Entretien avec Alain Madelin

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A propos de l'avenir de l'hôpital public : quelles priorités ?quelles missions ? quels moyens ? quels changements souhaitables ?

L'hôpital doit continuer à développer des pôles d'excellence, à garantir l'accès aux soins pour tous, à prendre en charge des activités utiles qui ne sont pas directement rentables à cause des barèmes obsolètes de l'assurance maladie (comme le financement des tests diagnostiques pour les maladies génétiques par exemple), et à former les médecins. Mais les modes de management et de gestion devront sérieusement évoluer. Si on parvenait à introduire des principes efficaces de gestion à l'hôpital et à prendre des décisions courageuses, on ferait des économies importantes sans rationner les soins ni faire baisser la qualité.


A propos de la cohabitation entre médecine libérale et cliniques privées et service public hospitalier : quel équilibre et quels ajustements ?

On a forcément besoin d'ajustement : les innovations de médicament et les innovations techniques (comme le monitoring des patients à distance, la télé-expertise entre professionnels) se développent, et les structures devraient rester figées ! Il est devenu techniquement possible de transférer certaines activités vers le secteur libéral, comme le maintien à domicile, les soins palliatifs, certaines urgences. Mais les modes de financement bloquent cette évolution. Les budgets sont enfermés dans des enveloppes et ne sont pas transférés vers le secteur libéral.


A propos de la démographie médicale et de la crise de recrutement des professionnels médicaux à l'hôpital public : quel niveau de numerus clausus et quel statut pour les médecins hospitaliers ?

Le numerus clausus doit être gardé, mais les règles de calcul adaptées aux besoins de santé. Avec le numerus clausus, on est allé trop loin, car on se focalisait sur la quantité d'offreurs de soins comme seul outil de régulation. D'autre part, je suis frappé de voir que certaines spécialités ne sont pas valorisées à la hauteur de leur utilité et de leur exigence : là aussi, l'assurance maladie et l'Etat s'adaptent trop lentement.

Pour les médecins hospitaliers, il faut des incitations financières suffisantes pour éviter l'hémorragie et la fuite vers le privé, mais il faudrait aussi mieux reconnaître le travail réalisé, en liant partiellement la rémunération à l'activité. Même les enseignants bénéficient de dispositifs d'heures supplémentaires !

A propos du financement et de la gestion du système de santé : quelle évolution budgétaire ?quelle évolution du paritarisme dans les organismes de gestion ?quelle répartition des pouvoirs dans l'administration des établissements de soins ?

Le but est de parvenir à un compromis entre performance du système et respect de l'égalité de l'accès aux soins. En santé, la non concurrence est aussi pernicieuse que dans les autres domaines. L'introduction d'une concurrence raisonnée entre organismes payeurs me paraît le bon moyen de moderniser leurs modes de gestion, d'atteindre une meilleure évaluation et un meilleur accompagnement de l'offre de soins, et in fine de produire les soins de santé avec le meilleur rapport coût / efficacité, tout en conservant bien sûr la non-sélectivité des assurés sociaux, et le financement proportionnel au revenu. La gestion de la santé passe aujourd'hui en France par une assurance monopolistique et des enveloppes sectorisées. Mieux vaudrait mettre en concurrence les payeurs, tout en gardant un financement solidaire, et garantir une gestion globale de l'offre de soins.

Je suis pour un paritarisme rénové. La formule que j'imagine prendrait la forme de conseils de surveillance, plus représentatifs, plus efficaces, et garantissant l'égalité de l'accès aux soins et la non sélection des risques. Quand on donne aux corps intermédiaires une autonomie suffisante, ils deviennent responsables et développent les capacités d'expertise nécessaires. Lorsque les représentants des assurés sociaux sont intéressés à la gestion de la protection sociale, ils prennent les décisions qui s'imposent, comme le montre le travail remarquable des représentants employeurs dans la branche accidents du travail. Les caisses, dirigées par les représentants des assurés légitimés par l'élection, devraient se voir confier une plus grande autonomie de gestion.

Actuellement, des logiques différentes interviennent dans l'allocation des budgets aux établissements de soins, selon qu'on est dans le secteur public et privé. Une harmonisation est nécessaire, fondée sur des critères de financement strictement médicaux et économiques. Un outil d'information existe, le PMSI (Programme Médicalisé des Systèmes d'Information), mais il est aujourd'hui sous-employé car on a peur des résultats qu'il montre.


A propos des nouvelles représentations et exigences sociales sur la santé : quelle intervention de justice et quelle relation médecin-patient? quelle gestion et acceptation du risque ? quelles règles éthiques face aux progrès scientifiques, et à la liberté individuelle

Je crois profondément que la confiance est l'élément fondateur de la relation entre le patient et le médecin. Elle ne doit pas être détruite par une recherche systématique de la faute dans un domaine qui reste soumis à l'aléa.

Je pense que le législateur ne doit intervenir que sur quelques sujets vitaux (établir un droit commun pour les indemnisations, écarter l'idée de préjudice d'être né…). Pour le reste, les patients, les médecins et à défaut la justice trouvent tous les jours des réponses au cas par cas et en conscience, comme le montre l'exemple du diagnostic pré-natal et des avortements thérapeutiques.

 

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