Plusieurs rapports ont été écrits sur la
chirurgie française. Ma situation privilégiée
de chirurgien hospitalier, ayant eu une activité libérale
et plus récemment de parlementaire m'a valu la confiance
de Jean Français Mattéi, Ministre de la Santé
qui m'a confié une mission d'expertise sur la chirurgie
française. J'ai demandé à Henri Guidicelli,
dont le rapport de 1995 avait annoncé les pistes de la
mutation chirurgicale, de partager ce travail.
Nous avons basé notre travail sur de multiples auditions
des acteurs de tous les secteurs sanitaires et techniques impliqués
dans la chirurgie française, des visites des ARH de plusieurs
régions sanitaires, des visites de nombreux hôpitaux
et cliniques. Nous demandons à ceux qui n'ont pas été
entendus de nous excuser. Nous remercions tous ceux qui nous
ont consacré leur temps précieux de trouver dans
ce travail notre reconnaissance et souhaitons ne pas avoir trahi
leur pensée.
Au moment ou chirurgiens, obstétriciens, établissements
MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) sont en
crise, nous avons souhaité analyser les raisons de cette
crise en vue de proposer des solutions innovantes. Ce n'est
que dans des situations d'extrême tension que de vraies
réformes peuvent être mises en place. Nous espérons
éclairer par nos remarques et par les pistes de travail
que nous avons formulées les décisions du ministre.
AUDITIONS
M. MOINARD Daniel
Directeur Général des Hôpitaux
de Toulouse
Hôtel Dieu
Guy VERGNES,
Directeur général du CHU de Montpellier
Conférence des directeurs d'hôpitaux
Docteur Jean-Charles ODIN
Hopital La Timone
Cécile Moreau
HB Conseil
Pr Roland PARC
Hôpital St Antoine
Président du CNU de chirurgie générale
Docteur JF REY
Docteur Serge LARUE CHARLUS
Dr. Alain Noël DUBART
représentant de l'Union Nationale des Médecins
Spécialistes Confédérés
(UMESPE)
M. PONSEILLE Max
Président de la Fédération Hospitalière
privée
Professeur Jean-Pierre BETHOU
Service de chirurgie générale et thoracique
Hôtel Dieu,PARIS
Dr. Christine BARA
Direction hospitalière
Ministère de la Santé, de la Famille
et des Personnes Handicapées
Docteur MEURETTE Jacques
Clinique Saint Amé à Douai
Président de l'Union des Chirurgiens Français
Docteur Claude REGENSBERG
Union des Chirurgiens Français
M. Gérard VINCENT, Délégué
général de la FHF
Fédération Hospitalière de France
Pr Olivier BLIN
Service de Pharmacologie Clinique
CPCET
Hôpital La Timone
M. Alexis DUSSOL
Président de la Conférence Nationale
des Directeurs des Centres Hospitaliers (CNDC)
Centre Hospitalier
MONTAUBAN
Docteur Jacques POILLEUX
SNAM-HP
Centre Hospitalier Lisieux
Professeur Yvon BERLAND
Service de Néphrologie
Hôpital de la Conception
Dr François AUBART
Coordination Médicale Hospitalière
Docteur Thierry DUFOUR
Président du Syndicat des chirurgiens hospitaliers
(SCH)
Daniel BOUR
Président de la Générale de santé
Docteur HEISSLER
Chef de Service Orthopédie - Traumatologie
- Chirurgie du Rachis
Centre Hospitalier Laennec
Professeur Jacques BARBIER
Président de l'Académie nationale de
chirurgie
Professeur Guy VALLANCIEN
Chef du département d'urologie à l'institut
mutualiste Montsouris
Docteur Pierre FARAGGI accompagné de trois
personnes
Président de la Conférence des Hôpitaux
Généraux
Docteur Michel MARTY
Médecin Conseil Chef de service
Département hospitalisation du service médical
et médico-social
CNAMTS
Docteur LITRICO
Président de l'Intersyndicat National des Internes
des Hôpitaux
Olivier TOMA
Trésorier du Syndicat des Cliniques Spécialisées
en chirurgie, obstétrique, médecine
M. Frédéric SALAT-BAROUX
Secrétaire Général Adjoint de
la Présidence de la République
Palais de l'Elysée
Pr. BRUN Jean Gabriel
Syndicat Alliance
Pr; HOLLENDER
Académie de chirurgie
Thomas GREGORY
Président du Syndicat des Internes des Hôpitaux
de Paris
BOCHER Rachel
Intersyndicat National des Praticiens Hospitaliers
M. COUTY Edouard
Directeur de la la DHOS
Professeur Philippe MANGIN
Président de l'Association Française
d'Urologie (AFU)
Docteur Patrick DASSIER
Président du SNPHAR
Docteur REA Didier
Secrétaire général du SNPHAR
Docteur A.Bocca
SNPHAR
Docteur B. Chichignoud
SNPHAR
Professeur Christian MEYER
Association française de chirurgie
Mr. CANIARD
Vice-Président de la Mutualité Française
Mr. RATEAU
Mutualité Française
Professeur ROLLAND Jacques
Président de la Conférence des Doyens
Professeur. JL. ARNE
Société d'ophalmologie
Daniel BOUR
Générale de Santé
Christine BARA
Ministère de la Santé
Myriam REVEL
Mission plateaux techniques
Ministère de la Santé
Docteur.PERRIN
Mission plateaux techniques
Professeur X. Barral
Chirurgien cardio vasculaire
CHU Saint Etienne
VISITE DES ARH
RHONE ALPES
PACA
BOURGOGNE FRANCHE COMPTE
MIDI PYRENEES
LANGUEDOC ROUSSILLON
BRETAGNE
PAYS DE LOIRE
POITOU CHARENTE
REMERCIEMENTS
JL.Arné
Société d'ophtalmologie
Dr. Ph. Breil
Chirurgie digestive, Paris
Pr.Ph. Mangin
Association française d'urologie
PR. Hollender
Académie de Médecine
Dr. Caton
Secrétaire national SNCO
Pr. J.Beaulieux, Pr. B.Millat
Collège de chirurgie viscérale
Pr. G. Fourtanier
Secrétaire général SFCE
U.E.M.S
Pr. F. Pruvot
CHU Lille
Dr. JL.Dulucq
Chirurgie digestive
Clinique Bagatelle
Dr ; MF. Veran-Peret
Médecin général de santé
publique
Rhone-Alpes
Professeur P. Tournigand
Chirurgie vasculaire
CHU Marseille
Docteur P. Delannoy
Chirurgien des Urgences
CHU Grenoble
Tables des matieres
I°) POURQUOI LA CHIRURGIE FRANCAISE EST-ELLE EN CRISE
?
A) La crise de la chirurgie privée
1. L'image du chirurgien a été dévalorisée
2. Les revenus non proportionnés à la pénibilité
de la tache.
3. Le Kc n'a pas évolué depuis 8 ans (figure
1)
4. Augmentation des charges professionnelles
5. Judiciarisation de la profession
6. Une pénibilité incompatible avec la qualité
de vie.
7. Evolutions technologiques
8. La crise des structures
9. Des événements récents majorent la
perte de confiance
a) Le problème des assurances
b) Les aides opératoires
c) L'absence de relève chirurgicale : une démographie
en panne.
