude de débiteurs.
Or, l'objectif premier de l'administration hospitalière
est de faciliter la production de services (diagnostic, soin,
information, orientation), non de gérer la complexité
des dispositifs du remboursement par les régimes de l'assurance-maladie.
Il serait utile, soit de faire un bilan coûts/avantages
de ces dérogations et exonérations, comme le conseille
la Cour des comptes, soit d'externaliser le traitement de cette
complexité administrative, afin qu'elle ne repose plus
sur l'administration de hôpital. La ressource en personnels
administratifs ainsi dégagée permettrait de créer
des postes de secrétaire administratif de services, afin
de soulager les soignants de tâches administratives qui
les éloignent du lit du patient.
5. L'organisation médicale de l'hôpital public :
laisser le pragmatisme s'exprimer
Concernant l'organisation médicale de l'hôpital,
il convient de faire preuve de pragmatisme, tant les différences
sont grandes entre les établissements et entre les spécialités.
L'arsenal normatif est là, il reste à libérer
et mobiliser les énergies.
a) Dans les grands établissements, mettre fin à
la balkanisation
Dans les grands établissements du type centre hospitalier
universitaire (dont l'Assistance publique - Hôpitaux de
Paris), s'est développée ou amplifiée une
tendance à multiplier les services. Cette balkanisation,
si elle permet de nommer un grand nombre de chefs de service et
de répondre à la spécialisation médicale
croissante, multiplie les centres de décision, les logiques
territoriales et empêche la mutualisation des ressources,
notamment des plateaux techniques.
L'objectif recherché doit être plutôt d'aboutir
à la taille critique et à la mutualisation des équipements
lourds.
L'absence de création des centres de responsabilité,
possibilité aménagée par l'ordonnance hospitalière
de 1996 montre a contrario l'attachement des personnels au mode
d'organisation par service. Dans la plupart des établissements,
le service doit être maintenu comme unité administrative
et surtout comme unité de soins. Cependant, dans certains
hôpitaux, il est cohérent et efficient d'encourager
à supprimer des services et de les regrouper dans des services
plus grands, placés sous l'autorité d'un médecin,
éventuellement assisté d'un membre du corps des
directeurs en raison des tâches de gestion liées
à la taille du service.
Par ailleurs, des pôles de responsabilité rassemblant
des activités médicalement cohérentes (du
type « mère-enfant » par exemple) permettraient
par leur taille des économies d'échelle et une meilleure
organisation, notamment en ce qui concerne l'utilisation des équipements
lourds. La contractualisation entre les chefs de pôle et
le conseil d'administration devrait encourager la formation des
ces pôles ou fédérations.
Le cas échéant, l'ARH devrait inciter les établissement
à mener ces restructurations en créant un «
intérêt à agir » de nature financière,
en accord avec le conseil d'administration.
b) Appliquer l'amendement "liberté"
Chaque hôpital devrait pouvoir organiser son activité
de soins comme il le souhaite, tant l'organisation d'un CHU diffère
de celle d'un hôpital général. C'est ce qu'avait
prévu le législateur en adoptant « l'amendement
liberté » lors des débats relatifs à
la loi du 30 juillet 1991 portant réforme hospitalière,
amendement devenu l'article L. 6146-8 du code de la santé
publique :
« Par dérogation aux dispositions des articles L.
6146-1 à L. 6146-6, le conseil d'administration d'un établissement
public de santé peut décider d'arrêter librement
l'organisation des soins et le fonctionnement médical de
l'établissement, dans le respect du projet d'établissement
approuvé.
Cette décision est prise à l'initiative du président
du conseil d'administration, du président de la commission
médicale d'établissement ou du directeur de l'établissement,
après avis conforme de la commission médicale d'établissement
siégeant en formation restreinte aux praticiens titulaires.
Le comité technique d'établissement est consulté.
Dans ce cas, le conseil d'administration nomme les responsables
des structures médicales et médico-techniques ainsi
créées après avis de la commission médicale
d'établissement qui siège en formation restreinte
aux praticiens titulaires. Il prévoit, après consultation
de la commission médicale d'établissement et du
comité technique d'établissement, les modalités
de participation et d'expression des personnels au fonctionnement
de ces structures. La mise en place de celles-ci ne peut intervenir
qu'à l'occasion des renouvellements des chefs de service
en fonction au 31 juillet 1991.
Les dispositions du troisième alinéa ne font pas
obstacle à l'application des dispositions relatives aux
sanctions prises en cas de faute ou d'insuffisance professionnelle
et aux décisions prises dans l'intérêt du
service. »
Ainsi la loi ouvre elle-même des « espaces de liberté
» qui n'ont pas été investis par les établissements.
La mission conclut qu'il y a là une carence à laquelle
il faut remédier au plus vite. L'amendement « liberté
» doit être utilisé pour promouvoir les évolutions
nécessaires
La combinaison de l'application de l'amendement « liberté
» et de la réforme de la tarification doit inciter
les hôpitaux à développer des prises en charge
innovantes de la maladie, que ce soit l'hospitalisation ambulatoire,
l'hospitalisation à domicile ou le travail en réseau.
En particulier, la chirurgie ambulatoire, qui présente
un intérêt économique et sanitaire incontestable,
pourrait être développée grâce à
la motivation des médecins et des équipes soignantes.
6. L'hôpital doit « sortir de ses murs »
Un grand nombre d'interlocuteurs de la mission ont répété
la nécessité d'ouvrir les portes de « l'hôpital
- forteresse » sur le territoire qui l'entoure.
En effet, rendre plus autonome l'hôpital ne doit pas signifier
que l'établissement se replie sur soi. Au contraire, il
doit développer une approche territoriale qui privilégie
les stratégies de complémentarité.
a) La coopération institutionnelle
Il convient de promouvoir une approche territoriale et de multiplier
les coopérations, objectif déjà inscrit dans
le plan « Hôpital 2007 » grâce à
la promotion de la formule du statut du groupement de collaboration
sanitaire, qui doit être assouplie afin de mieux répondre
à l'impératif de la coopération entre le
secteur public et les acteurs privés, notamment les professionnels
libéraux de santé. Toutes les possibilités
doivent être utilisées, en particulier les réseaux
de soins. Les formules d'association doivent concerner d'autres
hôpitaux publics, des établissements participant
au service public hospitalier et les cliniques. Ces coopérations
sont particulièrement adaptées pour certaines situations
et certaines pathologies (soins palliatifs, maladie mentale, douleurs
chroniques...) et pour l'organisation de la permanence des soins
dans un territoire donné.
Il faut encourager le décloisonnement entre le secteur
public et le privé, ce qui sera encouragée par la
perspective d'une tarification harmonisée entre les deux
secteurs. L'accessibilité du plateau technique à
la médecine de ville doit être renforcée.
b) Attirer et garder les talents à l'hôpital
Il faudrait trouver les moyens d'attirer des praticiens libéraux
à l'hôpital. La modification des statuts évoquée
plus haut devrait faciliter ces coopérations. On peut également
envisager de promouvoir davantage l'activité médicale
« multisite ».
c) L'hôpital « dématérialisé
»
« Sortir l'hôpital de ses murs », c'est aussi
expérimenter des mode de prise en charge innovants. On
peut citer la télémédecine ou l'hospitalisation
à domicile.
Par exemple, après l'accouchement, si la santé
de la mère et de l'enfant le permettent, il est possible
et peu coûteux « d'échanger » une durée
d'hospitalisation plus courte contre des visites à domicile
de puéricultrices ou de sages-femmes. Des expériences
très intéressantes ont été conduites
en ce sens.
B. LE PILOTAGE GLOBAL DU SYSTÈME HOSPITALIER : TRACER
LES ORIENTATIONS, DÉCONCENTRER, ÉVALUER ET QUALIFIER
Se pencher sur l'organisation interne de l'hôpital, c'est
aussi souligner les défauts du pilotage global du système.
Toutes les solutions à la crise hospitalière ne
se trouvent pas dans l'hôpital.
En particulier, il faut aboutir à une nouvelle division
du travail. Au ministère et à ses services déconcentrés
doivent revenir les tâches de stratégie, d'animation,
de pilotage, de contrôle et d'organisation de l'évaluation.
La gestion doit être faite au plus près du terrain.
Le rapporteur préconise quatre orientations :
- remédier à l'excessive concentration des décisions
;
- mettre fin à l'excès de réglementation
;
- promouvoir l'évaluation à l'hôpital ;
- approfondir et rendre plus transparent le processus de restructuration.
1. Stopper l'hyperconcentration
La gestion de la ressource humaine hospitalière réalisée
à coup de décrets ou d'arrêtés doit
faire place à une gestion plus fine et plus individuelle
des carrières. Il faut une gestion plus proche du terrain.
