Assises Nationales des Centres Hospitaliers - Le Mans, 27 septembre 2002

Discours de J-F. Mattéi

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Monsieur le ministre
Monsieur le sénateur Président du Conseil Général
Messieurs les députés
Monsieur le représentant du Président du Conseil Régional
Monsieur le Maire
Madame et Messieurs les directeurs d'ARH

Monsieur le délégué général de la FHF,
Messieurs les présidents des conférences de présidents de CME de CHU et de CH,
Messieurs les présidents des conférences de directeurs de CHU et de CH,
Mes chers confrères, mes chères consoeurs,
Madame, Monsieur,

Je suis très heureux de l'opportunité que me donnent les assises des centres hospitaliers, organisées par les présidents de CME et les directeurs, de m'exprimer devant les responsables de la communauté hospitalière publique.

Car, vous voilà bien tous réunis, CH et CHU, CME et directeurs, autour d'un thème singulièrement porteur, à la fois d'inquiétude et de fascination, celui du changement.

Le thème de vos réflexions, et le symbole d'une hospitalisation publique réunie contribuent a plaisir qui est le mien, quelques jours après la présentation du PLFSS, de vous donner les grandes lignes de la politique hospitalière que je souhaite mener.

A. Deux convictions président à ma volonté d'accompagner le changement à l'hôpital.

1. Ma première conviction, c'est que l'hôpital détient en lui les ressources nécessaires à son évolution et sa modernisation. Cette confiance dans l'hôpital, dans le projet de lui redonner ambition et espoir. C'est cela la rupture et la nouveauté !
Depuis 10 ans, dans un monde en mouvement, l'hôpital n'est pas resté immobile ; la liste est longue des changements qu'il a vécu : mise en place du PMSI et de l'accréditation, nouvelles mesures de sécurité sanitaires, établissement des relations contractuelles avec les ARH,...

Et dans le même temps, toute aussi longue est la liste des malaises qui se sont exprimés : mécontentements, récriminations accrues, repli sur soi, discours critique permanent sur l'institution.
Ce paradoxe s'explique peut-être qu'à chaque fois, l'hôpital n'a pas voulu les changements décidés d'en haut mais qu'il les a subi. Non qu'ils n'étaient nécessaires, mais sans doute mal accompagnés. Et surtout, sans relation de confiance avec les professionnels de l'hôpital.

Or, vous avez su, monsieur le président, trouver les mots justes pour dire combien les professionnels que vous êtes, se sentaient responsables d'une réforme de l'hôpital.
Je le crois. Nous devons désormais faire résolument confiance aux acteurs. C'est pourquoi, monsieur le président, je réponds d'emblée à votre question : l'hôpital avec qui ? avec vous bien sur ! Mais, avec vous tous.
Les réformes ne se font pas à la place de ceux qui les vivent.
Elles doivent accompagner les tendances qui naissent au sein des établissements, inciter au changement mais sans contraindre d'abord par la règle. Le rôle de l'Etat est de créer les conditions favorables au changement en donnant aux structures et aux professionnels des règles du jeu incitatives permettant l'initiative et la créativité.

L'hôpital détient déjà les compétences, les savoirs et les moyens qui lui permettraient de mieux s'adapter aux exigences de sécurité et aux contraintes budgétaires, et de mieux répondre aux attentes des patients, et aussi de retrouver son âme, son goût pour l'excellence des soins et le dévouement à la médecine.
Mais l'organisation rigide et peu autonome des établissements hospitaliers entrave aujourd'hui cette volonté.

2. Ma deuxième conviction, c'est la nécessité d'unir les volontés d'agir de tous les acteurs du secteur.
J'entends ici, ou là, des voix qui cherchent à opposer les CHU aux CH, les directeurs aux médecins, les médecins aux soignants, le public au privé. Je n'entendrai pas ces voix. Permettez-moi de vous inviter également à faire la sourde-oreille.

La spécificité des missions des uns et des autres doit vous inciter à travailler ensemble, et non en opposition.

