A propos de l'avenir de l'hôpital public : quelles priorités
?quelles missions ? quels moyens ? quels changements souhaitables ?
L'hôpital doit continuer à développer des pôles
d'excellence, à garantir l'accès aux soins pour tous,
à prendre en charge des activités utiles qui ne sont
pas directement rentables à cause des barèmes obsolètes
de l'assurance maladie (comme le financement des tests diagnostiques
pour les maladies génétiques par exemple), et à
former les médecins. Mais les modes de management et de gestion
devront sérieusement évoluer. Si on parvenait à
introduire des principes efficaces de gestion à l'hôpital
et à prendre des décisions courageuses, on ferait des
économies importantes sans rationner les soins ni faire baisser
la qualité.
A propos de la cohabitation entre médecine libérale et
cliniques privées et service public hospitalier : quel équilibre
et quels ajustements ?
On a forcément besoin d'ajustement : les innovations de médicament
et les innovations techniques (comme le monitoring des patients à
distance, la télé-expertise entre professionnels) se
développent, et les structures devraient rester figées
! Il est devenu techniquement possible de transférer certaines
activités vers le secteur libéral, comme le maintien
à domicile, les soins palliatifs, certaines urgences. Mais
les modes de financement bloquent cette évolution. Les budgets
sont enfermés dans des enveloppes et ne sont pas transférés
vers le secteur libéral.
A propos de la démographie médicale et de la crise
de recrutement des professionnels médicaux à l'hôpital
public : quel niveau de numerus clausus et quel statut pour les médecins
hospitaliers ?
Le numerus clausus doit être gardé, mais les règles
de calcul adaptées aux besoins de santé. Avec le numerus
clausus, on est allé trop loin, car on se focalisait sur la
quantité d'offreurs de soins comme seul outil de régulation.
D'autre part, je suis frappé de voir que certaines spécialités
ne sont pas valorisées à la hauteur de leur utilité
et de leur exigence : là aussi, l'assurance maladie et l'Etat
s'adaptent trop lentement.
Pour les médecins hospitaliers, il faut des incitations financières
suffisantes pour éviter l'hémorragie et la fuite vers
le privé, mais il faudrait aussi mieux reconnaître le
travail réalisé, en liant partiellement la rémunération
à l'activité. Même les enseignants bénéficient
de dispositifs d'heures supplémentaires !
A propos du financement et de la gestion du système de santé
: quelle évolution budgétaire ?quelle évolution
du paritarisme dans les organismes de gestion ?quelle répartition
des pouvoirs dans l'administration des établissements de soins
?
Le but est de parvenir à un compromis entre performance du
système et respect de l'égalité de l'accès
aux soins. En santé, la non concurrence est aussi pernicieuse
que dans les autres domaines. L'introduction d'une concurrence raisonnée
entre organismes payeurs me paraît le bon moyen de moderniser
leurs modes de gestion, d'atteindre une meilleure évaluation
et un meilleur accompagnement de l'offre de soins, et in fine de produire
les soins de santé avec le meilleur rapport coût / efficacité,
tout en conservant bien sûr la non-sélectivité
des assurés sociaux, et le financement proportionnel au revenu.
La gestion de la santé passe aujourd'hui en France par une
assurance monopolistique et des enveloppes sectorisées. Mieux
vaudrait mettre en concurrence les payeurs, tout en gardant un financement
solidaire, et garantir une gestion globale de l'offre de soins.
Je suis pour un paritarisme rénové. La formule que
j'imagine prendrait la forme de conseils de surveillance, plus représentatifs,
plus efficaces, et garantissant l'égalité de l'accès
aux soins et la non sélection des risques. Quand on donne aux
corps intermédiaires une autonomie suffisante, ils deviennent
responsables et développent les capacités d'expertise
nécessaires. Lorsque les représentants des assurés
sociaux sont intéressés à la gestion de la protection
sociale, ils prennent les décisions qui s'imposent, comme le
montre le travail remarquable des représentants employeurs
dans la branche accidents du travail. Les caisses, dirigées
par les représentants des assurés légitimés
par l'élection, devraient se voir confier une plus grande autonomie
de gestion.
Actuellement, des logiques différentes interviennent dans
l'allocation des budgets aux établissements de soins, selon
qu'on est dans le secteur public et privé. Une harmonisation
est nécessaire, fondée sur des critères de financement
strictement médicaux et économiques. Un outil d'information
existe, le PMSI (Programme Médicalisé des Systèmes
d'Information), mais il est aujourd'hui sous-employé car on
a peur des résultats qu'il montre.
A propos des nouvelles représentations et exigences sociales
sur la santé : quelle intervention de justice et quelle relation
médecin-patient? quelle gestion et acceptation du risque ? quelles
règles éthiques face aux progrès scientifiques,
et à la liberté individuelle
Je crois profondément que la confiance est l'élément
fondateur de la relation entre le patient et le médecin. Elle
ne doit pas être détruite par une recherche systématique
de la faute dans un domaine qui reste soumis à l'aléa.
Je pense que le législateur ne doit intervenir que sur quelques
sujets vitaux (établir un droit commun pour les indemnisations,
écarter l'idée de préjudice d'être né
).
Pour le reste, les patients, les médecins et à défaut
la justice trouvent tous les jours des réponses au cas par
cas et en conscience, comme le montre l'exemple du diagnostic pré-natal
et des avortements thérapeutiques.