Ces principes ont notamment été utilisés
dans l'administration de l'Éducation nationale lors de
la réforme portant déconcentration du « mouvement
» intra-académique des enseignants du second degré,
désormais assuré par le rectorat.
Il faut soulager la direction de l'hospitalisation et de l'organisation
des soins (DHOS) de la gestion de milliers de décisions
individuelles et la recentrer sur des tâches d'évaluation,
d'analyse, de stratégie et de prospection. En particulier,
les questions relatives à la formation médicale
et à la démographie médicale devraient relever
de sa compétence, en coopération étroite
avec la direction générale de la santé. La
gestion individuelle des praticiens hospitaliers doit ressortir
à des centres régionaux de gestion.
a) L'établissement de listes nationales d'aptitude et
la nomination relèveraient toujours de l'autorité
ministérielle, l'affectation du conseil d'administration
de l'établissement
S'agissant du service public hospitalier, il est important d'assurer
un niveau de formation relativement homogène sur tout le
territoire : l'administration centrale doit organiser les concours
nationaux et fixer des listes nationales d'aptitude à partir
des résultats obtenus. Cette gestion concerne aussi bien
les directeurs d'hôpitaux que les praticiens hospitaliers,
qui seraient nommés dans ces corps par le ministre en charge
de la santé. La direction de l'hospitalisation et de l'organisation
des soins tiendrait les statuts de ces corps nationaux.
Après nomination ministérielle et conformément
aux orientations exposées plus haut, le praticien hospitalier
comme le directeur d'hôpital seraient recrutés par
le conseil d'administration. Des fiches de postes détaillées
indiqueraient les objectifs à atteindre et les moyens dégagés
par l'établissement.
b) Une gestion régionalisée et individualisée
de la carrière des praticiens hospitaliers
Comme le note le rapport de l'IGAS sur la gestion des praticiens
hospitaliers, ceux-ci ne bénéficient pas d'un suivi
individuel des carrières et en particulier, d'aucun suivi
médical.
Comme le propose l'IGAS, il serait donc opportun de créer
des centres de gestion régionaux des praticiens hospitaliers.
Ces centres seraient rapprochés de l'ARH, qui dispose d'une
connaissance exhaustive de la carte sanitaire, ou dans une perspective
plus cohérente avec le renforcement souhaité de
l'autonomie de l'hôpital, deviendraient des syndicats interhospitaliers.
Ces centres seraient chargés de la gestion individuelle
des carrières des praticiens hospitaliers, et notamment
de réaliser un suivi individuel, d'organiser leur mobilité,
de promouvoir la formation continue, de conduire les éventuelles
sanctions disciplinaires et le cas échéant de constater
l'insuffisance professionnelle.
S'agissant de la procédure disciplinaire, il faut en effet
mettre fin à des situations qui, bien que concernant un
nombre réduit de praticiens, ont des effets marqués
sur la gestion quotidienne de certains établissements et
le moral de tous les personnels. Or, les moyens d'action sont
limités et les procédures aussi longues qu'aléatoires.
Il faut donc les rendre plus applicables, ce qui était
déjà une préconisation des auteurs du rapport
de la mission interministérielle sur les hôpitaux
de 1994. Le centre régional, en liaison avec l'ARH, pourrait
assurer une gestion régionale des contentieux, sur la demande
des directeurs d'hôpitaux ou du conseil d'administration,
avec deux avis : l'un émis par la CME, l'autre par un collège
d'experts d'une région autre que la région concernée.
Une procédure d'appel national (commission nationale statutaire,
ministre chargé de la santé) serait aménagée.
La procédure précise reste à déterminer.
c) Créer des possibilités de reclassement pour
les praticiens hospitaliers et les directeurs d'hôpitaux
Beaucoup d'interlocuteurs de la mission ont suggéré
la création de possibilités de reclassement pour
les personnels médicaux et les directeurs d'hôpitaux.
Cette possibilité se justifie par le fait que l'organisation
proposée exigerait des performances accrues des directeurs
d'hôpitaux et des médecins, en les évaluant
plus souvent. Le recrutement direct par le conseil d'administration
et la possibilité de ne pas voir son contrat reconduit
impliquent la création simultanée de possibilités
de reclassement.
Il serait donc intéressant d'instituer, comme le propose
l'IGAS dans son rapport sur la gestion des praticiens hospitaliers,
une position « hors cadre » pour les praticiens hospitaliers.
Il est aussi indispensable d'imaginer des « portes de sortie
» pour les personnels, qui, au cours de leur carrière,
peuvent souhaiter cesser d'occuper des fonctions parfois très
astreignantes et physiquement éprouvantes, engager une
formation ou une reconversion, voire exercer un métier
totalement différent.
S'agissant des membres du corps des directeurs d'hôpitaux,
on pourrait envisager soit le rattachement temporaire ou permanent
à un corps de contrôle et d'inspection existant comme
l'IGAS, soit la réactivation du « conseil général
des hôpitaux » créé par la loi n°
84-575 du 9 juillet 1984 mais jamais constitué. Cette instance
de conseil, d'inspection et d'expertise, placée auprès
du ministre chargé de la santé, rassemblerait également,
le cas échéant, les anciens directeurs d'agences
régionales d'hospitalisation. Ses missions devraient être
bien délimitées afin d'éviter des doublons
avec l'IGAS.
2. Plus de transparence dans le pilotage et la production de
normes
L'hôpital étant un établissement public de
santé assurant des missions de service public, il est légitime
que la tutelle édicte des normes (lois, règlements,
circulaires ...) et que les établissements les appliquent.
Cependant, il faut remédier à l'inflation normative
qui sévit à l'hôpital : moins de circulaires,
mais des circulaires appliquées.
a) Créer une instance de concertation transversale relative
à l'hôpital public auprès du ministre en charge
de la santé
Les interlocuteurs de la mission ont souligné qu'il n'existait
pas d'instance nationale de concertation réunissant les
représentants de tous les acteurs de l'hôpital public.
Il existe aujourd'hui deux instances nationales : le conseil supérieur
de la fonction publique hospitalière (à la composition
paritaire) et le conseil supérieur des hôpitaux (constitué
de deux sections, il donne des avis sur les questions intéressant
les personnels médicaux et le fonctionnement de l'hôpital).
Ces instances sont cloisonnées.
Il faudrait créer une instance de concertation de nature
plus transversale, rassemblant tous les acteurs de l'hôpital,
les personnels médicaux, soignants et administratifs, les
représentants des patients et des usagers, les caisses
et les élus.
Si ces partenaires acceptaient de renforcer leur coopération
en vue de la réalisation d'objectifs communs, cet organisme
consultatif deviendrait une force reconnue d'analyse. Il permettrait
de disposer d'une force de proposition, de contre-proposition
et de synthèse sur les projets relatifs à l'hôpital
public. Il donnerait un avis sur l'opportunité et la faisabilité
des nouvelles normes réglementaires.
b) Réaliser une étude d'impact et une évaluation
médico économique des mesures de sécurité
sanitaire projetées
Chaque nouvelle réglementation en matière de sécurité
sanitaire devrait faire l'objet d'une étude d'impact. Cette
étude devrait notamment comporter les conditions financières
de la réalisation de la mise aux normes, ainsi qu'une simulation
micro-économique (sur la base de la situation d'un «
établissement-type » par exemple). L'étude
ferait le point sur la faisabilité globale de la mesure,
son coût prévisible à court et moyen terme.
Elle vérifierait notamment si les normes destinées
à être renforcées sont appliquées,
et dans la négative, à en tirer des conclusions
et des recommandations.
L'évaluation médico économique des décisions
de sécurité sanitaire permettra d'éviter
que des normes trop rigoureuses et donc inapplicables ne soient
édictées sans l'appréciation des enjeux organisationnels
et financiers en cause.
Compte tenu des coûts en jeu et de la limitation des moyens,
un débat d'envergure impliquant les médecins, les
soignants, les scientifiques, les usagers et les élus,
s'impose. Il faut faire uvre de pédagogie : chacun
doit connaître le rapport coûts/avantages du «
principe de précaution » et des contraintes qu'il
impose au budget et à l'organisation interne de chaque
hôpital.
3. L'évaluation à l'hôpital : un impératif
majeur
Selon leur objet, il y a lieu de distinguer au moins trois types
d'évaluation à l'hôpital : les pratiques professionnelles
des praticiens, la gestion et les performances des équipes.
La nécessité de l'évaluation de la qualité
augmentera dès lors que la tarification à l'activité
se développera : la quantité pourrait alors se développer
au détriment de la qualité.
a) L'évaluation des pratiques professionnelles des praticiens
hospitaliers
S'agissant des médecins hospitaliers, il faut mettre en
place une évaluation des pratiques sur la base des recommandations
positives des sociétés savantes, validées
dans un cadre national grâce à l'ANAES, voire sur
la base de consensus internationaux.