B)La crise de la chirurgie publique
1. Considérations générales
2. Les carrières peu attractives, rigides, invitant
parfois aux "démissions précoces"
3. La crise des structures
a) Dans les grands hôpitaux (Universitaires ou/et généraux)
b) La chirurgie dans les hôpitaux dits "de proximité"
pose d'autres problèmes
4. Les contraintes du service public
a) La non sélection des malades
b) le problème des urgences
C)La crise serait-elle moins aigue dans les PSPH ?
II°)LA DEMOGRAPHIE SOURCE COMMUNE DE DEMOTIVATION
A) Données générales
B) Données par spécialités
1. La chirurgie générale et viscérale
2. La chirurgie orthopédique
3. La chirurgie vasculaire
4. L'urologie
5. L'ophtalmologie
C) Etat de la chirurgie en Europe
III°) L'ANESTHESIE FACTEUR LIMITANT DE L'ACTIVITE CHIRURGICALE
?
IV°) LA ROBOTIQUE ET LES EVOLUTION TECHNOLOGIQUES AURONT-T-ELLES
UN IMPACT SUR LA DEMOGRAPHIE ?
1. Les robots chirurgicaux de démultiplication du geste
2. La neuro navigation et l'assistance informatique
3. Les gestes per cutanés
V°) LES SOLUTIONS PROPOSEES
A) REVALORISER LA CHIRURGIE
1. Dans le secteur Privé
a) Ils disent depuis trop longtemps que la NGAP n'est plus
adaptée
b) Il faut régler le problème des assurances
2. Dans le secteur Public
a) Méritocratie et centres de responsabilité
b)Redonner tout son poids au chef d'équipe
c)Evolution du statut de Praticien Hospitalier (PH)
B) PROPOSER UN NOUVEAU MODE D'ORGANISATION DE L'HOSPITALISATION
1. Une offre de soin trop dispersée : Poursuivre les
restructurations
2. Intensifier le rôle des réseaux
3. Décloisonner public/privé
4. Décloisonner universitaire et non universitaire
5. Le plateau technique plaque tournante de l'activité
chirurgicale
6.Le fonctionnement des blocs opératoires
7.La chirurgie ambulatoire
8.L'urgence
C) REORGANISER LA CHIRURGIE
1. L'observatoire régional de la chirurgie
2. La régulation de l'installation
3. Les carrières universitaires
4.L'obsolescence du DES de Chirurgie Générale
et la révision des maquettes
5.La formation chirurgicale en Europe
6. L'organisation de la formation continue et l'évaluation
des compétences
7. L'importation des chirurgiens étrangers
a) Donner les moyens de travailler aux chirurgiens en poste
b) Utiliser les chirurgiens à leur niveau de compétence
c) Utiliser tous les chirurgiens qui en expriment le désir
d)Des nouveaux métiers
D)OFFRIR UNE AUTRE IMAGE DE LA CHIRURGIE AUX JEUNES EN FORMATION
1. Offrir une autre perspective de vie aux plus jeunes
2. Organiser une campagne de promotion pour la chirurgie
3. Modifier le concours à l'internat
4. Augmenter et modifier le numerus clausus
E) CONCLUSION
F) FIGURES
G) TABLEAUX
H) REFERENCES
INTRODUCTION
La chirurgie française est en crise. Les raisons de
cette crise sont différentes selon les secteurs d'activité
chirurgicale et selon les spécialités. La chirurgie
générale et viscérale est au cur
même des difficultés de la profession. Les spécialités
médico chirurgicales paraissent mieux affronter les difficultés
actuelles que les spécialités exclusivement chirurgicales.
La gravité de la situation est due aux tensions qui existent
dans les deux secteurs d'activité public et privé
caractéristiques du système de soin français.
L'évolution de la société française
et les aspirations des chirurgiens comme de tous les français
nous permettent de penser qu'il s'agit d'une crise sociétale
profonde nécessitant une évolution des modes d'exercice,
seul moyen pour susciter des vocations. La crise des vocations
n'est pas spécifique à la France même si
elle paraît plus aigue que dans certains pays voisins
tels que l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne.
Les besoins en chirurgie sont en constante évolution.
L'augmentation de la durée de vie des français
permet d'envisager pour certaines spécialités
chirurgicales une augmentation des besoins pouvant atteindre
40% comme pour l'ophtalmologie. Au contraire, certaines interventions
chirurgicales sont remplacées par des gestes per-cutanés:
la pathologie coronaire est prise en charge par des cardiologues
plus souvent que par les chirurgiens cardiaques.
Anticiper pour répondre aux besoins de la population,
réorganiser l'offre de soin en fonction des besoins doit
constituer une priorité. Tenir compte des spécificités
locales en adaptant par région l'offre de soin aux besoins
et à la démographie chirurgicale répond
à un pragmatisme indispensable pour accompagner cette
mutation. Les chirurgiens ont évolué mais une
bonne partie du chemin reste à faire. Redonner confiance
à cette profession en plein désarroi, est le principal
enjeu de ce début d'année 2003. Croire qu'il ne
s'agit que d'une revendication salariale serait méconnaître
une bonne partie du problème. Nous avons besoin de chirurgiens.
La chirurgie française est au sommet de la hiérarchie
chirurgicale internationale au plan des innovations techniques.
Elle assure sur l'ensemble du territoire une qualité
de prestations homogènes inégalée dans
la majorité des pays d'Europe. Par qui serons nous opérés
demain ? et comment ? Tels sont les enjeux de la période
de mutation dans laquelle nous sommes.
Nous proposons une analyse de la crise ainsi que des solutions
dont nous avons défini, les niveaux d'urgence et de mise
en application. Certaines mesures peuvent être prises
immédiatement, d'autres doivent faire appel à
une plus grande concertation avec les acteurs afin de trouver
les solutions les mieux adaptées en terme de santé
publique, les plus coût/efficace pour les organismes payeurs
et pour la société, les moins meurtrières
pour la profession et les plus valorisantes pour restaurer les
vocations. Mais parler de l'avenir de la chirurgie sans évoquer
l'organisation et les évolutions de la discipline d'anesthésie-réanimation
serait occulter une grande partie des problèmes et des
solutions potentielles. Nous aborderons aussi cet aspect.
En préambule, il nous est apparu intéressant de
vous transmettre ce que pensent les futurs chirurgiens de la
situation de la chirurgie en France. Témoignage.
ETATS D'AME D'UN INTERNE PAS ENCORE DEMOTIVE
En cette époque de nouvel an, la période est
propice aux rétrospectives des faits marquants de l'année
qui vient de se clore. Alors en chirurgie me demanderez-vous
? Quel est-il ce fait marquant ? Peut-être est-il curieusement
passé totalement inaperçu. Non il ne s'agit pas
d'une prouesse technique, ni même d'une révolution
thérapeutique. Ce n'est donc pas une tempête. Effectivement.
Pourtant cela pourrait bien remettre en cause un certain nombre
de notions établies. En 2002, et pour la première
fois, le dernier admis en chirurgie à l'issue du concours
de l'Internat était moins bien classé que son
homologue en médecine ; ceci dans la majorité
des C.H.U. La chirurgie a été déchue de
son titre de discipline la plus prisée des candidats
à l'Internat. Comment en est-on arrivé là
?
