La Pharmacie et la biologie pharmaceutique dans le CHU

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LA PHARMACIE ENFIN INTEGREE AU CHU !

 

Quarante trois ans après les ordonnances de 1958, la pharmacie vient d'être intégrée au CHU (Centre Hospitalier et Universitaire) par un vote du Parlement dans le cadre de la " loi de modernisation sociale ".Elle restait la seule discipline médicale à n'être pas institutionnellement dans le CHU, alors qu'elle est une discipline praticienne hospitalière à part entière. Cette disposition permet aux enseignants de pharmacie des disciplines praticiennes d'avoir un exercice professionnel dans le cadre hospitalier au même titre que leurs collègues médecins ou odontologistes. Elle leur permet ainsi de transmettre leurs connaissances, leurs compétences et leurs acquis professionnels de façon plus adaptée et plus pertinente aux futurs jeunes pharmaciens.


Les métiers du pharmacien ont évolué très rapidement depuis la fin de la dernière guerre. De " gardien des poisons " ayant une activité centrée vers les préparations et les médicaments spécialisés, le pharmacien est devenu praticien de santé dont les compétences, au-delà de la dispensation du médicament et de la lutte contre l'iatrogénie médicamenteuse, l'impliquent totalement comme :

  • Gestionnaire du risque sanitaire,
  • Gardien des consensus thérapeutiques,
  • Spécialiste de la maîtrise médicalisée des dépenses en matière de produit de santé.

De plus le rattachement au statut de médicament de produits de manipulation difficile (produits stables tirés du sang, radiopharmaceutiques…), le développement d'autres produits de santé (dispositifs médicaux stériles ou non, thérapies géniques et cellulaires, produits de diététiques spécialisées, compléments alimentaires…) et l'explosion du recours à la biologie clinique et aux techniques de biologie moléculaire pour établir ou conforter les diagnostiques ont étendu de façon importante son champ d'action.
En effet, outre les produits de santé les pharmaciens se sont investis dans la biologie clinique qu'ils exercent conjointement avec leurs collègues médecins dans les hôpitaux et dans le secteur libérale.
Enfin ,ce sont les patients eux-mêmes qui pressent les pharmaciens de s'investir dans ce que les anglo-saxons appellent " les soins primaires ": ce rôle de premier conseiller de santé, déterminant en terme d'orientation vers un médicament de prescription officinale ou vers une consultation médicale, occupe au quotidien une place croissante dans son activité.
Ces évolutions exigent un rapprochement du pharmacien, des patients, des prescripteurs et des soignants pour une application personnalisée, sûre, rationnelles et économique des thérapeutiques,
Il apparaissait donc incohérent que la pharmacie ne soit pas intégrée dans le CHU. L'amendement présenté par messieurs les députés Bernard Charles et Jean-pierre Foucher et voté par le Parlement a permis de remédier à quarante trois ans d'immobilisme et de faire évoluer une profession trop figée dans son organisation et soumise à un véritable " harcèlement textuel " encadrant son exercice.

Cette intégration ne présente que des avantages en permettant de :

  • Développer le caractère scientifique des actes pharmaceutiques par le recrutement de spécialistes de haut niveau
  • Faire bénéficier la santé publique des recherches pharmaceutiques, pharmacoépidémiologique et pharmacoéconomique en les intégrant plus fortement au sein de l'hôpital à l'exemple de la recherche clinique,
  • Au total d'améliorer la prise en charge des patients

Seul le renforcement des liaisons hospitalo-universitaires -tant par l'accueil de praticiens hospitaliers au sein de l'Université, que par l'accueil d'enseignants-chercheurs au sein de l'Hôpital- conduira à améliorer la formation et la recherche dans les disciplines et pratiques indispensables à l'exercice des métiers du Pharmacien, particulièrement dans ses évolutions les plus récentes: sécurité sanitaire, pharmacie clinique, méthodes de prévention, lutte contre l'iatrogénie, pharmoco-épidémiologie, pharmaco-économie,, maintien à domicile, développement des réseaux ville-hôpital, etc…

