ENTREVUE du 04/06/2002 AVEC MONSIEUR JEAN-FRANÇOIS MATTÉI, MINISTRE DE LA SANTÉ: PROPOSITIONS DE LA CMH

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A partir de 5 constats, la CMH forte de sa représentation hospitalière et hospitalo-universitaire, souhaite vous faire part de ses propositions mais aussi de ses exigences.


1- LA SITUATION DE L'HÔPITAL : un scénario catastrophe ?

L'hôpital est victime des dérèglements d'un système où les transferts d'activités ne sont plus maîtrisés, où les organisations sont souvent obsolètes et où, dans le même temps, le manque de temps médical et infirmier est chaque jour accru. Par un effet pervers, chaque jour plus perceptible, alors que les contraintes liées à la permanence des soins pèsent de plus en plus sur l'hôpital, les compétences médicales refluent trop souvent vers les établissements privés qui sélectionnent les activités et attirent les médecins.

PROPOSITIONS :


- Il est indispensable de définir à un niveau territorial satisfaisant d'organisation. Il s'agit de bassins de population, à partir desquels doit être organisé le système. A l'intérieur de ces territoires, il faut assurer la concentration qu'exigent certaines activités médico-techniques lourdes et assurer une distribution de proximité de certaines activités médicales (consultations, certaines hospitalisations, chirurgie ambulatoire...).
- Il faut financer un plan pluriannuel d'investissement pour permettre cette réorganisation. On n'a jamais vu une restructuration de cette ampleur se faire sans une politique d'investissement importante.
- Il faut réduire les inégalités non pas en écrêtant les budgets pour tendre vers un budget moyen mais en établissant une véritable politique budgétaire contractuelle intégrant notamment un lien entre activité et qualité.


2 - LA PLACE ET LE RÔLE DES MÉDECINS A L'HÔPITAL ONT ÉTÉ MARGINALISES

Alors qu'en affichage, on prône l'engagement et la responsabilité, les responsabilités sont en fait transférées et deviennent incompatibles avec les objectifs recherchés. En particulier, au fil du temps, médecins et pharmaciens hospitaliers ont vu leur place et leur mission banalisées. Sont-ils des producteurs de soins parmi d'autres ? Nous pensons au contraire que cette déresponsabilisation participe à la crise.

PROPOSITIONS :


- Affirmer les missions et les responsabilités des médecins au service des malades et du public. Celles-ci doivent s'exercer en fonction des compétences, à différents niveaux : services, établissements, bassins de population, régions.
- Il convient de revenir sur certaines décisions telle le décret n°2002-550 du 19 avril 2002 créant un corps de directeur des soins (voir annexe). Ce texte organise, de façon centralisée et Impersonnelle, un transfert de responsabilité en terme d'organisation et d'animation des soins que doivent, au contraire assurer les responsables médicaux.


3 - DÉMOGRAPHIE DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

Les rapports récents de la DGS et de la DHOS ont notamment permis de disposer d'une base documentaire reconnue.

PROPOSITIONS :


- Augmentation des numerus clausus (médecins et pharmaciens) pour maintenir la densité actuelle médicale.
- Augmentation du nombre des internes DES dans le cadre de l'indispensable réforme des études médicales et notamment de son 3ème cycle avec prise en compte des spécialités nouvelles que sont notamment la médecine d'urgence et la gériatrie.
- Redistribution public/privé. A titre d'exemple, dans une des régions où la crise démographique est la plus importante, la région Centre,
2 anesthésistes sur 3 travaillent à l'hôpital public alors que 2 chirurgiens et 2 gynéco-obstétriciens sur 3 travaillent dans le secteur libéral.
Des mesures de reconstitution de carrière doivent permettre d'amorcer cette
redistribution. Ce mouvement doit être équitable. Cela signifie que, pour les praticiens qui ont choisi une carrière hospitalière publique, leur reprise d'ancienneté doit intégrer l'ensemble des années passées sous des statuts divers à l'hôpital et, en particulier, les années d'internat.
- La démographie médicale ne se conçoit pas sans une prise en compte de la démographie de l'ensemble des professionnels qui travaillent à l'hôpital. A titre d'exemple, la promotion de la notion d'équipe opératoire dans les blocs opératoires concerne la démographie des infirmières spécialisées. Il en est de même dans nombre d'activités médicales et pharmaceutiques de l'hôpital.


4 - RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Le protocole signé de façon unanime par les organisations syndicales de praticiens hospitaliers doit être respecté. Cependant, sa mise en œuvre doit être accompagnée d'éléments complémentaires.

PROPOSITIONS :


- La mise en œuvre de la RTT doit s'appuyer sur des choix volontaires. A titre d'exemple, si de façon individuelle et volontaire, un praticien souhaite ne pas bénéficier, par exemple, de ses 20 jours annuels de RTT, il doit pouvoir bénéficier, de façon statutaire, de l'équivalent d'un 13ème mois rémunéré. Naturellement, des modulations et de la souplesse doivent être trouvées dans ce type d'initiative.
- Le post internat et, plus généralement, l'assistanat, doivent faire l'objet d'une extension voire d'une généralisation. La CMH considère que la création de postes d'assistants en médecine d'urgence et en gériatrie dans les CHU est nécessaire.
- La politique de création de postes contenue dans le protocole n'a pas été mise en œuvre. Il en est ainsi, en particulier, des postes d'assistants 2002 annoncés comme financés en année pleine. L'objectif des 3500 postes créés contenu dans le protocole doit être réalisé.
- La mise en œuvre de la RTT ne peut, de toute façon, se concevoir à organisation constante. On renvoie aux propos et aux propositions précédentes.


5 - L'HÔPITAL ET L'ORGANISATION GÉNÉRALE DU SYSTÈME DE SANTÉ

Aujourd'hui se déroule une réunion de négociation essentielle concernant la reconnaissance de la rémunération de la consultation des médecins libéraux. Cette revalorisation est légitime. Cependant, derrière cette revendication, le mode d'action choisi qui consiste à faire la grève des gardes n'est pas un hasard. L'enjeu est de savoir si l'hôpital public doit à lui seul assurer continuité des soins et prise en charge des urgences.
Cette crise touche aux valeurs essentielles déontologiques, éthiques et organisationnelles de notre système. Celui-ci ne doit pas diversifier ses financeurs au premier franc sous peine de voir sélectionner les activités, les médecins et donc les patients. Dans le respect de la dualité public/privé, des modes nouveaux d'organisation et de partage doivent être trouvés. Ils doivent permettre à l'hôpital d'assurer l'ensemble de ses missions en attirant les meilleures compétences professionnelles.

F Aubart Président de la CMH
Le 4 juin 2002


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