Le chirurgien dans la société du troisième
millénaire
Le regard de la société sur le chirurgien. Il
est bon de rappeler quelques notions élémentaires.
La perception du chirurgien par la population a changé.
Jadis admirés et respectés, son travail, sa conscience
professionnelle, son éthique, son dévouement sont
facilement remis en cause. Les procès qui se multiplient
sont là pour le prouver. Déchu de la noblesse
de son art, le praticien est devenu quasi officiellement un
" producteur de soins ". La médecine en général,
et l'acte chirurgical en particulier, tendent à devenir
un produit consommable que l'on souhaite se voir livré
avec garantie et service après vente. Il ne s'agit pas
là d'une critique mais d'un constat.
La place de l'interne de chirurgie dans la société
Parallèlement, l'image que se font les internes de chirurgie,
de leur propre métier a changé. Avant la chirurgie
était une vie. Aujourd'hui, la chirurgie est un métier.
Comme un autre. Entendons-nous bien. Ce ne sont pas les internes
qui ont changé, mais la société dont ils
sont tous issus et dont ils revendiquent l'appartenance. Si
on se veut caricatural, la société du travail
a laissé sa place à la société du
loisir. Les modèles de travail à l'hôpital
et de formation qu'ont connu nos professeurs et maîtres
n'ont plus cours en 2003. Ils sont obsolètes, marqués
par les pensées et les comportements qui régnaient
quand eux-mêmes étaient internes. Encore faudrait-il
qu'ils en prennent conscience. Or on a souvent l'impression
qu'ils veulent imposer aux nouveaux internes les principes qu'eux-mêmes
ont connus, sans tenir compte des évolutions que nous
avons citées. Résultat : mettez en face un ingénieur
de trente ans et un interne du même âge. Le premier
est aux 35 heures ou a ses congés RTT ; il est considéré
comme pièce maîtresse de son équipe et reconnu
comme tel, car beaucoup plus performant que ses aînés
dans certains domaines ; son salaire est 1,5 à 2 fois
plus élevé que celui de l'interne qui travaille
quant à lui 80 heures hebdomadaires et est responsable
quand ça arrange (" cheville ouvrière "
du service taillable et corvéable à merci), éternel
petit étudiant quand ça arrange. Moralité
: " finalement, faut être un peu con pour faire chirurgie
! ". C'est la phrase que m'a envoyée dans les gencives,
le sourire au lèvres, mon voisin de palier, ingénieur
chez Sun Microsystem et de trois ans mon cadet. Tout est dit.
Pour faire chirurgie aujourd'hui il faut être un con.
Un pauvre type dans la société, quoi.
La vocation chirurgicale du troisième millénaire
: une vocation rationnelle
De tous temps, le désir de pratiquer une activité
professionnelle, au delà de la vocation, a été
fondé sur le rapport bénéfices/investissements.
Nous l'avons dit, la chirurgie a perdu de son prestige et de
son caractère exceptionnel, elle est devenue un métier
à part entière. Ce faisant, elle se doit désormais
d'obéir aux critères de tous les autres métiers
en termes de bénéfices/investissements, sous peine
de réduire à néant les vocations. Il faut
compter au minimum 13 ans d'études pour devenir chirurgien
(6 ans d'externat, 5 ans d'internat et au moins deux ans d'assistanat).
Il s'agit là du plus long cursus connu jusqu'à
ce jour en France. Un chirurgien présente un niveau d'expertise
et de technicité qui dans son domaine vaut largement
celui d'un diplômé de grande école. Un chirurgien
présente également un niveau de responsabilité
directe sans équivalent, que ce soit l'orthopédiste
posant une prothèse de hanche ou le chirurgien cardiaque
effectuant un remplacement valvulaire. Passons sur la pénibilité
et les nuits de gardes passées au bloc opératoire.
Passons également sur les risques de contamination encourus
avec l'hépatite C et le SIDA. Sur tous les critères,
formation, technicité, responsabilité, pénibilité,
risque, le chirurgien se doit de s'investir plus que dans tout
autre métier. On ne pourra pas (on ne pourra plus) susciter
de vocation si pour de tels engagements, on n'offre pas en retour
une reconnaissance proportionnelle et en rapport avec les autres
secteurs d'activité économique. Et qu'on arrête
de dire que l'interne pourra se rattraper plus tard. Dans quel
système économique rémunère-t-on
un individu en dessous de la valeur de son travail sous prétexte
qu'il gagnera mieux sa vie plus tard ? Pour mémoire,
un interne de chirurgie en quatrième année d'internat
et travaillant 80 heures hebdomadaires perçoit 1980 €
(12 987 Fr.) de traitement brut de base et 7,80 € (51 Fr.
environ) de l'heure la nuit en garde. A titre de comparaison,
une employée de maison est rémunérée
7,62 € (50 Fr.) nets de l'heure diurne
Malgré tout, certains candidats frappent encore à
la porte de la chirurgie. Et là un nouvel écueil
les attend : la chirurgie hospitalière.
Chirurgien à l'hôpital : roi du pétrole
ou roi des cons ?
Ce qui est étonnant chez les internes, ce sont les paradoxes
qui les habitent et les rendent déroutants. Par exemple,
80 % environ d'entre eux s'installent en libéral à
la fin de leur cursus. Normal, les places sont chères
à l'hôpital, me direz-vous. On ne va tout de même
pas recruter tout et n'importe quoi ! Seulement le paradoxe,
en la matière, tient au fait que si l'on observe les
désirs et aspirations des internes, on s'aperçoit
que 80 % d'entre eux ne rêvent que d'une chose à
la fin de leur internat, quitter au plus vite cet hôpital
qui les insupporte, alors même que près de la moitié
envisageait comme possible de rester dans le secteur public
à l'heure des premiers pas dans les services.
Les sirènes de l'hôpital public, pas les harengs
L'hôpital public présente quelques atouts. Tout
d'abord, il offre une activité salariée, gage
pour certains de sérénité et de sécurité.
De plus, il permet en général de travailler dans
un cadre multidisciplinaire, caractère fort appréciable
à l'heure où les spécialités deviennent
de plus en plus aiguisées. Il permet également
de bénéficier d'un plateau technique digne de
ce nom, notamment en termes d'imagerie et de réanimation.
Ceci appelle d'ores et déjà une remarque : cet
hôpital public susceptible d'attirer à lui les
plus jeunes correspond à la description d'un Centre Hospitalier
Universitaire ou d'un Centre Hospitalier Général
référent dans le bassin géographique où
il est implanté. Pour ce que nous en connaissons, les
hôpitaux de Chambéry, d'Annecy, de Valence répondraient
à ces critères ainsi bien sûr que le C.H.U.
auquel ils sont rattachés. En revanche, les hôpitaux
tels que Saint Jean de Maurienne, Saint Julien en Genevoix,
Aix les Bains, La Mûre, Rives, Crest, Die, bref tous ces
petits hôpitaux où l'activité est réduite
rebutent. Le chirurgien qui y exerce présente l'image
d'un praticien voué à la sclérose et au
déclin, marqué de ce sceau indéfinissable
qui le rend non reclassable dans une structure plus dynamique.