Cette évaluation serait menée par des équipes
d'évaluateurs externes à l'établissement,
provenant d'une région autre que celle de l'établissement
concerné. L'équipe d'évaluateurs comprendrait
des experts reconnus dans la spécialité retenue
et pourrait être, le cas échéant, multidisciplinaire.
Ces évaluations ne seraient pas précédées
d'avertissement ou de préavis, elles procéderaient
de manière aléatoire et par sondages. Enfin, le
résultat des évaluations serait rendu public, en
utilisant notamment les nouvelles techniques de communication
comme le réseau Internet.
Une expérimentation pourrait être rapidement mise
en place, sur un territoire donné et sur quelques pathologies
se prêtant bien à une évaluation.
On peut noter qu'un partenariat entre l'INSERM, le ministère
chargé de la santé et l'Observatoire des sciences
et techniques commence actuellement à évaluer la
qualité de la recherche menée dans les CHU. C'est
un exemple encourageant qui, s'il était mené à
son terme, prouve que la qualité de l'activité scientifique
peut être évaluée grâce à des
indicateurs. Cette démarche reste à entreprendre
s'agissant de la qualité des soins.
b) L'évaluation des équipes
Une autre proposition permettrait d'associer l'évaluation
des pratiques et la nécessité de motiver les personnels
hospitaliers autour de projets clairs et porteurs. Il faut développer
et encourager l'accréditation par service.
Une accréditation par service, réalisée
après étude de la performance globale de l'équipe
et des pratiques professionnelles soignantes et médicales,
serait opportune et peut-être plus transparente qu'une apparition
dans le « palmarès des hôpitaux » réalisé
par la presse. Elle serait de nature à motiver les équipes,
surtout si l'accréditation donne lieu à une gratification
supplémentaire : augmentations de rémunérations,
accroissement d'effectifs et subventions d'investissement supplémentaires.
c) L'évaluation managériale des gestionnaires
Elle concernera par exemple les directeurs d'hôpitaux et
les chefs de pôle recrutés sur une base contractuelle.
Là encore, l'évaluation devra mettre en uvre
des indicateurs de performance reconnus par tous les acteurs.
4. Poursuivre le processus de restructuration mais en le rendant
plus transparent
Souligner la mauvaise organisation interne d'un hôpital
donné, c'est aussi, souvent, prendre acte de la mauvaise
répartition des ressources en personnels hospitaliers et
en matériel dans le bassin de santé correspondant.
C'est la raison pour laquelle l'amélioration de l'organisation
interne des hôpitaux exige aussi la poursuite de la réorganisation
de l'offre hospitalière.
a) L'organisation interne de l'hôpital ne doit pas être
l'otage d'une répartition inefficiente des ressources dans
un territoire donné
Comme le souligne le dernier rapport de la Cour des comptes sur
l'application des lois de financement de la sécurité
sociale, la restructuration hospitalière, trop lente, n'a
pas encore atteint ses objectifs. Cela nuit au fonctionnement
de beaucoup d'hôpitaux, dont les moyens sont insuffisants
par rapport à leur activité ou aux besoins en soins
hospitaliers de la zone considérée.
La Cour des comptes, après avoir souligné la difficulté
à obtenir des chiffres fiables en raison de la distinction
entre les indicateurs « nombre de lits autorisés
» et « nombre de lits installés », évalue
dans son dernier rapport l'excédent de lits à 28
600. Cette estimation devrait être validée à
la lumière des objectifs sanitaires et non de seules considérations
techniques ou comptables...
Certes, la réorganisation interhospitalière devient
un impératif urgent. Motivée de plus en plus par
les nécessités de la démographie médicale
et du respect des normes sanitaires, elle ne doit pas être
masquée par un recours accru à des praticiens à
diplôme étranger. Elle doit conduire, s'il le faut,
à fermer, à regrouper ou à transformer certains
services ou certains hôpitaux dont l'activité, très
réduite, ne garantit pas toujours la sécurité
des soins et entraîne d'onéreux sous-emplois.
Ceci doit être précédé d'une analyse
par bassin de santé et de l'identification des complémentarités
qui pourraient être exploitées grâce à
une logistique sanitaire adaptée (transports de malades)
ou le développement de la télémédecine
(en particulier du télédiagnostic). Il faut rassembler
les activités et les services assurant des soins très
techniques 24 heures sur 24: obstétrique, urgences lourdes,
chirurgie cardiaque...
De nombreux établissements d'aigus doivent être
transformés en établissements de soins de suite
: actuellement, dans chaque hôpital, des lits d'aigus sont
occupés par des patients qui relèvent d'une unité
de soins de suite. Cela représente des gaspillages significatifs.
Des services ou des établissements libérés
pourraient être affectés à l'hébergement
de personnes âgées dépendantes.
Il faut également raisonner par service. A titre d'exemple,
au sein d'un établissement récemment fusionné
comportant deux services d'orthopédie, doit-on attendre
le départ à la retraite de l'un des deux chefs de
service pour enfin fusionner les deux structures ? Dans les circonstances
actuelles, peut-on se permettre ce luxe ?
Dans le cadre d'une stratégie clairement établie
par le pouvoir politique, chaque ARH doit élaborer ces
restructurations et les faire appliquer. En effet, maintenir des
services inutiles ou peu performants, c'est d'une part priver
les autres de moyens qui leur font défaut, alors même
que le système hospitalier français reste globalement
bien doté et d'autre part c'est mettre en jeu la sécurité
sanitaire, quelquefois au nom du souci de proximité.
A cet égard, le débat sécurité/proximité
est un débat national, qu'il importe de conduire au plus
tôt, au même titre que celui qui a été
organisé sur la décentralisation. Les spécialistes
de la santé, les médecins, les gestionnaires mais
aussi les élus locaux ont des points de vue pertinents
à faire connaître. Rien n'est plus important que
d'entreprendre une discussion large et lucide sur ce sujet. Faute
de quoi, le système hospitalier risque d'être confronté
à des critiques et à des affrontements nuisibles
à son évolution.
Enfin, la réorganisation devrait également concerner
les facultés de médecine. Le nombre trop élevé
d'unités de formation et de recherche (UFR) - onze à
Paris, par exemple - handicape la mutualisation des moyens et
entraîne plus à la concurrence qu'à la complémentarité.
Certaines sont loin d'avoir la « masse critique »
suffisante pour peser dans un environnement européen de
plus en plus compétitif.
b) Les modalités de ces restructurations doivent être
revues : plus de transparence, plus de pédagogie et plus
de démocratie
Comme il est écrit plus haut, il s'agit d'un grand débat
que personne ne peut régler en se limitant à une
vision partielle et trop localisée.
Les agences régionales de l'hospitalisation, qui connaissent
intimement la carte sanitaire, sont les acteurs privilégiés
de ces restructurations : d'abord comme organe de réflexion
et d'analyse, puis comme moteur.
Il revient aux responsables des agences régionales de
l'hospitalisation, et en s'appuyant naturellement sur les élus
et les collectivité territoriales, de faire preuve de pédagogie
vis-à-vis des populations concernées par les restructurations.
Il leur faudrait plus et mieux en expliquer les raisons et, outre
les considérations financières en jeu, poser précisément
les termes de l'arbitrage entre la proximité et la sécurité.
Les objectifs de santé, les recommandations des scientifiques
et des médecins, les nécessités d'une cohérence
de l'offre de soins doivent être mis en avant, et non les
seules préoccupations de financement. A ce propos, on peut
regretter le faible engagement des praticiens hospitaliers au
moins dans ce nécessaire travail de réflexion et
d'explication...
On pourrait envisager la création d'un « conseil
régional de l'hospitalisation », composé à
parité d'élus et de représentants des personnels
médicaux, soignants et administratifs des hôpitaux
de la région. Ce conseil régional serait systématiquement
consulté avant l'engagement des processus de redéploiement
et pourrait constituer une force de proposition. La réforme
issue de la loi relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé devrait être
aménagée en ce sens afin d'éviter un empilement
des structures.
Les ARH gagneraient ainsi à développer des incitations
fortes à la restructuration des établissements.
Dans la mesure du possible, les établissements doivent
avoir un « intérêt à agir », notamment
en ce qui concerne l'aspect financier d'une opération de
fusion ou de coopération. On pourrait s'inspirer de l'exemple
du développement de l'intercommunalité, fortement
suscité par des incitations financières.
Comme le note le dernier rapport de la Cour des comptes sur l'application
des lois de financement de la sécurité sociale,
les fonds destinés à la prise en charge d'une partie
du coût des restructurations ont été détournés
de leur vocation initiale : il convient donc de les recentrer
sur leur objet.
