RTT & DIRECTIVES EUROPEENNES
Assouplissement, accord, ou désaccord ?
Chacun le sait, la réduction du temps de travail pour
les médecins et pharmaciens des hôpitaux se traduit par l'obtention
de 20 jours par an de congés supplémentaires. Pour palier aux
insuffisances de temps médical induites, la création de 2000 postes
en 2002 et 2003 a été actée. A échéance du
1er janvier 2005, c'est au total la création de 3500 postes qui est programmé.
Bien peu d'entre nous avons lu la directive européenne 93/104 applicable
au 1er janvier 2003. Ce texte n'a évidemment rien à avoir avec
le dossier la RTT. Il a d'ailleurs été promulgué il y a
10 ans. Il fixe une durée maximum de travail à 48 heures maximum
hebdomadaire en moyenne sur 4 mois. Il indique qu'un repos compensateur quotidien
de 11 heures consécutives est nécessaire par période de
travail de 24 heures. Mais il indique aussi que le travail peut être,
par dérogation effectué sur une durée de travail de 24
heures immédiatement suivie alors d'une période de repos de durée
équivalente. RTT et application de la directive européenne correspondent
à une diminution de 20 % du temps médical à l'hôpital.
Pour les équipes, pour les malades, les opérés et les médecins,
on sent la rupture possible.
Combien de postes médicaux
sont nécessaires dans les hôpitaux ?
Soyons modeste et disons que nul ne le sait. Comme nous l'avons déjà
indiqué dans ces colonnes, l'application mécanique de la perte
de 20 % du temps médical à l'hôpital signifie la nécessaire
création de 8 à 10000 postes équivalents temps pleins tous
les statuts confondus.
On ne peut évidemment s'en tenir à une projection aussi simpliste.
D'un côté, ce chiffre pourrait en théorie être minoré
par les effets de la réorganisation hospitalière et de la concentration
de certains plateaux techniques On connaît la lenteur, la complexité
et les limites de ces opérations. Elles nécessitent plusieurs
années pour une mise en oeuvre effective. La réorganisation des
plans de garde pourrait aussi, peut être, limiter les besoins. Encore
faudrait-il que l'on aborde concrètement et immédiatement l'ensemble
du sujet des gardes et astreintes, de leurs rémunérations, des
missions et des coordinations qui sont indispensables. Il semble que nous en
soyons encore loin. Mais l'évaluation du nombre de postes à créer
pourrait être aussi majorée quand on sait les besoins des activités
nouvelles et ceux des spécialités émergentes. Les activités
nouvelles, les missons sans cesse croissantes pour les médecins hospitaliers
imposent la création de temps médical. Vigilances, application
des normes sécuritaires, procédures et protocolisations, coordinations
diverses sont autant de tâches qui réclament du temps souvent introuvable.
L'émergence de spécialités nouvelles telles les urgences
et la gériatrie justifie la constitution de nouveaux bataillons médicaux
et donc des créations de postes souvent considérables. Enfin,
reste l'impact de la diminution par deux depuis 12 ans du nombre des internes
DES dans les hôpitaux. La mise en perspective de la réforme du
troisième cycle justifierait, parallèlement à l'évolution
et à l'augmentation du numerus clausus, une politique affichée
concernant les statuts juniors et le nombre des internes dans les hôpitaux.
On en est loin. Alors, il est vraisemblable que le chiffre de 8000 à
10000 créations de postes est bien le bon. Entre arguments visant à
minorer cette évaluation et constats d'éléments visant
à le majorer, on est, de toute façon, loin des 3 500 postes prévus
à échéance du 01.01.2005.
Limite supérieure temps de
travail, limite inférieure du temps de travail
La définition d'une limite supérieure au temps de travail est
indispensable. Selon la réglementation française et le texte d'accord
du 22.10.01, la limite supérieure du temps de travail est de 10 demi-journées
hebdomadaires en moyenne sur 4 mois. La durée maximum de travail sur
l'année est de 414 demi-journées. Comme nous l'avons dit plus
haut, la directive européenne borne, elle, la limite supérieure
du temps de travail à 48 heures. Ce comptage horaire d'un côté,
le comptage en unité de temps ou demi-journée de l'autre participe
aux difficultés et aux incohérences. Pour la CMH, il est indispensable
qu'une borne supérieure soit clairement définie. Cette borne doit
être de 10 demi-journées. Le jour correspond à 2 demi-journées
ou 2 unités de temps, la nuit correspond à 3 demi-journées
ou 3 unités de temps. Le tableau de service doit organiser la permanence
des prises en charge en bénéficiant à la fois de la souplesse
de demi-journées qui ne sont pas strictement définies mais aussi
en affirmant l'exigence de la continuité des prises en charge. Dans la
mesure où la réduction du temps de travail se fait par l'octroi
de 40 demi-journées ou 20 jours de RTT annuels, la borne inférieure
du temps travail est donc bien à trouver sur l'année. Elle est
constituée de 207 jours ou 414 unités temps travaillées
chaque année.
