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POURQUOI LES HOSPITALIERS DOIVENT SE PREOCCUPER DE L’AVENIR DE L’ASSURANCE MALADIE ?


Comme chacun sait, la création de la sécurité sociale a permis depuis 50 ans de financer par la solidarité la maladie, la retraite et la vieillesse. Les salariés d’une part, les employeurs d’autre part disposent par leurs cotisations, d’une masse financière considérable répartie ensuite en fonction des risques qui sont à priori non sélectionnés.

Avec le temps, avec la politique d’allégement des charges, avec le développement du chômage, avec l’augmentation des dépenses, le financement de la « sécu » est devenu plus précaire. La part laissée aux familles et aux malades a augmenté (ticket modérateur, forfait hospitalier journalier …). Les mutuelles et les assureurs ont proposé leur service en complément de cette insuffisance de financement. Et depuis 20 ans, on a assisté à la même ritournelle : chaque ministre à son arrivée constate l’importance du trou de la sécurité sociale et se félicite d’avoir, en grande partie ,équilibré les comptes grâceà son action jusqu’à l’arrivée du ministre suivant où le trou réapparaît et où la ritournelle repart.


Dans le même temps, le financement de la sécurité sociale et sa gestion même se sont trouvés transformés. Aux cotisations des salariés et des employeurs, s’est substitué, pour une partie, un financement du budget de l’état (la fameuse CSG). L’état devenu pour partie financeur est devenu plus directement intervenant. Enfin la gestion paritaire de la sécurité sociale s’est trouvée fragilisée par le départ de son conseil d’administration des représentants des employeurs (MEDEF).

La crise est donc maintenanté évidente ; il s’agit d’une crise de financement et de pilotage. Pour sortir de la crise le concept à la mode est celui du panier de biens et de services. Il s’agirait en fait de trier parmi les risques encourus. Pour les promoteurs de ce concept, les maladies et affections pourraientê tre séparées tel le bon de l’ivraie. On définirait ainsi les pathologies, les risques qui relèveraient de la solidarité nationale et seraient pris en charge par la sécu et ceux qui n’en relèveraient point. Derrière, les assureurs et les mutuelles pourraient alors intervenir pour assurer les risques non couverts par l’assurance maladie. Ils ne le feraient pas comme qu’actuellement en complément de la sécu, mais bien en remplacement de celle-ci.


En théorie, chacun peut admettre qu’il existe entre les maladies relevant de la solidarité et celles qui pourraient justifier une prise en charge plus personnalisée, certains choix possibles. Mais lorsque l’on passe de la théorie à la pratique, les choses peuvent être diaboliques. Est-il acceptable, comme certains le proposent, que les soins dentaires et les soins oculaires soient délégués aux assureurs sous prétexte qu’ils sont déjà forts mal pris en charge actuellement. N’est-on pas là au cœur de problèmes de santé publique ? Mais plus généralement, et si l’on songe à l’hôpital, une telle évolution apparaît comme inacceptable. Le financement de l’hôpital va évoluer vers une tarificationàl’activité. Certaines activités seraient alors reconnues comme devant être prises en charge par la solidarité, d’autres non. Les assureurs sélectionneraient alors ces activités, ils sélectionneraient bien évidemment les praticiens, les hôpitaux ou les cliniques pour les prendre en charge et accessoirement sélectionneraient les patients par leurs capacités ou non de cotisation.


Il est évident qu’une telle évolution entraînerait ipso facto à un véritable tri au sein des professionnels et des patients contraire à la tradition de l’hôpital public en France. Dans ce contexte, les médecins se verraient tout à fait subordonnés, dans les règles de droit privé, aux véritables employeurs qui seraient les assureurs. On voit d’emblée les pressions et les contrats léonins qui seraient établis entre les professionnels médicaux et les assureurs.


Les hospitaliers doivent être acteurs du débat. Il y a le débat peut-être un peu théorique sur l’étatisme ou le paritarisme de la régulation du système. Il y a surtout la nécessité de créer une structure de pilotage qui impose un respect d’objectifé thique et solidaire vis-à-vis de la maladie.


En tout état de cause, les choses doivent changer. De nouveaux équilibres doivent être trouvés. L’état providence n’est plus réalité mais il y a une limite, une ligne jaune qu’en aucune façon nous n’accepterions de franchir qui est celle de voir arriver les assureurs sur le champ de l’assurance maladie avec un remboursement au 1er euro concernant des maladies et des malades captifs.


F. Aubart


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