 

Certes, l'enseignement pharmaceutique a bénéficié d'une utile modification par l'arrêté du 17 juillet 1987. Mais malgré cet effort d'adaptation, il existe un consensus au sein de la profession et au niveau de l'Université pour reconnaître aujourd'hui son manque de professionnalisation. Ce constat résulte notamment des conclusions :

  • des réflexions. "Pharmacie 2010 " initiés dés 1992 par le regretté président J.Brudon,
  • des " Ateliers de l'Officine " plus récents (1997)
  • des recommandations fortes du rapport " La formation des pharmaciens en France " établi en 1998 par le Comité National d'Evaluation.

Par ailleurs, les Facultés de pharmacie doivent faire face à un grave problème de recrutement de leurs enseignants-chercheurs puisqu'à ce jour 30 % des maîtres de conférences ne sont pas des professionnels de santé ; ce phénomène s'accentue dangereusement chaque année alors que la pyramide des âges des professeurs annonce un fort taux de renouvellement dans les 5 à 10 années à venir. La perte de la culture professionnelle et la dissociation de ce qui s'enseigne et de ce qui se pratique s'avéreraient particulièrement dangereuses pour les patients. La loi récente permet de pallier ces inconvénients majeurs.

Cette réforme reportera naturellement les enseignements plus professionnels aux deuxième et troisième cycles d'étude pharmaceutique, permettant ainsi d'instituer un continuum entre premier cycle généraliste et deuxième et troisième professionnalisant, et une complémentarité entre disciplines fondamentales et disciplines appliquées
.
Le statu quo dans la situation démographique. du fait de la pyramide des âges, se serait avéré catastrophique. Le départ massif, à la retraite, de professeurs remplacés par un pourcentage important de non-praticiens de la santé aurait accentué la disparité entre ce qui s'enseigne et ce qui se pratique. La loi récente va permettre d'intégrer dans l'université des professionnels aux compétences parfaitement adaptées.

Mais pour que cette démarche positive du Parlement trouve sont plein effet en matière de santé publique encore faut-il que le nombre de pharmaciens formés soit suffisant. Or toutes les études le montrent: il manque d'ores et déjà plus de 2500 pharmaciens toutes spécialisations confondues. Ce déficit ne peut que s'accroître avec le départ à la retraite des générations du " baby boom " et un numerus clausus fortement restrictif. Son maintien autoritaire est d'autant plus incompréhensible que la pharmacie est la seule profession de santé soumise à un double numerus clausus : d'entrée et d'installation (au moins pour son principal débouché: l'officine).

L'intégration par le Législateur de la pharmacie au CHU présente de nombreux avantages :

  • L'activité hospitalière permet de favoriser l'enseignement universitaire et d'accompagner l'évolution de la profession, conformément à l'esprit de la loi hospitalière.
  • Elle garantit la professionnalisation des études.
  • Elle assure une stabilisation du corps des enseignants exerçant déjà une activité hospitalière (environ 150 personnes).
  • Elle favorise l'échange de savoir-faire entre hôpital et université.
  • Elle permet une meilleure valorisation de la recherche pharmaceutique française
  • Elle assure une amélioration de la qualité des actes pharmaceutiques par des professionnels mieux formés
  • Elle concrétise la légitime reconnaissance de la pharmacie au sein de l'hôpital et le moyen pour la pharmacie française de continuer d'être un pôle d'excellence européen capable d'associer les innovations libérales Nord Américaines à la tradition humaniste de l'Université européenne.


Professeurs G.AULAGNER*, J.G.GOBERT**,J.F.ROBERT***, P.SADO****

 

* Président du syndicat national des praticiens hospitalier et praticiens universitaires (SNPHPU)
** Président de la fédération nationale de biologistes pharmaciens hospitaliers (FNSBPH)
*** Président de la conférence des doyens de faculté de pharmacie
****Membre du conseil nationale de l'ordre des pharmaciens

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