Quid du rachat des jours de RTT ?
Pour l'année 2003 et probablement pour l'année 2004, la mise en
ceuvre de la réduction du temps de travail sera souvent difficile voir
impossible. Les 1 000 postes qui auraient dus être créés
et surtout recrutés en 2002 ne l'ont pas été. Dès
le début de l'année 2003, si les engagements sont tenus, devraient
être financés les 1 000 postes de 2002 et les 1 000 postes de 2003.
Les hôpitaux vont donc disposer d'une manne financière correspondant
à ces créations de postes. Les recrutements sur les différents
statuts vont être indispensables et devront être volontaristes.
Pour autant, il faudra un certain temps pour y parvenir dans le respect de l'indispensable
promotion des compétences. Durant cette période, le rachat volontaire
de toute ou partie des jours de RTT nous semble indispensable. Les représentants
du ministre ont indiqué que le rachat pourrait aller jusqu'à 10
jours pour un temps plein en 2003. Ces jours rachetés seront payés
300 euros. Ce niveau indemnitaire de rémunération permet aux plus
jeunes un petit gain salarial. Pour les plus anciens, il s'agit au contraire
d'une certaine diminution.
Comme beaucoup d'éléments concernant ce dossier, le rachat des
jours de RTT risque d'être laborieux dans les établissements. Disons-le
tout clair, souvent la confiance n'y est pas. Entre la politique de rétention
budgétaire ou de « fongibilité des enveloppes » des
ARH et les déficits structurels des hôpitaux, la mise en oeuvre
de ces rachats volontaires de jours risque fort d'être difficile. Nos
représentants régionaux et nationaux sont là pour vous
défendre dans toutes les difficultés locales.
Qu'en est-il du compte épargne
temps ?
Un fond de financement a été créé. Cela signifie
qu'à échéance du compte épargne temps, un financement
assuré sera disponible pour permettre à la fois la prise en compte
du temps épargné et le remplacement dans le service durant l'absence
du praticien. Pour autant, compte tenu des difficultés de recrutement
actuel, on peut imaginer que chercher des remplaçants soit parfois une
gageure au moins à court terme. Dans cet esprit, le ministre a proposé
de porter de 7 à 10 ans le plafond du temps cumulé pour le compte
épargne temps, au total le praticien pourra bénéficier
d'un droit cumulé de 18 mois s'il verse la totalité de ces jours
épargnables pendant ces 10 années. Par ailleurs, le ministère
a proposé un système de bonification à hauteur de 10 %
du temps épargné.
Si nous continuons à penser que le principe du compte épargne
temps, de l'année sabbatique, de l'épargne de temps pour une retraite
anticipée qui peuvent être des éléments appréciables,
il ne reste pas moins que la fragilité des recrutements de remplacement
rend le système encore incertain.
Comment seront organisées les plages additionnelles ?
Au delà de la limite supérieure du temps de travail, le praticien
peut être amené, pour assurer la permanence des soins, à
effectuer des plages additionnelles. Le principe retenu serait celui d'un contrat
permettant aux responsables de service de proposer aux praticiens volontaires
des plages additionnelles. Celles-ci seront payées 300 euros pour deux
demi-journées Ce niveau de rémunération pose le problème
de la rémunération nocturne. Le ministère envisage en effet
cette indemnité de plage additionnelle à l'exclusion de l'indemnité
de sujétion de garde de nuit (250 euros). Cette présentation est
évidemment inacceptable. Il s'agit d'un des éléments de
désaccord actuel le plus fort.
Comment peuvent se réorganiser les plans de garde ?