Un autre levier à utiliser serait de subordonner les actions
de planification sanitaire aux résultats de la procédure
d'accréditation (dans sa version rénovée
et liée à l'évaluation), comme le recommande
la Cour des comptes.
c) Intégrer l'Assistance publique - Hôpitaux de
Paris (AP-HP) au processus de restructuration
Chaque établissement de l'AP-HP ne dispose pas d'une personnalité
morale propre : l'AP-HP est un gigantesque CHU. Elle représente
10 % de la dotation globale hospitalière nationale (environ
5 milliards d'euros). Sa place, son statut et sa structure doivent
être examinés à l'aune de l'urgence de la
restructuration hospitalière.
Les remarques faites par les auteurs du rapport de la mission
interministérielle de 1994 : « gigantisme »,
« opacité » et tutelle impuissante, restent
d'actualité dix ans après.
Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport sur l'application
des lois de financement de la sécurité sociale,
la tutelle de l'AP-HP est assurée directement (sauf en
ce qui concerne la planification sanitaire) par l'administration
centrale.
Si l'objectif est d'aboutir à une organisation sanitaire
régionale cohérente et efficace, l'AP-HP devrait
relever complètement de l'agence régionale de l'hospitalisation
de l'Ile-de-France, seule à même de disposer de la
connaissance suffisante du terrain pour agir de manière
efficace et, le cas échéant, supprimer, regrouper
ou créer des établissements.
Compte tenu du poids de l'AP-HP dans la dépense hospitalière,
de sa taille, de ses particularismes de gestion et son statut
spécifique, il serait utile qu'une mission d'expertise
- ministérielle, interministérielle ou parlementaire
- fasse un bilan de ce régime dérogatoire. Quels
sont les avantages effectifs pour les patients (quelle qualité
de la prise en charge ?), la tutelle (quel contrôle ?) et
l'intérêt général (quel rapport coût/efficacité
?) ? Quel est le coût véritable de la recherche de
pôles d'excellence en matière de recherche, d'enseignement
et de formation ?
CONCLUSION
Contrairement à un propos entendu lors de la table ronde
du 17 septembre 2002, il appartenait bien à la représentation
nationale de se saisir du problème de la gestion interne
de l'hôpital. Les aspects sanitaires, financiers et administratifs
de l'organisation hospitalière sont éminemment politiques.
L'un des membres de la mission a noté, lors de cette même
table ronde, qu'en matière hospitalière il n'y avait
que de lentes évolutions. En effet, les facteurs culturels
sont d'une pesanteur extrême. Or, le changement des mentalités
est le plus long et le plus difficile à mettre en uvre
et les effets attendus de la réforme des études
médicales constitueront un premier pas dans cette direction.
Après avoir auditionné des dizaines de personnalités
et visité des établissements de tous types et de
toute taille, le rapporteur ajoutera qu'il faut donc engager cette
évolution au plus tôt et la conduire résolument
pour qu'elle réussisse !
En effet, s'en remettre au temps ne répondrait pas à
la gravité et à l'urgence des problèmes que
traverse l'hôpital, et dont l'ampleur menace à moyen
terme tout l'équilibre du système de santé
français.
L'organisation interne de l'hôpital ne pourra être
améliorée qu'avec l'adhésion et le concours
de tous les professionnels travaillant à l'hôpital,
qui ont déjà démontré leur capacité
d'adaptation. Il faut aménager les conditions d'une organisation
qui libère les énergies et les talents, aménage
une véritable évaluation et reconnaît les
compétences et les dévouements.
L'engagement du Plan « Hôpital 2007 » pourrait
tenir compte de ces propositions et notamment réserver
en priorité l'octroi de subventions d'investissements aux
établissements procédant aux restructurations nécessaires,
développant des modes de prise en charge innovants et s'engageant
dans la voie de la contractualisation externe et interne, de l'évaluation
et de la tarification à l'activité.
Il est grand temps de redonner à l'hôpital public
une ambition et des perspectives, de rendre aux « hospitaliers
» toute la fierté d'y servir et de conforter auprès
de nos concitoyens la confiance qu'ils lui portent.
*
PRINCIPALES PROPOSITIONS DE LA MISSION
I.- Accroître l'autonomie de l'établissement pour
mieux identifier les responsabilités et récompenser
les engagements
1.- Recrutement du directeur par le président du conseil
d'administration.
2.- Diversifier le recrutement des directeurs d'hôpitaux.
3.- Modifier la composition du conseil d'administration. Election
du président par le conseil d'administration.
4.- Associer le corps médical, par la CME, aux décisions
et aux orientations. Création d'un comité de direction
intégrant des représentants de la CME.
5.- Recrutement des praticiens et nomination des chefs de service
et des responsables de pôles ou de départements par
le conseil d'administration.
6.- Renforcer la notion de service comme unité d'organisation
de soins : renforcer l'autorité des chefs de service, fusionner
les services trop petits et optimiser l'utilisation des équipements
lourds. Evaluation des chefs de service par le conseil d'administration,
sur la base d'un contrat interne.
7.- Inciter davantage à l'organisation des services en
centres ou en pôles de responsabilité et à
la déconcentration interne appuyée sur une contractualisation.
8.- Appliquer la tarification à l'activité, sous
les réserves d'une double échelle de coûts
et du financement direct des missions de service public.
9.- Assouplir le statut de l'hôpital, notamment en ce qui
concerne l'application du code des marchés publics et le
fonctionnement des différentes instances internes.
10.- Mettre en place les mécanismes d'évaluation
et publication de ces résultats : évaluation des
pratiques, évaluation des équipes, évaluation
managériale.
11.- Développer à l'hôpital des dispositifs
d'intéressement pour les personnels, dont la différenciation
des rémunérations des praticiens hospitaliers. Encourager
les prises de responsabilités. Former les personnels infirmiers
à la réalisation d'actes à caractère
médico-technique.
12.- Engager des stratégies de complémentarité
avec les autres acteurs de santé du territoire considéré.
II.- Déconcentrer et moderniser le pilotage du système
hospitalier
13.- Réserver à l'administration centrale la stratégie,
la prospective, le contrôle et la définition des
mécanismes d'évaluation. Déconcentrer les
gestions individuelles au plus près du terrain, par exemple
par des centres de gestion régionaux.
14.- Déconcentrer le pilotage du système hospitalier
au niveau régional (ARH) et créer un conseil régional
de l'hospitalisation.
15.- Faire précéder l'édiction de toute
nouvelle norme de sécurité sanitaire d'une étude
d'impact à caractère médico - économique.
16.- Poursuivre les restructurations hospitalières, les
accompagner d'incitations financière et d'un débat
plus large sur l'arbitrage entre la sécurité et
la proximité. Impliquer davantage les praticiens et les
élus dans ce débat.
17.- Attribuer à l'ARH d'Ile-de-France la tutelle complète
de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris. Lancer une
mission d'évaluation destinée à analyser
les avantages et les inconvénients de sa taille, de son
statut dérogatoire et de son mode de fonctionnement.
18.- Appliquer le Plan « Hôpital 2007 » en
fonction de ces propositions et réserver en priorité
l'octroi de subventions d'investissements aux établissements
procédant aux restructurations nécessaires, développant
des modes de prise en charge innovants et s'engageant dans la
voie de la contractualisation externe et interne, de l'évaluation
et de la tarification à l'activité.
CONTRIBUTION PRÉSENTÉE PAR LES MEMBRES DE LA MISSION
APPARTENANT AU GROUPE SOCIALISTE
Force emblématique d'une politique de santé efficace
et juste, l'hôpital public demeure le principal pilier de
l'offre de soins de qualités de notre pays. Ses 670 000
agents et un budget de 40 milliards d'euros témoignent
de l'importance que cette structure revêt dans la société
française.
Pourtant, on s'inquiète aujourd'hui de l'avenir de l'hôpital
public. Des difficultés surgissent dans l'organisation
des soins et celle des urgences, les différents mouvements
de ses acteurs témoignent souvent du malaise des personnels
hospitaliers. On s'interroge aussi sur la compatibilité
de ses missions qui doivent concilier l'excellence, l'accessibilité
aux soins pour tous, le rôle social de cette structure.
A l'évidence, l'hôpital public est confronté
de plein fouet à l'évolution considérable
des techniques comme au bouleversement de la demande de nos concitoyens.
Son adaptation s'est faite de façon empirique dans une
« succession d'urgence », sa place dans notre système
de santé n'ayant pas été clairement redéfinie.
Les difficultés dues à l'organisation des soins
de ville et notamment en terme de permanence des soins ont accentué
la demande que l'hôpital a dû prendre en charge. Il
faut aussi évoquer l'importance prise par une certaine
médicalisation des problèmes sociaux et l'hospitalo-centrisme
de notre culture médicale.
A ces défis propres sont venus s'ajouter les difficultés
nées de démographies professionnelles insuffisantes
pour répondre à l'application attendue par tous
les personnels de la RTT, les contraintes du repos hebdomadaire
ainsi que des règles de sécurité ou de sécurité
sanitaire nouvelles prises notamment au plan européen.
