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La réorganisation de l'hôpital

vue par le Pr Jean-Michel Dubernard

(UMP) président de la Commission des Affaires Sociales de l'Assemblée Nationale


Officiel Santé - Aujourd’hui, un chef de clinique choisit neuf fois sur dix de poursuivre sa carrière dans le privé où il touchera un salaire deux à cinq fois supérieur que dans le public ; comment selon vous redonner de l’attractivité à l’hôpital public ?
Jean-Michel Dubernard - Certes, le niveau de rémunération n’est pas une question anodine, même si la différence entre le privé et le public n’est pas toujours et pour tous aussi grande que vous le dites quand y on regarde de plus près, et que par ailleurs le delta est important par comparaison avec d’autres pays européens. Mais c’est bien l’attractivité de la carrière dans le public qui est le problème. Les jeunes que j’ai l’occasion de rencontrer témoignent d’une perte d’intérêt vis à vis d’une carrière à l’hôpital à cause de la surcharge de tâches administratives qui diminue d’autant la place de la recherche fondamentale et clinique. Au total, tout ce qui a poussé une génération, la mienne, à ne même pas songer à aller dans le privé puisqu’il était évident que la médecine de pointe se faisait dans le public, n’existe plus. A mons sens, c’est l’organisation de l’hôpital qui est en question.


OS - Justement, un groupe de travail sur l’organisation de l’hôpital s’est créé au sein de la commission des affaires
sociales…

J.M. D. -Oui, c’est une décision que j’ai prise d’emblée, et dont la nécessité a été bien comprise par les députés. Les premières conclusions de ce groupe de travail seront rendues publiques le 19 mars.


OS - Sur le fond, quelles sont pour vous les réorganisations structurelles à entreprendre ?
J.M. D. -
Historiquement, on est parti dans les années 50 de gigantesques services dirigés par des mandarins ; ce type de structures a perduré avec les ordonnances de 58, et elles ont permis le rayonnement de la médecine française. Par la suite, les grands services de 80 ou 120 lits ont été démantelés, parce que cela arrangerait bien à la fois l’administration et les médecins qui préféraient être chef de service qu’assistant. La situation actuelle n’est plus tenable ; il y a une inertie et un manque de coordination qui font du tort à tout le monde. Pour moi, les services doivent se fondre (et non pas forcément disparaître…) dans des pôles de compétence et de responsabilité plus larges qui permettront de retrouver la réactivité et l’efficacité qui nous manquent.


OS - Nous sommes attachés à ce que les nominations des chefs de service dépendent d’un avis de compétence national ; quelle est votre position sur ce sujet ?
J.M. D. -
Pour moi, tout est ouvert, je pense que ce n’est pas le problème de savoir si les chefs de service sont nommés par le ministre ou le conseil d’administration de l’hôpital ; concernant le coordinateur du pôle, il devrait être nommé par ses pairs pour accomplir un ou deux mandats de trois ans.


OS - Nous avons entendu, de la part de membres de la majorité, des remises en cause du fonctionnement de la CME et le souhait de l’ouvrir à des « personnalités extérieures ». Etes-vous favorable à la préservation d’un pouvoir fort de la CME dans sa forme actuelle?
J.M. D. -
Je pense que le pouvoir de la CME doit être renforcé puisque jusqu’à nouvel ordre c’est la seule instance qui représente les médecins, même si l’élection du président de la CME au consensus me paraît discutable puisque tout ce qui est consensuel est par définition exclusif de tout ce qui est à la marge. Mais à côté de la CME, on doit absolument aussi réintroduire une hiérarchie médicale ; nous en avons besoin et il n’y a pas d’exemple d’autres pays où cette hiérarchie n’existe pas.

OS - Du fait de l’idéologie de certains cercles de pouvoir, le statut social et symbolique des médecins est sans cesse dévalorisé. Le dernier exemple en date est l’affaire du décret sur les directeurs de soins ; quel est votre position sur ce sujet ?
J.M. D. -
C’est une tendance qui se précise avec les années que celle de la perte de pouvoir des médecins sur les affectations des personnels non-médicaux. Pour moi, ce qui ne se discute pas une seconde, c’est qu’un directeur de soin ne peut être nommé sans l’avis du médecin coordinateur d’un pôle de responsabilité, et pas tant du chef de service actuel. Concernant les directeurs de soins infirmiers en particulier, leur champ d’intervention dépasse celui d’un seul service. La première chose à faire c’est d’éviter que se développe les mêmes conflits de pouvoir entre les médecins et les infirmiers que ceux qui ont pu avoir cours avec l’administration, parce que on rentre là dans un jeu où l’on est perdant à coup sûr…


OS - Dans la santé comme ailleurs, on parle beaucoup de décentralisation. Mais pour nous, cette décentralisation nécessite obligatoirement pour éviter les conflits d’intérêt une centralisation des organes de contrôle ; êtes-vous d’accord ?
J.M. D. -
Je suis en faveur de la régionnalisation ; c’est le seul moyen pour rendre notre système de santé plus efficace. Les ARH constituent un progrès indiscutable et reconnu, et l’évolution naturelle et souhaitable est d’aller maintenant vers des ARS (Agences Régionales de Santé). Dès lors, il est évident que les instances d’évaluation et de contrôle doivent bien être indépendantes et nationales.


OS - Parmi les « points noirs » qui persistent dans le statut du personnel hospitalo-universitaire, nous voulons insister sur la part importante des revenus non pris en compte pour le calcul de la retraite…
J.M. D. -
Effectivement, ces personnels sont pénalisés dans leur retraite ; c’est une anomalie qui devra être corrigée.


Propos recueillis par Norbert Skurnik
président du syndicat des psychiâtres de secteurs
et Gilles Aulagner
président du SNPHPU.

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