En d'autres termes, si les internes peuvent être attirés
par certaines structures hospitalières publiques, ils
rejettent de façon définitive ces trous à
rats qui vous rendent pestiféré tendance dépressif.
Les orques de l'hôpital public
Si les hôpitaux publics présentent quelques avantages,
ils sont également pourvus d'un certain nombre d'oursins
qui, à la longue, vous rendent allergique.
Au premier rang d'entre eux se trouvent les conflits permanents.
Soigner prend parfois l'allure d'un combat perpétuel.
Le patient ne va pas bien, il nous faut rapidement une échographie.
Oui, mais il n'y a pas de brancardier pressé. Alors l'interne
brancarde
Il n'y a pas assez d'infirmières au bloc
des urgences pour instrumenter ? Qu'à cela ne tienne,
on trouvera bien deux internes : l'un sera premier aide pendant
que l'autre fera l'I.BO.D.E
- Allo, c'est toi l'interne d'astreinte ? Le patient a mal à
la poitrine.
- Eh bien, faites-lui un E.C.G., j'arrive.
- Ah ben nan, les E.C.G., on les fait pas !
Pourtant l'électrocardiogramme est inscrit au décret
des gestes infirmiers
Bon j'ai fait l'E.C.G., je dois
redescendre aux urgences qui viennent de m'appeler.
- Pendant ce temps, chère infirmière, faites des
gaz du sang pour compléter le bilan, je crains une embolie
pulmonaire.
- Ah ben nan, les gaz on les pique pas, on sait pas faire !
Et pourtant c'est encore un acte inscrit au décret des
gestes infirmiers
Et à la fin du mois l'infirmière
est parfois mieux payée que l'interne. Soupir. Je passe
sur les manipulateurs radio. Miroir, mon doux miroir, parle-moi
de hiérarchie et d'autorité.
Le second facteur répulsif de l'hôpital public
réside dans l'absence de distinction entre ceux qui travaillent
et les autres. Que l'on soit un acharné du boulot ou
le roi des planqués, il n'y a aucune différence.
Alors à quoi bon se motiver ?
Autre facteur peu engageant de l'hôpital public : les
gardes. L'urgence chirurgicale constitue pourtant une activité
des plus intéressantes. Oui mais voilà, travailler
la nuit et 24 heures d'affilée au moins une fois par
semaine pendant toute sa vie, ce n'est pas forcément
un must. Et ce d'autant plus que tous les praticiens ne se confèrent
pas aux obligations de leur statut. L'hôpital public a
lui aussi ses nobles avec leur contingent de privilèges.
N'ayez crainte, l'interne docile a été, l'interne
docile il sera ? Eh bien non. Et vive le repos de sécurité
qui permet de normaliser les tours de garde et d'envisager toute
une carrière hospitalière avec des gardes devenues
de ce fait parfaitement acceptables.
Il est un dernier élément à évoquer,
particulièrement délicat. Les médecins
étrangers à diplôme extra-communautaire.
Restons directs. Pour devenir chirurgien des hôpitaux,
pour ceux qui ont fait leurs études en France, il faut
d'abord passer le cap du concours de première année
(10 % de réussite seulement), franchir six ans plus tard
l'obstacle du concours de l'Internat (350 places de chirurgie
environ sur 1850 postes offerts, 4000 candidats en lice, faites
vos calculs) et ensuite passer le concours de praticien hospitalier.
L'un de mes amis assistants s'est présenté l'année
passée à ce dernier concours. Pas celui réservé
aux anciens assistants - chefs de clinique, non, l'autre ouvert
à tous et en particulier aux praticiens adjoints contractuels.
Sur une quarantaine de candidats, il était le seul issu
du concours de l'Internat. Serait-ce par hasard plus facile
de devenir chirurgien hospitalier quand on n'a pas réalisé
son cursus en France ? La question reste posée.
Epilogue : qui suis-je ?
David VOIRIN, interne en chirurgie digestive à Grenoble,
actuellement en septième semestre.
Titulaire du Diplôme Inter - Universitaire (D.I.U.) de
Transplantation d'Organes et de Tissus, du Diplôme d'Etudes
Approfondies (D.E.A.) de Modèles et Instruments en Médecine
et Biologie (projet de recherche : chirurgie des tumeurs du
foie assistée par ordinateur).
Actuellement inscrit au D.I.U. de Chirurgie Endocrinienne et
Métabolique.
Services rendus : ancien vice-président de l'Inter -
Syndicat National des Hôpitaux de Faculté (I.S.N.I.H.)
; ancien président des internes de Grenoble.
Ce que je déteste : entendre la ritournelle " ah,
les internes, c'est plus ce que c'était ! Ca veut plus
bosser ! "
Ce que je souhaiterais : devenir chirurgien hospitalier dans
un établissement qui en vaut la peine.
Naïf ? Non. Idéaliste ? Peut-être. On a le
droit de rêver. Pugnace ? Oui, et même coriace !
Mais pas masochiste
I°) POURQUOI LA CHIRURGIE FRANCAISE EST-ELLE EN CRISE
?
A) La crise de la chirurgie privée
La chirurgie privée vit une crise de confiance. Cette
crise est multifactorielle. Elle révèle une modification
profonde de la profession dont le caractère libéral
est de moins en moins net, le poids des responsabilités
de plus en plus pressant, une reconnaissance du service rendu
au malade de plus en plus absente . La relation médecin/malade
a perdu une grande part de sa place au profit du rôle
de technicien qu'est devenu le chirurgien.
Mais cette crise paraît surtout ancrée en profondeur
et l'ensemble de la profession vit mal la dégradation
progressive du statut social du chirurgien, ses contraintes
professionnelles en décalage avec les nouvelles aspirations
des chirurgiens comme de chacun de nos concitoyens. La chirurgie
n'était pas un métier, elle était un art
que l'on faisait par vocation.
La difficulté pour la profession est de passer de ce
statut particulier à celui d'une organisation professionnelle,
structurée, efficace, organisée et rémunérée
pour les services rendus aux usagers, mais de plus en plus exposée
aux risques du métier source d'une judiciarisation mal
vécue par les chirurgiens.
Dans une famille médicale, l'image du père chirurgien
n'est plus le modèle à atteindre mais le chemin
à éviter. Comment s'étonner de la désaffection
croissante pour les carrières médicales dont la
chirurgie fait les frais.
1. L'image du chirurgien a été dévalorisée
Le chirurgien libéral n'est plus un nanti. Il est soumis
à des contraintes de plus en plus nombreuses envers les
malades en raison de la continuité des soins et des niveaux
d'exigence, avec les caisses pressées par la rigueur
budgétaire, source de litiges incessants, les avocats
saisis par les familles.
Le malade a abandonné son rang de patient pour accéder
au rang de client avec ses exigences. Le devoir d'information
du malade est devenu une priorité, réduisant d'autant
le différentiel soignant soigné. Avec internet
le malade peut voir par avance sur certains sites chirurgicaux
l'intervention qu'il doit subir. Une obligation de résultat
s'est progressivement imposée et finalement substituée
à une obligation de moyen, contraignant le chirurgien
au " zero defect " difficile à atteindre. En
cas d'échec, la compassion ne suffit plus. Le malade
a droit à réparation ce qui explique la judiciarisation
de la profession.