On ne peut aucunement dénier la situation de crise de
l'hôpital public, mais il faut lui reconnaître (le
mérite n'en est que plus grand) ses succès scientifiques
et médicaux mais aussi sa réactivité et sa
créativité face à une activité toujours
croissante.
Ces cinq dernières années, l'Hôpital public
a souvent bénéficié d'un renforcement important
de ses moyens. Un effort particulier a ainsi été
réalisé en direction des régions les plus
insuffisamment dotées de moyens et de personnels. Pourtant
aujourd'hui, il convient d'agir pour poursuivre l'adaptation de
l'offre de soins et la libération des contraintes qui pèsent
inévitablement sur sa structure et sur ses personnels.
Il faut aussi réfléchir à mieux valoriser
les efforts de ceux qui les mettent en uvre et redonner
à l'activité de soins la place et l'écoute
qu'elle mérite dans le fonctionnement de l'hôpital,
conforter la confiance des malades et les usagers en donnant plus
de transparence à son fonctionnement et à ses performances.
C'est dans cet esprit que les députés socialistes
ont participé au travail de cette mission et qu'ils souhaitent
en complément faire un certain nombre de remarques.
*
Nous souhaitons en premier lieu rappeler certains éléments
qui concernent la politique hospitalière au-delà
de l'objet de ce rapport.
1/ Les problèmes de la démographie médicale
et le rôle des soignants
Tout d'abord et sans doute cela fait-il a priori consensus, il
faut considérer la résolution des problèmes
de démographie des personnels soignants comme un enjeu
prioritaire. D'ailleurs, cette question n'est pas spécifique
à l'hôpital mais en renforce la demande.
Ces questions sont à la fois d'ordre quantitatif (numerus
clausus médical, nombre de postes dans les écoles
d'infirmiers, recrutement de personnels, etc....) mais aussi qualitatif
(répartition géographique par spécialité,
problème des évolutions de qualification des actes
et des personnels etc....).
Il faudra aussi mener une réflexion sur les cadres de
compétence des personnels de l'hôpital. Des efforts
ont été entrepris ces dernières années,
il faut non seulement les poursuivre mais aussi les amplifier.
Nous souhaitons que notre Assemblée se penche sur cette
question ; nous demandons qu'une mission soit crée à
cet effet ou bien qu'un rapport soit demandé au nouvel
Office parlementaire d'évaluation des Politiques de Santé.
Nous souhaitons le développement d'espaces éthiques
afin de faciliter la réflexion commune des personnels hospitaliers
et le dialogue avec les patients.
La nécessité de la maîtrise financière
pour légitime qu'elle soit a pris une dimension parfois
paralysante : il faut aujourd'hui accorder une plus grande confiance
aux acteurs de l'hôpital en réaffirmant la prééminence
de sa mission soignante et en diffusant plus largement une culture
de responsabilité.
Il faut aussi sortir des logiques de métier qui parfois
se caricaturent dans le corporatisme pour mettre en avant des
logiques de projet de soins qui rassemblent les différents
acteurs.
2/ Le programme d'investissement du plan Hôpital 2007.
Nous partageons les objectifs de ce plan qui vise à impulser
un élan particulier sur les 5 ans à venir en direction
de l'investissement hospitalier tant pour les infrastructures
immobilières que pour le mobilier et les équipements
technologiques. Or, ce plan ne doit pas être uniquement
financé par la Sécurité Sociale, que ce soit
directement ou par le biais de remboursements d'emprunt qui pèseront
sur les coûts de l'hospitalisation de demain. Cette facilité,
qui ne renforcera pas les capitaux propres de l'hôpital
public (qui n'est d'ailleurs pas le seul concerné puisque
ce plan concerne aussi les cliniques privées), risque d'une
part d'être limitée et, d'autre part, de peser sur
les moyens de fonctionnement de l'hôpital comme sur l'avenir
de notre assurance maladie.
3/ La poursuite de la restructuration de notre offre hospitalière
Notre troisième remarque consiste à rappeler qu'au-delà
des mesures d'amélioration de gestion, il faut poursuivre
la restructuration de notre offre hospitalière.
Bien des aspects stratégiques de notre appareil de soin
sont concernés : urgences, maternité, chirurgie,
traitement du cancer, prise en charge de la gérontologie
et plus généralement les conséquences du
vieillissement de la population. De chacun de ces aspects dépend
la qualité et la sécurité des soins. Seules
ces réformes permettront l'allocation optimale des ressources
de notre assurance maladie et notre capacité à faire
face aux défis démographiques des professions de
santé.
Cette restructuration devra tenir compte des contraintes techniques
liées à la sécurité des soins mais
aussi des aspirations de nos concitoyens qui souhaitent une dispense
de soins de qualités sur l'ensemble du territoire car les
inégalités territoriales demeurent. Il faut donc
poursuivre le renforcement de l'offre hospitalière en faveur
des zones défavorisées de notre territoire national.
Concernant plus précisément les CHU, il faudra,
en liaison avec les autorités universitaires, en revoir
la carte. Dans le même esprit, nous souhaitons que soit
étudiée l'évolution des carrières
et de fonctions des praticiens ayant à assumer dans le
même temps les quadruples fonctions d'enseignants, chercheurs,
soignants et gestionnaires de services. Des évolutions
dans le respect des statuts et des revenus peuvent être
trouvées favorisant l'épanouissement de chacun et
l'évolution des responsabilités.
Quelle que soit la nature de l'hôpital, il faut privilégier
la mise en uvre de réseaux entre hôpitaux mais
aussi au niveau ville-hôpital. Les COM signés avec
l'ARH intégrant mieux ces dimensions, il faudra trouver
les ressources financières adéquates pour renforcer
cette dynamique.
Ayant rappelé ces éléments fondamentaux
du contexte qui fonde une politique hospitalière au service
des Français, nous tenons en second lieu à apporter
un certain nombre d'éclairages sur le travail de la Mission.
1/ Simplifier le fonctionnement administratif des établissements
Nous partageons la volonté exprimée par la Mission
de simplifier le fonctionnement des établissements dont
les acteurs aspirent unanimement à davantage d'autonomie.
Celle-ci doit demeurer dans le cadre du financement par la sécurité
sociale. Nous concevons que cette autonomie entraîne une
plus grande responsabilité des acteurs eux-mêmes.
En tout état de cause, nous approuvons l'idée d'assouplir
de nombreuses contraintes administratives et particulièrement
celles qui tendent aux procédures de marchés publics
et des achats d'une façon générale ainsi
qu'à la mise en uvre de travaux. Il est souhaitable
que l'hôpital public puisse bénéficier de
missions d'appui technique et de conseils extérieurs.
Le contrôle de légalité a posteriori doit
être la règle.
Il doit être possible dans le cadre par exemple de groupements
d'intérêt ou de sociétés d'économie
mixte de rapprocher quand cela est nécessaire des investissements
publics et privés. Néanmoins, ces procédures
ne doivent pas servir de prétexte à une privatisation
rampante de l'hôpital public. Il est possible d'associer
structures publiques et privées mais pas de substituer
l'une à l'autre.
2/ Optimiser les réglementations de sécurité
et de sécurité sanitaire
En matière de réglementation de sécurité
et de sécurité sanitaire, à l'évidence,
les textes et les règlements de toutes origines et de toutes
natures se sont multipliés ces dernières années
sans que ne soient vraiment donnés les moyens de leur application
et de la vérification de leur mise en uvre.
Cette distorsion entre les textes et la réalité
qu'elle entraîne, outre un surcroît de travail et
une déstabilisation des personnels, aboutit au risque paradoxal
et contraire de l'indifférence et de l'inaction face au
risque. Cette question qui dépasse d'ailleurs le cadre
de l'hôpital public, pose des questions si importantes que
nous pensons urgent et souhaitable qu'une réflexion globale
soit menée rapidement sur ce sujet.
3/ Simplifier et clarifier les structures du fonctionnement de
l'hôpital
Concernant les contraintes multiples existant au plan des tâches
administratives, nous pensons utile de mener une concertation
avec les partenaires sociaux de l'hôpital pour aboutir à
des simplifications de fonctionnement des établissements.
Cette concertation pourrait en grande partie être menée
au sein de l'établissement.
La réduction du nombre de comités et d'instances
participerait de la transparence du mode de gestion. Le CA, la
CME, le CTE doivent permettre de traiter l'essentiel des questions
abordées dans d'autres instances (CHSCT, CLIN, comité
ARTT etc...).
4/ Préciser le rôle et le fonctionnement des structures
de planification
Ces contraintes administratives allégées, il faut
clarifier le niveau et le fonctionnement de la structure planificatrice.
Nous partageons l'idée de la prééminence
de l'échelon régional notamment dans l'évolution
des besoins.