On évalue à environ 1 million le nombre de gardes annuelles réalisées
dans les hôpitaux afin d'assurer la permanence de l'accueil et des soins
dans le cadre des missions de service public. Le budget consacré à
ces gardes est donc de 285 millions environ. La réorganisation des plans
de garde est nécessaire et justifiée. Ale est nécessaire
quant à la mise en adéquation des besoins de la population et
des compétences disponibles Ale est justifiée par la nécessité
de revoir le maillage territorial des organisations de garde et permanence des
soins. Le corollaire de cette réorganisation impose la nécessaire
reconnaissance financière du travail nocturne mais aussi la reconnaissance
nouvelle des astreintes L'astreinte médicale sera, selon la directive
européenne, intégrée au temps de travail à partir
du moment où elle déclenche un travail sur place. Outre que le
fait que cette intégration pose de nombreux problèmes techniques
non résolus, la notion de travail sur place va perdre de sa clarté
avec le développement de la télémédecine et le développement
des moyens modernes de communication et notamment de transferts d'images. C'est
la raison pour laquelle nous souhaitons une profonde réorganisation du
système des astreintes. Les astreintes pourraient être forfaitisées
en deux niveaux. Lorsqu'il s'agit d'interventions rares, l'astreinte serait
financée à hauteur de 50 euros. Ce chiffre correspond au niveau
de reconnaissance acceptée par la Caisse Nationale d'Assurance Maladie
pour les médecins généralistes lorsqu'ils participent à
la permanence des soins. Chaque fois que les interventions seraient considérées
comme suffisamment fréquentes, s'ajouterait, dans des conditions contractuelles
en une indemnité forfaitaire liée à l'action médicale
pendant la période d'astreinte. Seraient ainsi forfaitairement indemnisés
les appels et avis téléphoniques, les avis rendus sur place après
déplacement, les actes médico-techniques... Le contrôle
de l'activité devrait être fait à posteriori. L'évaluation
pourrait permettre au commission des gardes de disposer chaque année
des activités réellement réalisées afin d'apprécier
les termes et les évolutions du contrat. L'indemnité forfaitaire
serait fixée à 125 euros. Cette revalorisation appréciable
des astreintes aurait en corollaire le renoncement dans certaines limites à
intégrer dans le temps de travail les actions médicales déclenchées
lors de cette astreinte. Naturellement, i l serait nécessaire de prévoir,
comme actuellement, une transformation en garde sur place à partir du
moment où l'action entreprise dépasse une limite prévue.
Qu'est-ce qu'un service organisé en temps médical
continu ?
Cette question soulève des interprétations diverses. Pour certains, il s'agit de faire référence au texte réglementaire qui définit comme service à soins continus la réanimation, l'anesthésie, l'obstétrique (à plus de 2000 accouchements par an), les urgences... Cette analyse ne peut pas être satisfaisante. Si chacun s'accorde pour indiquer qu'un service de réanimation répondant aux textes réglementaires actuels est forcément organisé en soins continus, il n'en est pas obligatoirement de même, par exemple, d'un service d'anesthésie. En effet, tous les services d'anesthésie de France et de Navarre, par exemple, n'ont pas obligation à fonctionner 24 heures sur 24 heures 365 jours par an sur le simple argument qu'il s'agit de service d'anesthésie. De plus, des activités médicales telle la chirurgie, la pédiatrie, la psychiatrie peuvent exiger en fonction des missions de l'hôpital concernées et des organisations nécessitaient une organisation en soins continus. Cela signifie donc que l'organisation de la permanence des soins et l'organisation des services doit avoir une définition adaptée aux organisations locales. Par ailleurs, à partir du moment où une réflexion a lieu par zones géographiques définies par des territoires ou des bassins de population, la notion de soins continus doit aussi être réfléchie en fonction du maillage à l'intérieur de ces territoires.
Comment se finance l'ensemble de ces
mesures ?
A cette question, on peut probablement répondre sans se tromper mal ou
insuffisamment. En effet, depuis plusieurs années, les mesures actées
au plan national dérivent sur le terrain faute de financement suffisant.
La fongibilité des enveloppes aboutit par définition à
la disparition des enveloppes ciblées. Le ministère évalue
à la louche le coût des mesures. L'ARH estime que le financement
est insuffisant et que toute façon ces priorités régionales
sont différentes L'établissement accumule les déficits,
certains directeurs utilisent d'ailleurs cet argument de façon plus ou
moins justifié pour limiter la mise en ceuvre des accords nationaux.
Une des questions est alors de savoir si ces accords nationaux doivent être
un outil supplémentaire des restructurations. Concrètement, et
selon les informations officielles du Ministère, Au titre de 2002, 106
millions d'euros ont été distribués aux régions
(circulaire N ° 425 du 26 juillet 2002). Ces crédits sont censés
servir à financer :
- Les primes d'engagements des assistants, à hauteur de
18 millions d'euros (17 %) ;
- La revalorisation des déplacements en astreinte à hauteur de
23 millions (22 %) ;
- La création de 1 000 postes au titre de 2002 ou le paiement sur la
base de 300 euros du quart des jours de RTT n'ayant pas pu être pris,
et ce de façon non reconductible, à hauteur de 65 millions (61
%).
Pour 2003, 122 millions d'euros sont distribués aux régions. Il
n'a pas été donné d'instructions aux ARH pour la répartition
de ces crédits au sein de leur région. Ils doivent servir à
financer :
- la création de 1 000 postes au titre de 2003, à
hauteur de 77 millions ;
- les plages de sujétion ;
- les plages additionnelles.
Petit calcul additionnel : Soit à la louche
20 000 PH. Chacun doit travailler 207 J Cela correspond à 4,14 millions
de journées travaillées La durée actuelle moyenne de travail
est de 52 heures en moyenne (source DRS soit 10 % au delà du seuil maximum.
Le nombre de plage additionnelles pour les seuls PH est donc d'environ 400000
soit à 300 euros chaque une, 120 millions d'euros Les crédits
alloués sont de 45 millions en 2003 pour l'ensemble des statuts.. ?