chronique juridique
à propos de la création d'un corps
de directeurs de soins
le crime était presque parfait !
Alfred Hitchcock
Subrepticement, au cours d'un printemps où tout un chacun se préoccupait,
soit de ses vacances de ski, soit des prochaines échéances électorales,
les fossoyeurs de l'hôpital public agissaient dans le plus grand secret
pour tenter de faire publier un décret en catimini, le décret
n° 2002-550 du 19 avril 2002, portant création des Directeurs de
soins. A première vue, rien de bien extraordinaire : il s'agit d'un de
ces multiples textes de fin de mandature qui viennent grossir les derniers burnaux
officiels, avant que les ministres ne rendent leurs portefeuilles. Et qui pourrait
se plaindre de voir nos DSSI bénéficier de dispositions catégorielles
améliorant leur rémunération. Mais passés les premiers
paragraphes, les premiers lecteurs n'en croient pas leurs yeux : ce décret
modifie fondamentalement l'organisation de l'hôpital public. Qui se cache
derrière cette conspiration anti-hospitalière, contraire constitutionnellement
à l'organisation de l'hôpital public? Nul ne le sait encore. Mais
les fins limiers de la C.M.H. n'hésitent pas une seconde à s'élancer
sur Internet pour recueillir le texte ministériel assassin. Qu'ouis-je!
La création d'une nouvelle race de directeur, le directeur de soins,
espèce appelée à se développer au sein de nos établissements
de manière transversale, tel le crabe. Beaucoup plus grave, ces mêmes
directeurs délégatairesde l'autorité hiérarchique
du directeur d'établissement auront la mission de se substituer aux fonctions
des chefs de service, par la direction qu'ils exerceront sur les cadres de santé.
Enfin, leurs prérogatives s'étendent « urbi et orbi »,
des services sociaux aux services cliniques, en passant par tout le médico-technique.
Et pour qu'il ne subsiste aucune ambiguïté, l'ancien statut d'infirmier
général est abrogé et remplacé par ce nouveau statut,
intégrant les personnels de soins et médico-techniques dans la
sphère administrative de l'hôpital.
Stupéfaction de la part de nos enquêteurs qui sont pourtant des
visiteurs assidus de la DHOS et des assistants consciencieux du Conseil supérieur
des Hôpitaux: ils n'ont jamais entendu parler de cette réforme
de la part d'interlocuteurs qu'ils rencontrent pourtant avec une très
grande fréquence, dans ces périodes de négociations 2002.
Aurait-on voulu leur cacher quelque chose? Non, ne faisons pas de mauvais procès.
Sans doute ce texte s'est-il échappé par inattention d'un dossier,
est tombé sur le marbre d'un employé des burnaux officiels et
s'est trouvé publié par inadvertance dans la bible de la république.
Le Ministre est alerté de l'anomalie constatée; mais c'est le
suivant qui nous répond, en nous indiquant qu'il va porter une grande
attention à l'analyse de ce dossier. Puis, tombe le calme estival auquel
le ministre a droit comme tout autre citoyen. Malheureusement, les promesses
n'engagent que ceux qui les croient : deux mois plus tard, le conseiller technique
du ministre s'est endormi sur la réponse à faire et sur l'action
à entreprendre.
Heureusement que la garde rapprochée de la CMH veille en ce bel été
2002 et qu'un Recours gracieux est adressé au Ministre pour réveiller
le conseiller technique de sa torpeur. Mais rien n'y fera, le Cabinet continue
de somnoler. L'Ordre des médecins, lui, a suivi avec une grande attention
la parution du texte contesté, car i l porte atteinte à l'indépendance
professionnelle des médecins dans l'exercice de leur activité.
Il décide de contre-attaquer en s'associant à la CMH pour faire
annuler tout ou partie de ce décret. En effet, on commence à voir
poindre ici ou là des débuts d'application dévastateurs,
au sein de certains établissements, avec un début de guerre de
tranchées entre le corps médical et les nouveaux directeurs de
soins infirmiers, tandis qu'en d'autres lieux, ce sont les déclarations
de guerre des futurs candidats à ces postes qui s'expriment. Et bien
sûr tout cela, sous couvert d'une meilleure prise en charge du patient
hospitalisé. La CMH et le Sjndicat national des médecins, chirurgiens
et spécialistes à temps pleins des hôpitaux publics communiquent.
Le Ministre, la FHFet le SNCH restent coi. On s'étonne, puis on s'interroge.
A qui profite le crime?
Devant un tel silence assourdissant, la CMH décide de porter la question
devant le Conseil d'Eat pour être éclairée sur la nature
de la nouvelle espèce de directeur en cours d'identification. Car, on
découvre chemin faisant que le nouveau directeur des soins infirmiers
se verra seconder de deux ou trois directeurs adjoints, pour les secteurs sociaux,
médicaux et médicotechniques.
Vous pensiez peut-être que l'hôpital traversait une période
de pénurie en personnels soignants de qualité et d'expérience.
Vous aviez tout faux : il existe encore de la ressource, tout au moins pour
occuper des postes de directeurs! Quels que soient les auteurs de cette initiative
malheureuse, il s'agit de beaucoup plus qu'une faute commise contre la communauté
médicale, c'est le signe que certains sont prêts à tous
les mauvais coups en vue de stratégie de pouvoir à courte de vue.
Ceux-là veulent définitivement enfermer les docteurs dans leurs
salles de consultation, dans leurs blocs ou dans leurs laboratoires. Ha, si
l'on pouvait se passer de médecins à l'hôpital
Face au refus d'explication opposé par la tutelle
sur ses motivations profondes et au silence du ministre qui est pourtant un
hospitalier très au fait du climat hospitalier actuel, la CMH est déterminée
à utiliser tous les recours possibles, jusqu'aux plus élevés,
pour faire modifier ce décret scélérat. Mais, cela ne sera
possible qu'avec l'aide de chacun d'entre vous, sur le terrain. Prévenez-nous
immédiatement dès que quelque chose bouge dans ce secteur. ?