Il convient de s'appuyer sur l'existence des ARH. Sans doute
celles-ci pourraient évoluer pour prendre en compte d'autres
secteurs de la politique de santé et notamment le médico-social.
Il faut aussi viser à rendre plus démocratique,
plus prospectif et plus transparent le fonctionnement de ces instances
régionales. C'est pourquoi, comme cela a été
prévu dans la loi du 4 mars 2002, nous approuvons l'idée
d'un comité d'orientation stratégique régional
rassemblant élus, professionnels et usagers pour traiter
des choix stratégiques de l'ARH et notamment du SROSS dont
les contenus devront être modernisés.
Les missions de cette nouvelle agence régionale devront
être mieux précisées : structure planificatrice
et de mission, l'ARH doit respecter l'autonomie des établissements
une fois effectuée la contractualisation. C'est bien au
travers des conventions d'objectifs et de moyens entre l'ARH et
les conseils d'administration des établissements que s'effectuent
les missions de l'ARH à l'exclusion de liens de subordination
administratives.
L'échelon national aura notamment pour mission première
la coordination, la prospective et la mise en uvre des plans
nationaux qui justifient des coordinations inter- régionales
(par exemple les maladies rares , le réseau génétique
médicale, le réseau canceropole etc...).
5/ Moderniser le financement de l'hôpital public
Le gouvernement, lors du dernier PLFSS 2003, a prévu d'instaurer
en 2004 la tarification par activité en remplacement du
budget global pour les hôpitaux publics et du forfait pour
les cliniques privées. Si le principe de cette réforme
nous paraît utile (elle est d'ailleurs déjà
inscrite dans la loi), on peut s'interroger sur le sens de la
substitution de terme entre pathologie et activité comme
l'on peut douter du réalisme du calendrier proposé
par le gouvernement.
Par contre, le groupe socialiste est particulièrement
opposé à l'idée irréaliste et dangereuse
de vouloir imposer une tarification et donc des modes de financement
identiques aux secteurs public et privé. Il souhaite donc
que cette tarification soit mise en uvre de façon
spécifique pour le secteur public.
6/ Davantage d'autonomie et de responsabilité
Dans le même sens, afin de parvenir à une évolution
des indicateurs de qualité et d'évaluation, nous
souhaitons que soit donné un nouvel élan aux différentes
procédures d'accréditation et d'évaluation.
Les procédures d'accréditations programmées
pour être mises en place pour les hôpitaux dans leur
ensemble devraient pouvoir se développer dorénavant
au niveau des pôles et fédérations avec le
souci de privilégier l'approche qualitative.
Dans cette même logique, il faudrait promouvoir les procédures
d'autoévaluation dans la dynamique de gestion des établissements
et des professionnels.
Concernant les établissements et leur statut, le groupe
socialiste souhaite que l'on puisse tenir compte de la diversité
des établissements notamment entre CHU, CHG, hôpitaux
locaux ou ruraux.
Dans tous les cas, plus d'autonomie implique plus de responsabilités.
Nous avons la conviction que c'est dans cette direction qu'il
faut résolument engager l'hôpital en faisant évoluer
les responsabilités du conseil d'administration et de son
président, du directeur, des médecins hospitaliers
qui assurent la responsabilité des soins.
Des propositions sont contenues dans le rapport de notre Mission.
Nous souhaitons qu'elles soient discutées dans le respect
des statuts de tous les personnels. D'une façon plus générale,
nous approuvons le mouvement déjà engagé
de la création de pôles d'activités qui permettent
une certaine déconcentration interne de la gestion de chaque
hôpital, notamment sur la base d'une contractualisation
dans le cadre du projet d'établissement et des budgets
annuels.
Pour ce qui concerne les primes d'intéressement, qu'il
faut bien sûr distinguer des compléments de rémunération
divers qui peuvent intervenir pour des sujétions particulières
au titre de certaines spécialités, nous nous opposons
à toute forme d'intéressement individuel incompatible
avec l'esprit d'équipe qui doit animer tout service hospitalier.
Par contre, on peut envisager certaines primes de valorisation
collective des efforts permettant d'attribuer au service performant
des moyens renforcés de développement.
*
L'hôpital public est à un moment crucial de son
évolution. L'immobilisme serait la pire des attitudes.
Si beaucoup de difficultés apparaissent aujourd'hui, l'amélioration
des statuts des personnels et la mise en place de l'ARTT peuvent
aussi contribuer à nourrir la dynamique qui permettra de
franchir les étapes qualitatives indispensables.
Les remarques que nous présentons à l'issue de
la mission menée par l'Assemblée n'ont pas l'ambition
d'être exhaustives ; elles ne sont que des invitations au
dialogue et à la concertation. En effet, nous sommes convaincus
que l'évolution de l'hôpital, enjeu décisif
pour l'avenir de notre système de santé, n'est possible
que dans le respect des deux grands principes que sont la concertation
et la solidarité.
L'hôpital est d'abord un regroupement de femmes et d'hommes
au service de l'Homme comme aucun autre. La qualité de
son action dépend de la capacité d'entraîner
chacun de se acteurs dans une démarche d'efficacité
et d'humanité qui répondent à l'attente forte
des Français. C'est donc sur la concertation que se fonde
une politique hospitalière.
La seconde condition est la solidarité. L'hôpital
public est à la fois le premier acteur et le premier bénéficiaire
d'une politique de solidarité. L'avenir de notre sécurité
sociale et celui de l'hôpital public sont intimement liés.
Ce sont ces valeurs que nous voulons renforcer. Les Français
et les personnels hospitaliers peuvent compter sur l'action et
la vigilance du groupe socialiste pour les défendre.
*
TRAVAUX DE LA COMMISSION
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales
a examiné le présent rapport d'information au cours
de sa réunion du mercredi 19 mars 2003.
Un débat a suivi l'exposé de M. René Couanau,
président de la mission d'information.
Le président Jean-Michel Dubernard a d'abord salué
la qualité du rapport ainsi que l'état d'esprit
qui a présidé aux travaux de la mission d'information.
Concernant l'organisation interne de l'hôpital, la question
fondamentale est la suivante : qui est le responsable ? Il est
urgent de redéfinir la place de chaque acteur de l'hôpital,
en partant d'abord du malade qui doit rester au cur de l'activité
de hospitalière. Il faut ensuite aller de l'aide-soignante
jusqu'à l'autorité de management, sans oublier les
médecins. En effet, si le rapport a été,
à juste titre, centré sur l'administration de l'hôpital
et le pilotage global du système, il faut penser aussi
à l'organisation médicale et aux médecins,
dont les plus brillants et les plus motivés fuient aujourd'hui
l'hôpital alors qu'ils s'y précipitaient il y a vingt
ans. Il est donc essentiel de les responsabiliser davantage et
de les motiver. A cet effet, au sein des structures du type «
pôle » ou « centre de responsabilité
», l'autorité du coordinateur, qui est désigné
par ses pairs, doit être réaffirmée et précisée.
En outre, la tarification à l'activité doit enfin
être mise en uvre. A cet égard, comme le préconise
le président de la mission, il faut créer un choc.
Il n'est pas acceptable, que, au bout de vingt ans, le PMSI n'ait
toujours pas permis d'aboutir à l'établissement
de la comptabilité analytique attendue par tous. Sa bonne
application exige la formation et l'embauche de personnels supplémentaires.
De nouveaux métiers sont apparus à l'hôpital,
il faut les prendre en compte. De même, certaines professions,
comme le secrétariat médical, ont tellement évolué
que la rémunération versée est devenue sans
rapport avec le travail accompli.
Il est impérieux de retrouver l'élan qui fut donné
à l'hôpital public par les ordonnances de 1958 sous
l'impulsion du Pr Jean Hamburger et de Michel Debré. En
quelques années, elles ont permis de hisser le système
hospitalier français au premier rang mondial et augmenté
considérablement la qualité des soins. Cette impulsion
produit encore ses effets aujourd'hui. Le rapport de la mission
et l'application du plan Hôpital 2007 devraient contribuer
à retrouver cet élan fondateur.
Après avoir fait part de la satisfaction des membres du
groupe socialiste ayant participé aux travaux de la mission,
quant à la forme et au contenu du rapport, M. Jean-Marie
Le Guen a expliqué que la gravité du sujet comme
l'ampleur des besoins, avaient conduit la mission à rendre
un rapport de qualité après un travail très
sérieux écartant les polémiques inutiles.
Les membres de la mission ont entendu de nombreux interlocuteurs
et effectué des déplacements qui leur ont permis
de disposer d'une vue synthétique du monde hospitalier,
ce qui est très appréciable.
Cependant, le contexte global en matière de santé
et d'assurance maladie est différent. Le groupe socialiste
demeurera vigilant et attentif à l'avenir lorsque le gouvernement
appliquera son programme législatif en matière de
santé. Il fera alors des propositions.