Toutes ces évolutions ont modifié l'image du chirurgien.
Tantôt présenté comme un héros par
les médias lorsqu'il invente une nouvelle technique,
tantôt présenté comme un irresponsable lorsqu'il
est traîné devant les tribunaux. Le poids des responsabilités
de plus en plus nombreuses, sans contre partie, est une des
sources de la crise actuelle de la chirurgie française.
Les honoraires élevés d'une minorité de
chirurgiens exerçant des spécialités chirurgicales
mieux rémunérées entretiennent l'image
du chirurgien nanti. Cette image n'est plus celle de l'ensemble
de la profession dont les hyper spécialisations ont conduit
à des disparités et à des métiers
très différents.
Il faudra donc aider à reconstruire une nouvelle image
du chirurgien du 3ème millénaire : c'est un technicien
de haut niveau, clinicien et responsable de ses actes, humaniste
à l'écoute des souffrances, oeuvrant dans l'intérêt
des malades et gestionnaire du système de soin dans lequel
il évolue.
2. Les revenus non proportionnés à la pénibilité
de la tache.
Sur l'étude de la DREES, les revenus des chirurgiens
analysés entre 1993 et 2000, et leur pouvoir d'achat
ont diminué de 0,2% alors qu'ils augmentaient dans la
plupart des spécialités médicales. Dans
la pratique la baisse du pouvoir d'achat paraît beaucoup
plus importante. Le revenu libéral par chirurgien était
pour 2000 en moyenne de 93 309 euros net. Le volume moyen de
l'activité des chirurgiens a augmenté par an de
2%, alors que les tarifs n'augmentaient que de 0,4%. Les honoraires
ont augmenté de 3,3% essentiellement grâce aux
dépassements d'honoraires qui augmentaient de 7% par
an. Les dépassements d'honoraires représentent
20,9% des revenus des chirurgiens en 2000 contre 16% en 1993,
illustrant le désengagement progressif de l'Assurance
Maladie.
Nous comprenons facilement que seuls les chirurgiens en secteur
2 ayant accès au dépassement d'honoraire ont pu
amortir la baisse de leur pouvoir d'achat. On observait donc
une évolution différente des deux secteurs. En
secteur 1, la seule possibilité de couvrir des charges
en constante augmentation était d'augmenter le volume
d'activité, facilité par la pénurie de
chirurgiens et la concentration des activités dans des
centres chirurgicaux obligés à faire face à
une demande croissante.
Le rythme de vie des chirurgiens tout particulièrement
en secteur 1 est devenu rapidement insupportable pour ces praticiens
et explique en partie les raisons de la crise. Plus de 70 heures
de travail par semaine, des tâches toujours plus nombreuses
et toujours le même sentiment d'incompréhension.
En secteur 2, l'accroissement des charges pouvait être
compensé par une majoration des honoraires que les praticiens
calquaient sur l'augmentation des charges professionnelles.
On comprend donc facilement que les problèmes sont différents
au sein d'une même spécialité selon le secteur
d'activité et la région d'installation.
3. Le Kc n'a pas évolué depuis 8 ans (figure
1)
Les chirurgiens sont convaincus de faire un métier qui
n'a pas été revalorisé. Parmi les lettres
clés, dont l'évolution a été analysée
depuis 1960, le K, Kc, Z n'ont pas augmenté depuis 40
ans. En proportion, le C et le Cs ont été multipliés
par 10 pendant cette même période (figure 2). L'évolution
des revenus chirurgicaux s'est faite par la progression des
actes de consultation communs à toutes les spécialités
et non par la progression de la lettre clé spécifique
à la chirurgie le Kc (figure 2). L'évolution des
revenus s'est surtout faite par une multiplication des actes
opératoires (avec des indications parfois discutables)
au prix d'un sacrifice de la vie privée ou familiale.
Quand on sait le peu d'évolution de la NGAP (nomenclature
générale des actes professionnels) pendant cette
même période ou l'on voyait apparaître de
nouvelles spécialités chirurgicales, on comprend
que les spécialités chirurgicales d'origine que
sont la chirurgie générale et viscérale
et l'orthopédie traumatologie, soient aujourd'hui au
cur de la crise. Les chirurgiens ne se reconnaissent plus
dans la NGAP, base conventionnelle de leur rémunération
totalement obsolète eu égard aux interventions
réalisées. De nombreux actes ne sont pas répertoriés
et sont cotés par assimilation, source de nombreux conflits
avec les caisses. Le meilleur exemple est l'apparition de la
chirurgie laparoscopique au début des années 90,
et les nombreux litiges sur le K40/2 qui a conduit à
de nombreux procès au tribunal administratif des affaires
sociales. Le rétablissement de la confiance entre les
tutelles et la profession chirurgicale permettra seul d'apporter
la sérénité indispensable à l'exercice
de cette profession. Car la chirurgie n'est plus un art, elle
est devenu un métier technique et très réglementé.
La CCAM (classification commune des actes médicaux) devrait
corriger ces inégalités. Mais la CCAM entraînera-t-elle
une revalorisation des actes chirurgicaux ?
4. Augmentation des charges professionnelles
C'est le poste budgétaire qui a le plus augmenté.
Les charges sont composées des cotisations sociales personnelles,
des frais de personnel, des loyers, de l'achat de matériel
chirurgical souvent à la charge du chirurgien, de la
redevance aux cliniques, des impôts et taxes sur l'activité
(TVA, taxe professionnelle, CSG, CRDS
.). Pour l'ensemble
de la profession, les charges ont eu une progression constante
de 3,6% par an durant les 8 dernières années.
Plus récemment la majoration injustifiée des primes
d'assurance en responsabilité civile, multipliées
par 3 et parfois par 6 dans certaines spécialités
chirurgicales a contribué à la dégradation
du climat social dans la profession. En 2000, le poids des charges
des chirurgiens était de 46,2%.
Dans l'enquête effectuée par l'UCF (Union des Chirurgiens
Français) les charges sont en moyenne de 49% fin 2001.
Elles pèsent moins sur les revenus élevés
proportionnellement.
L'augmentation début 2003 des primes d'assurance en responsabilité
civile risque d'amputer le pouvoir d'achat des spécialités
chirurgicales en secteur 1 de 25%. L'augmentation des sinistres
ne justifie pas une telle majoration des primes. Les chirurgiens
se sentent otages d'un " bras de fer " entre assureurs
et pouvoirs publics. Leur impuissance est totale.
5. Judiciarisation de la profession
Le chirurgien est tenu à une obligation de moyens. De
plus en plus, il est tenu à une obligation de résultat
tant la pression des malades est forte. En tant que client,
le malade est devenu un consommateur de soins. Les exigences
ne sont plus les mêmes. Les chirurgiens ont pris en compte
cette mutation. La chirurgie est devenue une discipline normative
dans l'intérêt des malades, pour les soustraire
au risque de complication. Toutes les normes nouvelles imposées
par la France ou par l'Europe ont été mises en
place sans contre partie.
Certaines décisions de justice dont " l'arrêt
Perruche "provoquent l'inquiétude des professionnels
médicaux. Elles risquent surtout d'entraîner des
conséquences graves en matière de santé
publique. En théorie, ces décisions sont guidées
par le souci de diminuer les risques encourus par les malades.
