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la prévention de la iatrogénie doit se faire sur le modèle des infections nosocomiales
par le Professeur Marie Christine Woronoff-Lemsi, CHU Besançon


Officiel Santé - En quoi ce rapport dont vous êtes la cosignataire diverge-t-il de celui de la cour des comptes ?
M.C. Woronoff-Lemsi - Nous n’avons pas souhaité focaliser sur l’augmentation des dépenses de médicaments. Certes, ces dépenses augmentent mais il faut pondérer les chiffres avancés par la cour des comptes, pour tenir compte des produits (comme les dérivés du sang) qui n’étaient pas auparavant inclus dans le budget médicaments des hôpitaux. Les hôpitaux sont le siège de l’innovation et il est inéluctable qu’ils utilisent les nouvelles molécules plus modernes qui remplacent les anciennes. Le fait est qu’elles sont plus chères…


Parmi vos recommandations, il y a celle d’adapter le code des marchés publics, et la constitution de groupements d’achat

Oui, le nouveau code des marchés publics ne rendait plus attractif les groupements d’achat et il est donc improductif ; heureusement il est en cours de modification. Nous proposons, comme la cour des comptes, que des pharmaciens de CHU puissent être nommés comme expert en achat auprès des groupements qui devraient se constituer selon nous soit au niveau départemental, soit régional, ou même par type d’établissements.


Vous jugez prioritaire le développement d’un circuit sécurisé du médicament. Comment faire pour que ce ne soit pas un vœu pieux ?

Il faut un signal national fort sur cette question. La prévention de la iatrogénie doit se faire sur le modèle de celle des infections nosocomiales. Les ARH doivent imposer un volet pharmacie dans leur démarche. Le point d’entrée de la sécurisation du médicament, c’est l’informatisation de la prescription. L’enjeu, c’est de généraliser la dispensation nominative et non plus au service, comme cela se fait déjà avec succès dans certains centres pilotes.


Vous réclamez une « structure pilote » au niveau national ; pourquoi ?
Cette proposition est reliée au constat d’une pluralité d’acteurs qui interviennent dans le champs du médicamentà l’hôpital. Un pilote unique, central et clairement identifié pourrait être beaucoup plus productif.


Vous évoquez aussi « la responsabilisation des acteurs » pour une « juste prescription ». Par quels moyens?

La formation continue des médecins est presque entièrement assurée par les laboratoires pharmaceutiques. Ce n’est pas une critique contre eux que de le souligner, car ils le font avec beaucoup de professionnalisme, mais cela poseé videmment des problèmes, par exemple d’inégalités entre les spécialités : celles où il y a peu de produits, comme la radiothérapie, bénéficient de moins d’opportunités pour se former.
En un mot, nous avons besoin d’une formation continue médicale et pharmaceutique garantie et autonome. De plus, la responsabilisation des acteurs intègre une dimension éthique, parce que l’aspect économique de la prescription ne peut pasê tre pris en charge uniquement par l’administration ; le corps médical ne peut pas se couper des problèmes éthiques liés aux choix et à l’allocation des ressources, en négligeant les contraintes économiques.


On en revient au problème économique et aux risques de restriction et d’inégalités de prescription entre les établissements…

Un système de gradation des soins entre les établissements apparaît logique ; c’est la démarche qui prévaut dans les réseaux. L’arrivée des innovations thérapeutiques d’abord dans les CHU est cohérente. La question est de savoir au bout de quel délai la diffusion plus large a lieu, si elle doit avoir lieu, et pendant combien de temps une « innovation » en est-t-elle une ?
Cela permet de proposer leur évaluation dans les conditions réelles d’utilisation. De ce point de vue, l’accord cadre signé entre l’Etat et l’industrie pharmaceutique (le LEEM) pose de bons jalons.


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