Les membres du groupe socialiste sont d'accord avec le constat
équilibré de la mission d'information, même
s'il est nécessaire de clarifier ce constat en distinguant
les causes endogènes et les facteurs exogènes, en
particulier ceux relatifs à démographie médicale,
à l'évolution de la demande ou à l'organisation
globale des soins. Les propositions font l'objet également
d'un accord, même si ce travail parlementaire ne constitue
pas à lui seul un programme d'action. Il faudra un passage
à l'acte.
Les problèmes de démographie des professions de
santé deviennent un enjeu majeur. Or, on ne tire pas les
conclusions pratique des constats opérés par des
organismes aussi divers que l'Académie de médecine
ou le Haut comité de santé publique. Ainsi, d'un
point de vue quantitatif, le nombre de postes mis aux concours
pour les médecins est très bas. D'un point de vue
qualitatif, il est nécessaire de prendre en compte les
nouveaux métiers et les nouvelles qualifications liés
à l'évolution des besoins techniques et à
la diversité des actes pratiqués. Il faut anticiper
la venue prochaine à l'hôpital d'ingénieurs
ou de techniciens de la santé, par exemple des coordinateurs
de plateau technique. L'Etat ne dispose pas d'une vision stratégique
sur ces questions, qui pourraient utilement être examinées
par l'Observatoire de la démographie des professionnels
de santé. De plus, il conviendra d'être très
vigilant quant à la réalisation des investissements
inscrits dans le plan Hôpital 2007. Il est nécessaire
de poursuivre la restructuration de l'offre hospitalière,
tout en y associant plus étroitement, comme le recommande
d'ailleurs le rapport, les élus locaux ainsi que les usagers.
Le « plan maternité » récemment présenté
paraît à cet égard trop brutal. Il y a bien
une problématique de la gouvernance des restructurations.
Les travaux de la mission permettent de faire les observations
suivantes :
- Un assouplissement des conditions du fonctionnement administratif
des établissements est souhaitable, notamment en ce qui
concerne les achats et les investissements.
- La possibilité d'associer les organismes publics et
privés est bienvenue, sauf si elle conduit à substituer
des acteurs privés à des acteurs publics.
- La prolifération des règles de sécurité
sanitaire, véritable dérive de notre système
de santé, rend impossible l'application effective de chaque
règlement. Cela est d'abord source d'insécurité
juridique, donc de contentieux. Mais, cette prolifération
est aussi contre-productive d'un point de vue sanitaire : décider
de ne pas respecter des normes en raison de leur sévérité
jugée excessive peut être très dangereux.
Les nouvelles réglementations doivent donc faire l'objet
d'une étude d'impact préalable à leur édiction.
Il faut arrêter cette machine à produire des textes
« sécuritaires ».
- Si la multiplication des contraintes administratives appelle
une simplification des structures internes de l'hôpital,
il faut mener cette clarification dans la concertation.
- Une fois les contrats conclus, l'ARH doit respecter l'autonomie
des établissements. Il faut éviter de les transformer
en autant d'assistances publiques régionales. L'échelon
régional ne peut pas être autosuffisant et certaines
missions relèvent de l'échelon national, notamment
celles liées au travail en réseau.
- S'agissant de la tarification à la pathologie, les avancées
du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2003 doivent être poursuivies, tout en évitant
de procéder à des comparaisons systématiques
entre les secteurs public et privé : il ne peut y avoir
de logique de convergence.
- Dans la mesure où un surcroît d'autonomie appelle
davantage de responsabilité, un nouvel élan doit
être donné aux différentes procédures
d'accréditation et d'évaluation.
Toutes les recommandations du rapport devront être discutées
afin de faire éventuellement l'objet d'une négociation,
dans le respect des statuts. Les différents acteurs de
la politique hospitalière doivent réagir aux propositions
du rapport. En particulier, le gouvernement doit indiquer s'il
entend y donner suite. Les élus doivent également
réagir : si le principe de la présidence du conseil
d'administration par le maire doit être conservé,
c'est au prix d'une meilleure appréhension par les élus
de l'hôpital et de ses enjeux. Les personnels soignants,
qui réserveront sans doute un bon accueil au rapport, doivent
prendre leurs responsabilités et rompre avec la culture
d'opposition systématique à l'encontre du pouvoir
administratif.
Si le gouvernement applique les propositions du rapport, il sera
possible de retrouver une politique hospitalière ambitieuse,
ce qui n'exclut pas d'autres débats.
Après s'être déclaré en accord complet
avec les conclusions et les propositions du rapport, M. Yves Bur
a présenté les observations suivantes :
- Le vague à l'âme que connaissent les personnels
hospitaliers est paradoxal, au regard de la somme d'énergies
et de compétences que l'hôpital recèle : la
mise en place de l'aménagement et de la réduction
du temps de travail n'a fait que renforcer ce malaise.
- La dérive consumériste accrue, la promotion des
droits des malades, les exigences en matière de sécurité
ainsi que l'aspiration générale à plus de
transparence sont autant de défis posés aujourd'hui
à l'hôpital.
- L'hôpital doit s'ouvrir pour mieux travailler avec les
autres acteurs de santé, notamment les cliniques, les professionnels
libéraux et les établissements médico-sociaux.
- Le travail de la mission a mis en évidence de profondes
résistances culturelles au changement. Il faut faire évoluer
cette culture hospitalière et éviter que des moyens
supplémentaires ne retardent des échéances
inévitables.
- Il faut effectivement renforcer l'autonomie de l'hôpital
et faire souffler un esprit de responsabilité à
tous les niveaux de l'établissement.
- Les personnels médicaux doivent être plus associés
aux enjeux de management.
- L'autonomisation de l'hôpital doit s'accompagner d'un
effort pour combler les retards accumulés en matière
d'hospitalisation ambulatoire, d'hospitalisation à domicile
et de travail en réseau.
- Le temps d'oser est arrivé : il faut tourner le dos
à tous les conservatismes pour que l'hôpital reste
le cur du service public de la santé.
M. Jean-Luc Préel a indiqué que l'UDF partage l'essentiel
du diagnostic et des propositions de la mission, dont les travaux
ont confirmé la gravité de la crise et l'urgence
des réformes. Il faut donc espérer que ses propositions
ne resteront pas lettre morte. Cette mission a déjà
eu un effet positif, puisque toutes les personnes auditionnées
ou rencontrées ont demandé davantage d'autonomie
et plus de responsabilité. Il existe effectivement un «
miracle hospitalier » car, malgré la crise, et grâce
au dévouement des personnels, les Français se considèrent
toujours comme bien soignés et continuent à faire
confiance à notre système de soins.
Le rapport ne porte que sur l'hôpital, lequel n'est qu'un
élément, certes important, du système de
soins. Toute réflexion sur une éventuelle réforme
hospitalière doit également prendre en compte les
évolutions des autres secteurs (cliniques privées,
médecine de ville et secteur médico-social). Par
ailleurs, les propositions ne peuvent être isolées
de la réforme de la gouvernance du système de santé
annoncée par le gouvernement. Il convient de clarifier
les responsabilités des différents acteurs, et notamment
de préciser les contours de la régionalisation ainsi
que la répartition des rôles entre le législatif
et l'exécutif.
L'hôpital traverse aujourd'hui une triple crise : une crise
de la responsabilité provoquée par une bureaucratisation
excessive, une crise morale chez des personnels motivés
mais inquiets et désabusés, une crise financière
née d'une part du non-financement des mesures de revalorisation
des rémunérations des personnels et d'autre part
des mesures de sécurité sanitaire.
Par ailleurs, les ARH ont pour ainsi dire vassalisé les
hôpitaux, dont les directeurs et les présidents de
conseil d'administration s'autocensurent en permanence pour éviter
de déplaire aux directeurs d'ARH. L'hôpital subit
ainsi, dans une ambiance de défiance permanente, une tutelle
très pesante. Il faut donc s'engager dans la création
d'agences régionales de santé (ARS) et renforcer
la responsabilité et l'autonomie des hôpitaux. Les
CHR et les CHU devraient ainsi relever de la région. L'hôpital
de référence d'un secteur sanitaire devrait dépendre
du département et jouer un rôle de tête de
réseau tout en laissant les complémentarités
se développer à l'intérieur du secteur considéré.
Enfin, les propositions de la mission concernant l'accroissement
des pouvoirs des conseils d'administration (notamment pour recruter
le directeur et les praticiens), la création d'un comité
de direction, l'organisation par pôles d'activité
et l'approche volontariste de l'application de la tarification
à l'activité sont très pertinentes. Il reste
à les appliquer.
Après avoir considéré que le mot à
retenir dans le rapport est celui de responsabilité, M.