Les centres hospitaliers assurent, vous le rappeliez monsieur le président, le maillage du territoire pour les soins de proximité. Ils constituent les pivots sanitaires de notre pays. Ils apportent une contribution importante à la permanence des soins et en particulier à l'accueil des urgences. Je voudrais à cet égard porter témoignage de l'effort que chacun a pu accomplir pour faire face à ses missions, notamment cet été. Vous avez pu apporter, dans des conditions dont je sais les difficultés, la preuve de votre capacité et de votre détermination à maîtriser la situation. J'en remercie chacun et chacune, de ceux et celles qui y ont contribué.

Les CHU, de leurs côtés doivent conserver bien sûr leur triple mission de soins, d'enseignement et de recherche, et donc tendre en tout point vers l'excellence. Mais, ils doivent aussi assumer leur rôle d'hôpital de proximité pour les populations les plus proches.

Pour toutes ces raisons, la collaboration entre CHU et CH constitue un enjeu majeur de la bonne coordination des activités hospitalières sur une région, dans le respect des rôles, des misions et de l'identité de chacun.

Je voudrais aussi dire, mais vous le savez bien évidemment, qu'au-delà de l'hôpital public, notre système de santé s'appuie beaucoup sur les établissements privés et le secteur libéral, et qu'il faut trouver des relais dans les structures sociales et médico-sociales.
Le clivage entre la ville et l'hôpital, comme celui entre le sanitaire et le social, doivent être dépassés : c'est un défi majeur de l'évolution de notre système.

La concurrence entre le secteur privé et public existe, il ne convient pas de l'occulter. Mais, de plus en plus d'éléments font converger les deux secteurs : traitement unique par les ARH, application identique des normes réglementaires, et prochainement tarification à l'activité.
Mon objectif est de redonner à l'hôpital toute la souplesse dont il a besoin pour donner la pleine mesure de son potentiel et de son efficacité, y compris lorsqu'il se trouve en situation concurrentielle.
De même, la réduction du temps de travail des médecins et la démographie médicale accentueront la nécessité de passer de la concurrence à la complémentarité.

Le partage de plateaux techniques, d'équipements ou de lits, la mise en place de gardes communes notamment en chirurgie ou en obstétrique, s'imposeront d'eux-mêmes pour garantir la permanence des soins.
Dire cela, c'est clairement affirmer la nécessité de l'ouverture et des collaborations, sans distinction de statut.

C'est à cela que contribue l'organisation en réseaux.
Réseaux de soins, ou plus exactement réseaux de santé, car par delà le curatif c'est bien la prévention et le dépistage qu'il convient aussi de coordonner avec le soin.

J'attacherai un grand prix, quelles que soient les résistances rencontrées, à développer ces nouveaux modes de prise en charge.
J'ai d'ailleurs signé il y a 15 jours, je vous le rappelle, le décret permettant l'utilisation des enveloppes communes URCAM-ARH.

Vous le voyez, je crois dans les capacités de l'hôpital, et je souhaite les mobiliser avec vous.

C'est pourquoi, je suis heureux que tous les partenaires de l'hospitalisation publique se trouvent aujourd'hui réunis.
Cela ne m'empêchera pas, bien sûr, lorsque les occasions se présenteront dans le courant des mois à venir, de poursuivre avec vos représentants, notamment par l'intermédiaire de leurs conférences, un dialogue aussi nécessaire que fécond.

B. Mais dés à présent, je voudrais profité de cette occasion, pour vous exposer pour la première fois quelques éléments de notre plan " hôpital 2007 ". Nos réflexions se poursuivent, et je pourrai en présenter une synthèse en conseil des ministres vers la mi-novembre

Certaines mesures figurent déjà dans le PLFSS que j'ai présenté mardi, et je peux ainsi vous les détailler. Pour d'autres il s'agira d'orientations qui appellent encore concertation et débat.

J'ai avant tout la volonté de lutter contre les rigidités du système hospitalier : rigidités des relations entre les acteurs, rigidités des modalités de financement, rigidités des modes de gestion interne.
Je chercherai donc à rénover l'hôpital en le rendant plus moderne et plus responsable, et en lui donnant les moyens d'assumer cette responsabilité.

I. Un hôpital plus moderne, grâce à trois rénovations majeures :


le soutien sans précédent à l'investissement, la rénovation des modes de financement, et la simplification des outils de planification.

