Enquête sur les médecins étrangers dans nos hôpitaux
La presse grand-public s’intéresse au nombre croissant de médecins
étrangers dans les hôpitaux publics. Normal, puisque les patients
se rendent compte de leur existence, non sans un certain étonnement.
Pour ceux qui ne seraient pas au courant, l’article du Point commence
fort avec le témoignage d’une jeune mère à qui un
médecin libanais
d’une maternité explique « dans un français hésitant
» comment elle doit s’occuper de son bébé, et se poursuit
sur celui d’une jeune femme admise aux urgences à qui « un
charmant médecin coréen mime les gestes qu’elle doit faire
pour se soigner ». La suite est moins spectaculaire - l’hebdomadaire
précise que « certains de certains de ces médecins parlent
parfaitement français, d’autres non » - et réalise
un honnête tour d’horizon du problème. C’est d’abord
un chef de service de l’hôpital Louis Mourrier
(Colombes ) qui prévient « sans eux, on peut dire adieu aux services
de pédiatrie, de psychiatrie, de radiologie. Même les gardes d’anesthésie
ne seraient plus assurées ». C’est ensuite le constat que
les médecins étrangers réalisent 70 % des gardes à
l’hôpital alors qu’ils ne représentent que 15 % des
effectifs de la médecine hospitalière.
Abonnés aux gardes - pour lesquels « un décret stipule que
les vacataires étrangers peuvent êtres payés 50 euros de
moins que les attachés français » - les attachés
associés « bénéficient » de conditions de travail
et de salaires au rabais par comparaison à leurs collègues français.
« Injuste ? » s’interroge l’hebdomadaire avant de revenir
sur la création du PAC en 1995, et les objectifs d’intégration
posés par la loi de modernisation sociale en 1999. Des objectifs qui
ne sont pas atteints puisque
aujourd’hui, selon l’hebdomadaire, « 2500 attachés
associés occupent toujours des emplois précaires, et sur les 5800
médecins ayant réussi le PAC, seuls 1 800 ont obtenu une affectation
». Interrogé sur ce point, Jérôme Antonini, adjoint
au responsable du personnel de l’AP-HP déclare : « nous sommes
une entreprise comme
une autre, nous ne pouvons pas créer des postes à tour de bras
». Si les hôpitaux français sont obligés de faire
appel à des médecins étrangers, c’est bien entendu
la conséquence d’une « sélection drastique de nos
médecins hospitaliers », rappelle François Aubart, président
de la CMH, qui souligne que le déficit ne peut que s’aggraver avec
les départs en retraite, les 35 heures, et surtout la désaffection
des jeunes médecins écoeurés par les conditions de travail
à l’hôpital. Si la conclusion va de soi -
l’augmentation du numerus clausus - » il faudra attendre une quinzaine
d’années l’arrivée des jeunes diplômés
français, et d’ici là trouver des bars pour faire tourner
les services » dans une situation où » la loi interdit tout
recrutement de médecins étrangers n’ayant pas exercé
avant 1999 et alors que le nouveau statut promis par Bernard Kouchner se fait
toujours attendre aussi bien pour les praticiens français que par leurs
homologues étrangers » relève opportunément l’hebdomadaire.
Alors ? « Les hôpitaux français ne peuvent pas vivre sans
les médecins étrangers, mais leur recrutement doit se faire à
égalité de droits, de devoirs et de compétences »
résume François Aubart comme la ligne de conduite à adopter.
Mais cette position réaliste et acceptable pour tous se heurterait, selon
Patrick Weil, directeur de recherches au CNRS, « à une administration
française qui, sous la droite comme sous la gauche, n’a jamais
vu d’un bon oeil l’immigration qualifiée dont elle craint
qu’elle puisse rentrer en concurrence avec ses élites ».
Preuve en est que la France reste l’un des pays où le plus grand
nombre d’emplois sont interdits aux étrangers: « la médecine
sera-t-elle la première bastille à tomber ? « s’interroge
en conclusion l’hebdomadaire. Mais en fait, s’agissant de la médecine
hospitalière, les faits sont têtus et la révolution est
déjà en marche. Les chiffres clefs : Parmi les 10 000 médecins
à diplômes étrangers exerçant dans les hôpitaux
français, on recense :
- 477 faisant fonction d’internes (FFI) à l’AP-HP,
présents pour une durée de eux ans maximum.
- 2 500 attaché-associés, payés 44 euros la vacation
(11 au maximum par semaine) et 195 euros la garde (contre 237 euros pour les
attachés français).
- 300 assitants associés, titulaires d’un CDD de deux ans
renouvelable deux ans et payés 2 200 euros brut par mois.
- 5600 titulaires du diplôme de Praticien adjoint contractuel, dont
1 800 ont obtenu un poste. Les PAC ont la possibilité de passer le dipôme
de PH; ils sont 2 000 à l’avoir réussi, mais seuls 700 ont
été titularisés à ce jour.
Le Point n° 1582
10 janvier 2003