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Questions à Bernard Kouchner

Dans le dossier de la RTT, quelles sont aujourd’hui les propositions exactes (chiffres de PH et d’assistants, calendrier) du
gouvernement en matière de création de postes de praticiens dans le service public hospitalier ?


Le cadrage national relatif à l’application aux médecins pharmaciens biologistes et odontologistes hospitaliers de l’aménagement et de la réduction du temps de travail a été signé par les quatre inter-syndicats le 22 octobre dernier. Je me félicite qu’un accord ait pu être trouvé préservant l’esprit de la profession médicale au-delà des tentions qui ont pu apparaître au cours de la négo ciation. Aux termes de cet accord, 2000 postes hospitaliers seront créés dans les deux prochaines années dont au moins la moitié de praticiens hospitaliers. Au-delà, un bilan sera réalisé avec les signataires afin de déterminer ensemble comment se poursuivent les créations et selon quelles modalités. A ce jour, un besoin estimé de 3500 postes apparaît pour une mise en oeuvre complète de l’ARTT pour les personnels médicaux hospitaliers.

L e financement de la RTT se traduit-il, dans l’esprit du gouvernement, par la disparition des deux lignes ,budgétaires spécifiques allouées à la rétribution des gardes et à la prime d’exclusivité de travail dans le service public ?

Il faut tout d’abord être très clair quant au devenir de la prime d’engagement de service public exclusif. Celle-ci, mise en place à l’issue du protocole du 13 mars 2000, est destinée à reconnaître l’investissement à temps plein pour le service public hospitalier des prati-ciens qui n’exercent pas leur droit statutaire à avoir une activité libérale. Il n’y a rien de changé du fait du cadrage national relatif à l’ARTT. Cette indemnité continuera à être servie aux praticiens selon les mêmes modalités. Concernant la rétribution des gardes, celles-ci correspondent effectivement actuellement à un budget qui est bien sûr conservé, dans la mesure où l’activité de garde demeure. Et même si les gardes sont inté-grées dans le temps de travail, les plages travaillées pendant la nuit, le week-end ou les jours fériés bénéficieront d’une indemnité de sujétion particulière. Lorsque le concept de garde aura disparu, au 1 er janvier 2003, il sera de fait rem-placé par une notion nouvelle de sujétion particulière. Il y aura de ce point de vue une certaine continuité malgré le changement.


Le principe d’une rétribution supplémentaire du travail de nuit des praticiens hospitaliers est désormais acquis. Or il se trouve que, pour 4 praticiens sur cinq, ce travail de nuit s’effectue sous le régime des astreinteset non pas de la garde. Le gouvernement prévoit-il un budget pour la rémunération des astreintes, et entend-t-il les revaloriser au même titre que les gardes ?

Les astreintes correspondent effectivement à un élément important de la permanence des soins, réalisée grâce à un engagement des médecins d’être joignables et de pouvoir se déplacer de leur domicile. Le mécanisme d’indemnisation de cette contrainte ne changera pas du fait de l’accord du 22 octobre. En revanche, lorsque les praticiens seront amenés à se déplacer au cours de cette astreinte, une revalorisation significative de la rémunération sera octroyée (61 euros par déplacement au lieu de 50 actuellement). Cet effort cor-respond à une meilleure recon-naissance du travail effectif fait au cours de ces périodes d’astreinte. Par ailleurs le temps passé en astreinte sera intégré au temps de travail des praticiens et sa rémunération sera soumise à l’ensemble des cotisation qui y sont attachées, cotisation retraite notamment.

Toujours à propos de la RTT, y a t-il des dispositions prévues pour les autres catégories de praticiens (exerçant à temps partiel, contractuels…) et si oui lesquelles ?


Le cadrage national signé concerne l’ensemble des praticiens hospitaliers à temps plein mais aussi les praticiens exerçant à temps partiel, les praticiens contractuels, les praticiens adjoints contractuels ainsi que les assistants y com-pris associés. Par ailleurs, ce cadrage concerne toutes les catégories de personnes possédant ces statuts. Il peut donc s’agir de médecins mais également de pharmaciens, de biologistes ainsi que d’odontologistes.

Le dossier de la RTT est pour nous une bonne occasion de repenser la question du temps à l’hôpital , en n’omettant pas ce temps commun, partagé entre les personnels médicaux et non-médicaux autour et à propos du patient. Comment, selon vous, cela peut-il se traduire en terme d’organisation ?


Le travail qui va désormais avoir lieu au niveau de chaque établissement va être l’occasion d’une réflexion approfondie concernant les organisa-tions du travail dans nos hôpitaux. Cette réflexion locale peut désormais s’appuyer sur deux protocoles nationaux : l’un pour les salariés de la fonction publique hospitalière, l’autre pour les professionnels médicaux. Je souhaite qu’au niveau des établissements, ce moment important que va constituer la mise à plat des organisations médicales et soignantes soit aussi l’occasion de mettre ensemble autour de la table dans les groupes projets locaux à la fois les personnels soignants et les médecins. Je connais les cloisonnements qui peuvent exister entre des logiques différentes. Cepen-dant, la présence de représen tants des médecins dans la commission de soins infirmiers ou la représentation des personnels au sein des CME constituent déjà en esprit une ébauche de ce travail en commun nécessaire au niveau des hôpitaux. J’espère que sous l’impulsion des représentations institutionnelles des hôpitaux, des CME notamment, pourront se mettre en place dans un grand nombre de cas de telles instances mixtes réfléchissant ensemble à l’occasion de cette démarche RTT.