I.1 Concernant l'investissement, tout d'abord, il nous faut le relancer de manière extrêmement volontariste. C'est nécessaire aussi bien à la mise à niveau des moyens compte tenu du progrès technique, des exigences de sécurité sanitaire ou de la recomposition hospitalière. Je vous confirme que le plan quinquennal d'investissement sera bien engagé dès 2003. J'ai proposé dans le PLFSS un premier effort conséquent, permettant le financement de la première tranche du plan de 6 milliards d'euros, soit pour 2003, plus d'1 milliard d'euros d'investissements supplémentaires.

Ces efforts couvriront toutes les opérations d'investissements : immobiliers, équipements et systèmes d'information, préalable indispensable à toute réorganisation.

Mais, pour ne pas réitérer les erreurs du passé je serai particulièrement attentif à une réalisation accélérée des opérations immobilières.

C'est pourquoi je souhaite prendre trois séries de mesures pour accompagner le plan d'investissement.

(1°) Pour accélérer les décisions, tout d'abord. Les enveloppes seront régionalisées et confiées aux ARH. L'instruction et la décision seront plus faciles et donc plus rapides. En pratique, les ARH arrêteront avec les structures un programme régional pluriannuel d'investissements sur 5 ans.
Elles choisiront les opérations à soutenir, et le niveau de ce soutien qui pourra aller jusqu'à 80% de l'opération.

(2°) Pour accélérer les réalisations, ensuite. L'intervention des entreprises privées, sera facilitée. Je proposerai des modifications législatives avant la fin de l'année afin d'autoriser une personne privée à construire des bâtiments pour le compte de l'hôpital.
Dès que les mesures législatives et réglementaires auront été prises, je demanderai aux ARH d'utiliser le plus souvent possible ces modalités, notamment pour les opérations immobilières d'importance.

(3°) enfin, pour soutenir techniquement les projets, en aidant les ARH, et les établissements. L'expertise technique nécessaire n'est pas toujours présente localement.

J'ai donc décidé de mettre en place une Mission nationale d'Appui à l'INvestissement ambitieuse.
Elle sera composée d'une quarantaine d'experts de hauts niveaux (ingénieurs, ingénieurs en organisation, juristes, financiers, directeurs d'hôpitaux,...) spécialement recrutés, et s'ajoutant aux compétences existantes de l'administration centrale.

La majorité de ces experts seront affectés en régions auprès des ARH.

L'équipe de niveau central aura également vocation à se déplacer en tant que de besoins dans les régions.
La mission aidera les ARH à élaborer les plans pluri-annuels et les établissements pour la mise en oeuvre et le suivi de leurs opérations

I.2 L'enjeu sur l'investissement est de taille.

Un autre ne l'est pas moins.
C'est la rénovation totale du mode de financement des établissements. Il nous faut le simplifier et le clarifier. Nous ne pouvons continuer à vivre avec un double système de financement public et privé qui obère les comparaisons et rend difficile les coopérations. C'est pourquoi, je souhaite que nous allions résolument vers la tarification à l'activité. Seule capable, à terme, de responsabiliser les acteurs.

En 2003 des expérimentations se dérouleront dans une quarantaine d'établissements volontaires après appel d'offre. En parallèle, des simulations seront réalisées au niveau central sur tous les établissements de 5 régions.

Je remercie monsieur Bernard Marrot pour la dure tâche qu'il a menée pendant deux ans, et qui nous permet aujourd'hui de nous engager plus avant dans cette évolution, que quatre pays européens ont franchi au cours des 3 dernières années (Pays-Bas, Espagne, Allemagne, Suède); un cinquième il y a quelques semaines (Belgique). La mission d'étude est achevée. Il faut se pencher sur les questions opérationnelles.
Les expérimentations et simulations seront menées par une mission opérationnelle confiée à un directeur scientifique (un expert reconnu, Monsieur Rolland Cash) et un directeur opérationnel (Madame Martine Aoustin de la DHOS).

Elle sera composée d'une quinzaine de personnes issues de l'administration centrale et de la CNAMTS. Elle fera appel à des experts associés en tant que de besoin, et prendra en compte les aspects concrets et informatiques.
Une instance de concertation représentant les professionnels et les établissements concernés sera régulièrement tenue informée par la mission.
Mon objectif est clair : engager la généralisation dès 2004. Il n'est plus temps de tergiverser, mais d'agir.