Jacques Domergue a rappelé que l'hôpital a trop longtemps
été une zone de conflits en raison d'une lutte des
pouvoirs médical et administratif, ce qui a pu conduire
à des situations ubuesques. Il faut se féliciter
que la situation actuelle est plus équilibrée. Par
ailleurs, le rapport aurait pu insister plus fortement sur le
rôle très important des centres de responsabilité,
qui permettent, par analogie entre le fonctionnement des services
et des communes, de faire entrer de « l'intercommunalité
» dans l'hôpital. L'autre notion importante est l'intéressement
des personnels. Développer des incitations fortes sera
la seule réponse adaptée au désenchantement
pointé par le rapport, qui a bien mis en évidence
une néfaste dilution des responsabilités et la nécessité
de donner aux personnels hospitaliers des motifs d'action. Ce
rapport ne doit pas rester lettre morte mais être à
l'origine d'une véritable réforme du système
hospitalier.
M. Paul-Henri Cugnenc s'est félicité que les travaux
de la mission aient permis à l'ensemble de ses membres
de mieux connaître la réalité hospitalière.
Aujourd'hui, et contrairement à certaines réactions
entendues lors de la table ronde du 17 septembre dernier, tout
le monde est d'accord pour dire que l'hôpital public ne
fonctionne pas bien. Un grand nombre de propositions ont pu être
formulés en commun par l'ensemble des membres de la mission.
L'essentiel d'une réforme de l'hôpital peut se résumer
en quelques mots : retrouver la cohérence, la simplicité
et le bon sens. Lorsqu'un patient va à l'hôpital,
il souhaite rencontrer des personnels soignants. C'est la qualité
de ces personnels qui fait la bonne ou la mauvaise réputation
de l'établissement. Tout le monde dit qu'il faut replacer
le malade au cur du système, et c'est une évidence
; mais en réalité, combien sont ceux qui le pensent
vraiment ? Nombreux sont ceux qui sont encore convaincus que l'hôpital
n'est pas fait pour les malades mais pour ceux qui le font fonctionner
!
Aujourd'hui, si l'hôpital fonctionne malgré tous
ses problèmes, c'est grâce aux personnels. Il faut
plus motiver les soignants. S'ils travaillent plus de trente-cinq
heures, il ne faut pas les sanctionner mais au contraire reconnaître
leur engagement. Le principal défi est donc de mieux motiver
ces personnels, non pas en les associant à des activités
administratives ou de gestion, mais bien en revalorisant leurs
activités de soignants au plus près du malade. Il
faut en effet toujours garder à l'esprit que ces personnels,
qui ne travaillent pas à l'hôpital par hasard, exercent
un métier par vocation, contrairement à d'autres
qui n'ont pas toujours délibérément choisi
de travailler auprès des malades et exercent des fonctions
à l'hôpital par les hasards de la vie.
Autrefois, les responsabilités étaient clairement
identifiées et bien exercées par les soignants.
Ce n'est plus le cas aujourd'hui : le pouvoir a été
tellement balkanisé que l'on ne sait plus qui fait quoi.
Les responsabilités d'un chef de service sont en pratique
réduites à néant et personne n'a voulu donner
aux chefs de pôles les moyens d'une véritable autorité.
Or, pour les Français, le véritable pouvoir appartient
à ceux qui ont un pouvoir - potentiel - sur la maladie.
Enfin, l'hôpital public, et particulièrement le
CHU, reste l'institution qui dispose de la meilleure capacité
de formation en matière médicale. Or, depuis plusieurs
années, pour des raisons liées au niveau du numerus
clausus, de nombreuses responsabilités ont été
confiées à des médecins formés à
l'étranger. Les compétences des ces praticiens ne
sont pas en cause et il faut se féliciter de leur présence
car la situation serait bien pire sans eux. Pourtant, il serait
souhaitable que ce gaspillage ne se reproduise pas pour les prochaines
générations de médecins.
Le président Jean-Michel Dubernard a d'abord nuancé
l'affirmation selon laquelle les personnels administratifs travailleraient
à l'hôpital « par hasard ». En effet,
ce n'est pas un choix professionnel à faire si l'on n'a
pas envie d'être au service des autres ! Il a ensuite rappelé
son attachement à l'idée que le malade doit être
au cur de l'hôpital, comme il a rappelé l'avoir
exposé dans son ouvrage « L'hôpital a oublié
l'homme ». Lorsque ce sera véritablement le cas,
les enjeux de pouvoir passeront au second plan.
Après avoir félicité les membres de la mission
pour la qualité du travail accompli, M. Pierre Hellier
a relevé que si l'hôpital continue aujourd'hui de
fonctionner, si l'acte technique est fait, cela n'exclut pas pour
les personnels le stress et la dépression. De ce point
de vue, le rapport sera particulièrement utile car les
élus n'ont pas véritablement pris la mesure de la
gravité de la situation. Il faut développer les
coopérations entre les secteurs public et privé.
Quant aux restructurations, elles sont bien évidemment
nécessaires mais les mécanismes actuels ne sont
pas satisfaisants car le pouvoir des ARH est trop absolu. Ces
agences pourraient à l'avenir travailler avec des conseils
régionaux de l'hospitalisation.
Après avoir souligné que les différentes
interventions complétaient utilement la présentation
du rapport, M. René Couanau a formulé plusieurs
observations :
- Pour la santé comme pour les autres domaines, il n'y
aura pas de déconcentration sans le développement
correspondant de la démocratie locale. Si les ARH sont
tellement critiquées, c'est essentiellement parce qu'elles
ne pratiquent pas la concertation.
- L'appel au bon sens et au pragmatisme a été entendu
par la mission ; elle recommande donc de commencer par appliquer
les textes existants, notamment en ce qui concerne les centres
de responsabilité.
- On ne peut pas affirmer que les personnels administratifs travaillent
à l'hôpital « par hasard ». Compte tenu
des lourdes responsabilités et du niveau des rémunérations,
on ne devient pas directeur d'hôpital sans raison.
- La mission a considéré que le service doit demeurer
l'unité de base car il constitue le cercle soignant le
plus proche du malade. Les services ont cependant vocation, dans
les établissements les plus importants, à s'intégrer
dans des centres de responsabilité.
- Il faut effectivement savoir qui pilote le système de
l'assurance-maladie pour pouvoir organiser un financement optimal
des établissements de santé.
- Le rapport de la mission n'est pas un rapport rédigé
par des experts à la demande du ministre, mais un rapport
d'information parlementaire, qui doit susciter une réelle
volonté politique de modifier l'organisation du système
hospitalier public. Ce rapport n'a pas vocation à déboucher
sur une « grande uvre » législative.
En revanche, il devra être suivi d'effets afin que l'hôpital
se réorganise dans l'intérêt du malade.
- Comme M. Yves Bur l'a rappelé, l'hospitalisation à
domicile doit être développée. Il convient
de souligner le travail en réseau effectué par des
médecins désireux de prendre des responsabilités
à l'extérieur d'un monde hospitalier considéré
comme trop institutionnalisé et rigide.
- La contribution du groupe socialiste est intéressante
sur de nombreux points, notamment en ce qui concerne la démographie
médicale. Elle sera intégrée au rapport.
- Comme l'a souligné le président Jean-Michel Dubernard,
il faut tout construire à partir du premier cercle autour
du malade, ce qui évite des cloisonnements et une balkanisation.
- S'agissant de la tarification à l'activité, même
si les conditions ne sont pas encore toutes remplies, il faut
un choc, qui doit être accompagné.
En guise de conclusion, M. René Couanau a expliqué
que le plan Hôpital 2007 est sans conteste une chance pour
amorcer la réforme. Les dotations financières importantes
du plan doivent être assorties d'engagement allant dans
le sens de la réforme, qu'il s'agisse de l'organisation
des responsabilités ou de la contractualisation des objectifs
avec les ARH. Ces crédits doivent être distribués
de manière à susciter les évolutions indispensables
de l'hôpital public.
*
La commission a décidé, en application de l'article
145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information
en vue de sa publication.
2ème partie du rapport : annexes
N° 714 - Rapport d'information de M. René Couanau
sur l'organisation interne de l'hôpital
1 Le compte rendu de la table ronde et la composition de la mission
se trouvent en annexe.
2 La liste des personnes entendues et des déplacements
effectués se trouvent en annexe.
3 En annexe se trouve une liste des principaux textes législatifs
relatifs à l'organisation interne de l'hôpital.
4 En annexe se trouvent une sélection de rapports portant
sur l'organisation interne de l'hôpital ainsi qu'une description
des situations à l'étranger.
5 Une annexe à ce rapport reproduit la liste des statuts.
6 La valeur du point ISA (indice synthétique d'activité)
d'un hôpital représente le prix unitaire de l'activité
hospitalière ou le coût effectif de l'offre de soins.
Il est calculé de la façon suivante : valeur du
point ISA de l'année x = dépenses MCO de l'année
x / activité MCO en point ISA de l'année x.
7 Discours de présentation du plan « Hôpital
2007 » en novembre 2002.