En pratique, les dérives sécuritaires et la poursuite
obsessionnelle du risque zéro apparaissent démagogiques.
On est en droit de se demander si le souci principal est bien
la protection des malades ou celles des politiques qui après
avoir refusé d'être coupables n'acceptent plus
d'être responsables. Cette situation risque de devenir
rapidement intolérable pour le corps médical,
elle va surtout entraîner de très graves conséquences
pour les malades et pour le coût de la santé.
6. Une pénibilité incompatible avec la qualité
de vie.
Les activités de gardes et astreintes, la permanence
des soins sont des contraintes incompatibles avec la solitude
du chirurgien libéral. Le chirurgien est seul avec sa
conscience face aux problèmes rencontrés, il assure
la continuité des soins seul ou en partage avec un associé.
Il n'est pas rare qu'un chirurgien soit d'astreinte un jour
sur deux et deux week ends par mois toute l'année. Il
y a dix ans, le nombre de chirurgiens en formation dans les
CHU permettait aux chirurgiens libéraux de trouver des
remplaçants lorsqu'ils partaient en vacances. Ce n'est
plus le cas aujourd'hui et même au prix de réorganisations
avec des confrères dans une même ville, les chirurgiens
ont de plus en plus de mal à se faire remplacer.
La pression physique de la continuité des soins est majorée
par la pression psychologique des suites opératoires
même lorsque le chirurgien n'est plus administrativement
ou légalement d'astreinte. Le chirurgien a souvent plus
besoin d'une récupération psychologique que physique.
Cette contrainte commune à la chirurgie publique et privée,
reflet direct de la relation médecin malade et de la
responsabilité du chirurgien dans l'acte qu'il a réalisé,
est cependant plus lourde pour le chirurgien libéral
en prise directe avec les malades et les familles.
Le nombre d'heures de travail, l'astreinte, le poids des responsabilités,
le poids des contrôles, l'augmentation incessantes des
charges, une rémunération totalement inadaptée
: tous les facteurs d'une crise grave de la profession sont
réunis et menacent le système de soins libéral
si des solutions en profondeur ne sont pas trouvées au
plus vite.
7. Evolutions technologiques
La chirurgie est devenue de plus en plus technologique et de
moins en moins agressive. Son environnement s'est modifié
par les progrès incessants de l'imagerie, par le glissement
des frontières entre spécialités (radio
et cardiologie interventionnelle) et surtout par la raréfaction
de ses indications qui n'ont été qu'incomplètement
compensées par de nouveaux besoins chirurgicaux.
Qu'il s'agisse de la chirurgie endoscopique pour la chirurgie
viscérale, générale ou l'urologie, de la
robotique pour l'orthopédie ou de la chirurgie endovasculaire,
pour la chirurgie vasculaire, la plupart des spécialités
chirurgicales ont bénéficié des nouvelles
technologies. Ce n'est donc pas une moindre attractivité
technique que rencontrent les spécialités chirurgicales.
On pouvait penser qu'avec la chirurgie laparoscopique, la chirurgie
générale et viscérale aujourd'hui sinistrée
intéresserait les jeunes générations de
chirurgiens. On voit aujourd'hui qu'il n'en est rien. L'intérêt
technique du métier n'a pas compensé les handicaps
professionnels et leur retentissement sur la qualité
de vie du chirurgien.
8. La crise des structures
Il est loin le temps ou le chirurgien travaillait toute sa vie
dans la même clinique. Le chirurgien doit savoir s'adapter.
Les nombreux regroupements de cliniques survenus depuis 1996,
date de création des ARH, ont contraint certains chirurgiens
à changer d'établissement ou de mode d'exercice.
La précarité financière de plus de 300
établissements privés en France inquiète
les chirurgiens qui voient leur outil de travail menacé.
L'enquête de la FHP sur 134 établissements MCO
montre que malgré une activité croissante de 4,8%
par an, 52% de ces établissements sont en déficit
contre 30% en 2000. (Quotidien du médecin, 30 Octobre
2002)
Les spécialités les moins rentables (chirurgie
viscérale et digestive) sont délibérément
abandonnées par certains établissements. Dans
d'autres, les chirurgiens viscéraux dont les actes techniques
sont souvent septiques, longs et moins bien côtés,
ne disposent de blocs opératoires que lorsque les autres
spécialités ont terminé leur programme
opératoire. Comment ne pas comprendre le découragement
des chirurgiens travaillant dans de telles conditions ?
9. Des événements récents majorent la
perte de confiance
Trois événements récents ont contribué
à la dégradation rapide du climat qui règne
parmi les chirurgiens libéraux.
Le problème des assurances
Le retrait non annoncé des compagnies d'assurance au
lendemain de la loi du 4 Mars 2002 sur le droit des malades
et les inquiétudes légitimes des professionnels
exposés à forte responsabilité (chirurgiens,
obstétriciens, anesthésistes) a augmenté
la tension dans la profession. Les problèmes professionnels
sont devenus le thème de conversation quasi exclusif
des congrès chirurgicaux. Les syndicats retrouvent toute
leur force pour canaliser le mécontentement en vue de
sortir de l'impasse. Si le chirurgien en secteur 2 peut répercuter
sur ses honoraires les sur primes d'assurance, il n'en est pas
de même du chirurgien en secteur 1. Certes, la prise en
charge par l'assurance maladie des 2/3 de la prime d'assurance
fait partie de la négociation conventionnelle. Mais face
à quelle contre-partie ? Toujours plus de responsabilité
chirurgicale et toujours moins d'implication du patient dans
le système de soin ! Cette évolution vers la judiciarisation
de la profession augmente la pression psychologique des chirurgiens.
Comment ne pas les comprendre ?
Les aides opératoires
La publication du décret sur les aides opératoires
applicable au 1er janvier 2002 a accru légitimement les
inquiétudes des chirurgiens. La professionnalisation
de la chirurgie impose une professionnalisation des aides opératoires.
La pénurie d'infirmières ne permettrait pas de
répondre aux exigences du décret. Il était
donc indispensable de mettre en place des mesures transitoires,
ce que le gouvernement a fait. Les aides opératoires
non diplômées et ayant une ancienneté de
plus de 6 ans ont passé un examen de qualification en
vue de vérifier leurs connaissances. Le problème
est donc momentanément réglé. Nous comprenons
parfaitement les revendications catégorielles des IBODES
(infirmières de salle d'opération diplômées
d'état). Leur nombre doit être accru, leur rôle
dans l'équipe chirurgicale doit être valorisé.
Leur présence participe à l'évolution de
la chirurgie vers une organisation professionnelle structurée
et efficace.
L'absence de relève chirurgicale : une démographie
en panne.
L'absence de prospective sur les effectifs chirurgicaux depuis
plus de 20 ans et l'absence de filières pour les spécialités
les plus anciennes comme la chirurgie viscérale et l'orthopédie
explique que dans de nombreuses régions de France, il
n'y ait plus d'internes inscrits au DESC de chirurgie viscérale
ou d'orthopédie. L'absence de renouvellement de la profession
par une désaffection des spécialités chirurgicales
à forte pénibilité est une perspective
terrifiante pour les chirurgiens exerçant dans ces spécialités
et peu valorisante pour les plus jeunes. Depuis bientôt
dix ans, les chirurgiens qui partent à la retraite ont
abandonné l'espoir de revendre leur clientèle
pour conforter leur retraite. L'inquiétude est aujourd'hui
plus grande pour les chirurgiens qui restent en poste que pour
ceux qui partent. L'angoisse de travailler seul, de voir s'alourdir
la charge de soin et de présence déjà lourde
accompagne les cessations d'activité. Le désir
de départ à la retraite anticipée qui gagne
de nombreux chirurgiens est fort heureusement tempéré
par les contraintes financières.