I.3 Enfin, et c'est le troisième axe de la modernisation de l'hôpital, j'entends assouplir les règles de planification.

Au plan national, tout d'abord, les autorisations qui y sont encore effectuées aujourd'hui seront déconcentrées aux ARH.
Au plan régional, ensuite. Car, aujourd'hui, plus personne ne s'y retrouve entre le SROS, la carte sanitaire, les autorisations. Je souhaite simplifier tout cela en commençant par supprimer les indices de lits et d'équipement de la carte sanitaire, qui sont obsolètes. Je souhaite faire jouer un rôle nouveau aux annexes du SROS à travers un dispositif rénové et renforcé dans ses principes juridiques.

Le régime des autorisations sera maintenu pour assurer une équité dans la répartition des capacités de prise en charge et des équipements, mais les encadrements seront désormais fixés par l'ARH dans le SROS.

A terme, je souhaiterais même pouvoir contractualiser les autorisations en les fixant dans le seul contrat d'objectifs et de moyens. Ce serait donner une souplesse et une réactivité qui manquent aux procédures actuelles lentes et lourdes. Tout ceci va dans le sens de la souplesse.

Enfin, pour faciliter les collaborations et les décloisonnements entre établissements, je souhaite rapidement faire du Groupement de Coopération Sanitaire, un outil plus souple et plus complet, plus polyvalent.

II. Je souhaite donc un hôpital plus moderne, mais aussi plus responsable.

Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il est temps de faire confiance. Cela signifie que les établissements doivent jouir d'une plus grande autonomie dans leur gestion quotidienne. L'autonomie, c'est la contrepartie de la responsabilité.
Nous entreprendrons la simplification d'un certain nombre de règles, en particulier pour les achats, qui génèrent à la fois des surcoûts et des dysfonctionnements au sein des établissements.
De la même manière, il nous faut réfléchir, à un accroissement du pouvoir des Conseils d'Administration notamment en matière de contractualisation interne que je souhaite lier avec l'intéressement des personnels. Chacun doit recouvrer le fruit de ses efforts à partir d'objectifs qualitatifs ou quantitatifs fixés et évalués au sein des établissements avec la validation du Conseil d'administration.
Les établissements doivent aussi pouvoir s'organiser et se structurer au mieux. Sur la base des unités fonctionnelles et des services existants, il appartiendra aux instances internes de décider de la création de pôles d'activité qui pourront, ensuite, passer contrat avec le Conseil d'Administration. L'intéressement ne doit pas récompenser uniquement des efforts de réorganisation, il doit aussi dédommager la prise de responsabilité telle que celle, difficile, je n'hésite pas à le dire devant vous, de président de CME. Une reconnaissance de votre fonction, et des contraintes qu'elle génère est naturelle.
Il en est de même pour les responsables de pôles d'activité.

Enfin, les guides de bonnes pratiques ne doivent pas être uniquement à vocation médicale. C'est pourquoi, je propose dans le cadre du PLFSS 2003 la création d'une mission nationale d'audit et d'expertise dont l'objectif sera de bâtir des référentiels de gestion hospitalière de manière à aider les établissements dans leur modernisation.
Dans ce domaine essentiel de la qualité, qualité médicale aussi bien que qualité de gestion, je mettrai tout en oeuvre pour que les efforts soient pris en compte et articulés, le plus possible, avec la tarification des établissements.

Mesdames, Messieurs, pour conclure cette première présentation de quelques mesures ou principes du plan " hôpital 2007 ", je voudrais vous redire combien je crois en vous et combien j'ai foi dans l'avenir de l'hôpital.
Je serai attentif aux conclusions de vos travaux. La Fédération Hospitalière de France, et vos conférences sont pour moi des interlocuteurs précieux et crédibles. Je les écoute et je prends en compte leurs propositions empreintes de pragmatisme. Il ne vous aura pas échappé que dans mes propos, à l'instant, j'ai déjà tenu compte de certaines d'entre elles.

Les hôpitaux concentrent une somme de savoir et d'expertise que beaucoup d'organisations nous envient. Aujourd'hui, je souhaite que cette richesse soit utilisée pleinement et que les hommes et les femmes de l'hôpital retrouvent fierté et enthousiasme.

Jean-François Mattéi, Ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes Handicapées

 

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