Les dispositions de la loi que vous avez présentée au parlement sur l’accès au dossier médical par le patient ont le grand mérite
de le reconnaître dans ces droits légitimes. Néammoins, il n’y a pas de droits sans devoirs et cela ne nécessite-t-il pas de concevoir, au-delà d’un texte législatif, un travail de pédagogie en profondeur qui s’adresse aux patients… mais aussi aux médecins dont on sait que beaucoup sont attentistes, voire réservés sur ces questions ?


Pour ce qui concerne les professionnels de santé, ce travail de pédagogie est prévu dans le cadre de la réforme de la for-mation
initiale des professionnels de santé grâce à la mise en place de modules de formation spécifique. Il est en outre prévu que des recommandations de bonnes pratiques soient élaborées par l’ANAESs’agissant des pratiques de délivrance de l’information.La formation et l’information des patients sont notamment assurées par les associations de malades. C’est pourquoi le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé prévoit que leur rôle dans le système de santé soit accru. D’une part, les conditions d’exercice de la représentation sont favorisées (droit reconnu à la formation, droit à un congé de représenta-tion, exercice de la partie civile). D’autre part, les associations agrées de malades qui participent déjà aux conseils d’administration des hôpitaux siégeront dans de nombreuses structures : commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge, conseil scientifique de l’ANAES, conseil d’administration, collège d’accréditation, conseil d’administration de l’Institut National de Prévention et de promotion de la Santé, conférence nationale de santé, commission régionale de conciliation d’indemnisa-tion des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (article 59), conseil des professions paramédicales.


A propos de démographie médicale, le numerus clausus vient d’être porté à 4 700. D’après le rapport publié par la DGS, il s’agit là d’un seuil qui permet tout juste de viser la densité médicale des régions aujourd’hui les plus mal loties… faut-il donc comprendre ce chiffre de 4 700 comme un objectif ou un palier ?


L’augmentation du numerus clausus pour l’année universitaire 2001-2002 correspond en effet à une augmentation signi-ficative de 600 places offertes aux étudiants de médecine. Comme vous le soulignez, c’est une étape importante pour nous permettre d’antici-per sur la diminution des effec-tifs médicaux qui est suscepti-ble de se produire, à l’horizon des années 2010. Le rapport de la DGS fait de ce chiffre de 4700 un plancher pour l’avenir. Les réflexions que nous allons maintenant mener avec les professionnels nous permettrons de procéder ultérieure-ment aux ajustements néces-saires. Je suis cependant convaincu qu’il s’agira bien d’un palier et non pas d’un objectif.


La démographie médicale ne se résume pas à des chiffres, mais porte aussi un projet politique qui se révèle dans des choix, des arbitrages entre ville et hôpital , public et privé, comme entre les disciplines médicales et les disciplines professionnelles ; sur l’un et l’autre de ces plans où se situe les « bons » équilibres que vous entendez promouvoir ?


Votre question est très reliée à la précédente. Il est bien évident que la situation actuelle nous montre d’ores et déjà que le problème de la démographie médicale est davantage lié à des différences d’attractivité entre modes d’exercice ou entre régions qu’à une réelle insuffisance démographique dans certaines spécialités. Les évolutions rapides des pratiques professionnelles, je pense notamment à la construction des réseaux que je souhaite voir se développer en cancérologie, en périnatalité ou encore en santé mentale, modifieront de façon significa-tive les relations entre les patients et leur système de santé ainsi qu’entre les professionnels de santé. De même, la revalorisation forte de la médecine générale portée par la réforme du 3e cycle en cours de mise en oeuvre va inévitablement con-duire à reposer la question de la place du généraliste dans l’ensemble du dispositif d’ac-cès aux soins. Tous ces éléments seront à prendre en compte pour définir les « bons équilibres » tels que vous les évoquez. Sur tous ces sujets c’est un travail avec les professionnels qu’il faut conduire car c’est une vision partagée de l’organisation de la médecine
de demain qu’il nous faut construire. Elle ne peut pas se décréter au ministère.


Vous avez répondu favorablement à la proposition de la CMH en faveur d’un « Ségur de la démographie médicale » ; quand comptez-vous l’organiser et quel contenu lui donnerez-vous ? Nous recevons actuellement au ministère les prises de position des différentes organisations professionnelles auxquelles ont été adressées le rapport sur la démographie médicale dont nous parlions.Je suis d’ailleurs à ce propos relativement étonné de voir qu’assez peu de prises de position ont suivi la publication de ce rapport.

Je compte effectivement organiser une journée d’étude nationale sur la démographie médicale au ministère de la santé. Par ailleurs, un observatoire de la démographie médicale et des exercices professionnels est également en cours de constitution, répondant également en cela à une demande forte des différentes représentations professionnelles.

 

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