B°)La crise de la chirurgie publique
Démotivation, morosité, catastrophisme, sous
activité, adynamisme
tels sont les mots qui caractérisent
aujourd'hui l'ambiance des hôpitaux publics. Quelles sont
les raisons d'une telle situation ?
1. Considérations générales
La crise actuelle n'est pas spécifique à la chirurgie,
elle affecte les différents domaine de la santé,
elle est le résultat de l'immobilisme d'un système
qui s'est montré efficace en son temps (Loi Debré
1958) mais qui est dépassé aujourd'hui.
Certains éléments récents ont accutisé
le malaise concernant notre système de santé:
la mise en place des 35 heures pour les soignants, les administratifs
et les médecins hospitaliers alors que se greffe pour
ces derniers l'application de la loi européenne sur le
repos compensateur. Toutes ces mesures ont diminué le
temps de travail des soignants créant ainsi le sentiment
d'un incessant manque de moyens. Cependant les personnels hospitalier
n'ont jamais été aussi nombreux !
Deux inspirations opposées animent la plupart des analyses
et réflexions selon qu'elles émanent des médecins
ou des gestionnaires: celle du "pas assez" et celle
du "trop". Nous ne sommes quant à nous partisans
ni de l'une, ni de l'autre, mais convaincus qu'il y a souvent
"assez" mais qu'il est mal utilisé au sein
d'une organisation de plus en plus dépassée.
Depuis la mise en place de la loi Debré en 1958, le différentes
réformes se sont avérées trop timides,
insuffisamment adaptées aux évolutions sociales
et technologiques récentes, si bien que l'absence d'anticipation
a laissé se multiplier trop d'anomalies qui sont devenues
des incohérences pénalisant lourdement notre système
de santé. Le monde de la santé a connu des bouleversements
liés à plusieurs facteurs :
La société n'est plus la même avec l'évolution
de ses approches intellectuelles, affectives et médico-légales
de la maladie, les exigences croissantes vis à vis des
moyens et des résultats, le vieillissement progressif
de la population avec enfin l'implication incontournable des
loisirs à l'origine d'une inflation saisonnière
des activités de santé, ceci étant en relation
avec les transferts de population lors des périodes de
vacances.
Le pays a changé avec la transformation des réseaux
de communication, la facilitation des transports et l'avènement
des techniques de transmissions d'images qui devraient jouer
un rôle très important dans l'avenir ; il a changé
aussi avec les processus inéluctables de désertification
des zones rurales.
La chirurgie aussi, n'est plus la même, en devenant de
moins en moins agressive et de plus en plus technologique, son
environnement s'est modifié par les progrès incessants
de l'imagerie, par le glissement des frontières entre
spécialités.
La seule attribution de moyens supplémentaires ne saurait
remplacer la nécessité de stratégies nouvelles
concernant l'offre de soins, mais aussi la formation des chirurgiens
et les carrières des acteurs de santé confrontés
pour certains à une véritable crise présente
ou future de démographie.
2. Les carrières peu attractives, rigides, invitant
parfois aux "démissions précoces"
Les conditions de rémunération des Praticiens
Hospitaliers (PH) sont satisfaisantes, elles ont été
nettement améliorées en 2000, notamment avec la
prime de renoncement au secteur privé. Il en est de même
des conditions de retraite. Par contre ce dernier point constitue
un véritable problème pour les professeurs des
universités, praticiens hospitaliers (PU PH) dont la
retraite n'est constituée qu'à partir du salaire
universitaire alors que l'indemnité hospitalière
n'est en aucun cas pris en considération. Ainsi la retraite
d'un PU PH, représente approximativement 40 % du salaire
de pleine activité. Cette anomalie est d'autant plus
grande que la majorité du temps de travail est effectuée
à l'hôpital
Si le peu d'attractivité de la carrière n'est
pas uniquement lié aux conditions matérielles,
plusieurs incohérences expliquent le malaise actuel :
-Le statut unique dans les hôpitaux publics ne prenant
pas en compte la pénibilité de certaines spécialités
(anesthésie réanimation, chirurgie, gynécologie-obstétrique
).
-L'absence de reconnaissance du travail, représente un
manque d'incitation évident; la mise en place de l' ARTT
(aménagement réduction du temps de travail) médical
et du repos compensateur aggravent encore cette situation. L'évolution
se fait vers une culture "du non travail" alors que
se développe la culture "de l'ARTT"
et
des loisirs. Ces tendances sont plus sensibles dans certaines
spécialités, plus syndiquées (anesthésie-réanimation)
qui ont su anticiper et qui s'organisent aujourd'hui en fonction
du contexte social.
-La monotonie et la rigidité des carrières sont
des réalités lourdes de conséquences. En
entamant sa carrière le praticien sait que presque à
coup sûr, il fera, sa vie durant, la même chose
dans la même structure. Cet immobilisme se renforce de
l'absence de passerelles entre les différents types d'activités.
On demande à un médecin s'il est universitaire,
d'être à la fois soignant, enseignant, chercheur
et gestionnaire ce qui est pratiquement impossible, mais on
n'envisage pas qu'il puisse être l'un ou l'autre, de façon
successive, au cours de sa vie professionnelle s'il le souhaite,
ce qui en outre garantirait forcément un meilleur service
rendu. De la même façon un praticien hospitalier
et pourquoi pas un praticien libéral qui seraient tous
deux intéressés par l'enseignement, ne pourront
jamais exercer cette charge en étant reconnus comme tels
et c'est à un autre, qui a l'estampille originelle, (jamais
remise en question) d"universitaire" que l'on va imposer
cette charge alors que peut être il n'en aura ni le goût
ni la compétence réelle. Cette réflexion
pourrait être étendue aux domaines de la recherche
clinique et/ou fondamentale.
Ces carrières rigides, sans possibilité d'évolution,
extrêmement cloisonnées, entraînent une "lassitude"
quelquefois précoce. Seule l'ancienneté est prise
en considération alors que le mérite ne l'est
pratiquement jamais. Cette absence de motivation des acteurs
explique le manque de réactivité de l'hôpital
public. La remise en question n'est jamais effectuée.
Ce climat n'incite pas à mettre en place des stratégies
nouvelles utilisées en chirurgie libérale, comme
la chirurgie ambulatoire.
3. La crise des structures
a) Dans les grands hôpitaux (Universitaires ou/et généraux)
L'administration hospitalière peut être caractérisée
par
- ses contraintes et ses objectifs, ses lourdeurs,
- son comportement vis à vis du corps médical
- son inefficacité bien souvent constatée.
Les contraintes financières représentent un élément
incontournable. Le budget global, pondéré par
le PMSI, ne se prête cependant pas aux augmentations des
budgets imposés par l'apparition de nouvelles thérapeutiques
coûteuses. Naturellement le directeur financier tente
de récupérer certaines sommes par des restructurations
qui peuvent être logiques ou non. La logique économique
n'est pas toujours en harmonie avec la logique médicale.
La culture administrative apportée par l'école
de Rennes ne facilite pas la bonne entente entre le corps médical,
le corps administratif et le corps des soignants.
L'affrontement des pouvoirs médicaux et administratifs
est une réalité aux conséquences graves.
Le corps intermédiaire des soignants est représenté
par des cadres infirmiers trop souvent éloignés
du terrain. Ce corps de santé dont la mise en place a
sa logique, semble trop fréquemment s'être détourné
de sa mission d'organisation de soins au profit de certaines
tâches plus administratives.
Ces conflits ne devraient pas exister et cependant, au nom de
la gestion, le corps médical s'est vu progressivement
dessaisir de prérogatives et de responsabilités
qui sont normalement les siennes. La perte de toute possibilité
d'intervention pour un chef de service dans le choix ou l'appréciation
de son personnel infirmier en est un exemple; la trop faible
représentation médicale dans le jurys de sélection
des futurs cadres infirmiers en est un autre; enfin les directeurs
administratifs sont de plus en plus nombreux à considérer,
et sans trop le cacher, les médecins comme de "simples
producteurs de soins''. Les mots ne sont jamais innocents.
Les commissions médicales d'établissement ont
un pouvoir décisionnel limité, qui s'exerce dans
un cadre consultatif, dépendant essentiellement de la
détermination de leur président. Un trop grand
nombre de choix importants leur échappe complètement.
A l'inverse, la lourdeur croissante des tâches et des
contraintes que l'Administration fait partager aux Médecins,
paralyse de plus en plus les activités médicales
sans que pour autant la rapidité et l'efficacité
des décisions administratives s'en trouvent améliorées,
bien au contraire. La multiplication de réunions dont
l'objet et l'intérêt ne concernent pas directement
les Médecins, donnent plus l'impression d'une concertation
de façade que celle de confrontations constructives.
La dérive des tâches extra médicales des
médecins est aussi à souligner. Elle est mal perçue
en raison de l'absence de retombées médicales
tant sur le fonctionnement des services que de l'activité
universitaire. S'ajoutent à cela des contraintes imposées
par la hantise des risques sanitaires, les précautions
qu'ils impliquent, et la véritable paralysie qui en découle.
Ainsi peut se comprendre le découragement grandissant
de certains chefs de service qui sont de plus en plus nombreux
à vouloir abandonner leur fonction. Cette évolution
est insidieuse, car elle tend à diluer les vraies priorités
et conforter l'idée que les médecins sont au service
de l'administration, de ses soucis et de ses contraintes alors
que c'est l'inverse qui demeure la réalité fondamentale
de tout système de santé.
b) La chirurgie dans les hôpitaux dits "de proximité"
pose d'autres problèmes
Ces hôpitaux, trop nombreux, connaissent des conditions
de fonctionnement en 2003 qui ne sont plus du tout celles qui
existaient lors de leur création il y a trente ou quarante
ans.
Ils posent de nos jours la difficile et angoissante question
de la compatibilité entre proximité et sécurité.
L'évolution des techniques chirurgicales, les progrès
constatés au niveau des plateaux techniques et de l'environnement
du geste chirurgical font que les petites structures chirurgicales
ne peuvent pas répondre, dans leur fonctionnement actuel,
aux niveaux d'exigences des populations.
L'activité chirurgicale de ces structures est bien souvent
insuffisante, conséquence d'un bassin de recrutement
trop restreint ou de dysfonctionnement de l'hôpital qui
perd la confiance de la population. Les équipes chirurgicales
(chirurgiens et soignants) sont déstabilisées
à la simple idée des restructurations et de la
mise en question de leur pérennité. Les postes
de PH peu attractifs, dans des petites villes peu attractives,
sont souvent occupés par des chirurgiens étrangers
dont la formation est inégale. Ces services de chirurgie
sont souvent maintenus artificiellement en raison de pressions
politiques. Leur sous activité mobilisant chirurgiens
anesthésistes-réanimateurs et soignants (qui font
peu et qui seraient plus utiles ailleurs) explique des coûts
de fonctionnement relativement élevés et surtout
une sécurité qui peut être remise en question.
Les écarts se creusent, alors que notre système
de santé permettait d'avoir des prestations relativement
homogènes sur l'ensemble du territoire. Aujourd'hui la
dégradation de certaines structures est notoire et la
qualité des soins chirurgicaux risque d'être bien
différente en fonction des centres et des régions
géographiques considérées.
Les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) connaissent
parfaitement les "points névralgiques" de leur
région. Leur travail est à souligner: malgré
les pressions politiques locales, régionales ou nationales
qui freinent les restructurations, certaines maternités
ont été délocalisées, certains services
de chirurgie ont été fermés, d'autres regroupés
autour de plateaux techniques plus performants. Des rapprochements
entre chirurgiens libéraux et publics se font contre
toute attente. Ces restructurations doivent impérativement
être poursuivies selon des stratégies régionales.
Elles sont rendues obligatoires aujourd'hui et ceci pour plusieurs
raisons:
-Démographie médicale de certaines spécialités
(anesthésie-réanimation, chirurgie viscérale
et chirurgie orthopédique et traumatologique
)
-Démographie des soignants (infirmières IBODE
- IADE.
-La mise en place de l'ARTT soignant et médical (la mise
en place du repos compensateur pour les médecins.
Il est grand temps de concentrer les moyens humains et matériels
là où ils sont pleinement justifiés.
5. Les contraintes du service public
a) La non sélection des malades
Contrairement aux structures libérales et aux structures
participant au service public hospitalier (PSPH) qui choisissent
les pathologies prises en charge, les hôpitaux publics
subissent le poids de toutes les pathologies et s'engagent à
assurer la continuité des soins, sans sélection
des malades. Les exigences imposées par les urgences
et certaines pathologies comme celles des patients âgés,
compliquent l'organisation des soins dans les structures publiques.
b) le problème des urgences
Nous ne reviendrons pas sur les effets structurants du rapport
STEG concernant particulièrement l'accueil des urgences
gradué en SAU, UPATOU et borne d'accueil. Ces centres
d'accueil de l'urgence sont organisés et animés
par des médecins urgentistes qui doivent certainement
voir leur spécialité reconnue.
Les SAU (Service d'accueil de l'urgence) sont implantés
préférentiellement dans les centres référents
ou le plateau technique et en particulier les réanimations
sont performantes. Certains centres font cependant exception
à la règle, le plus souvent pour des raisons d'enclavement
géographique (par ex. Digne dans les Hautes Alpes). De
telles situations nous paraissent devoir être rapidement
corrigées, elles sont souvent la conséquence de
pressions politiques sans aucune justification médicale.
L'urgence chirurgicale est confrontée à différentes
difficultés.
-Le chirurgien généraliste de jadis (prenant en
charge la traumatologie osseuse comme les urgences viscérales)
n'existe plus.
-La formation des chirurgiens dans les centres hospitalo-universitaires
ou les services sont spécialisés fait que cette
formation est rarement en adéquation avec les exigences
du terrain.
-La spécialisation voire l'hyper spécialisation
de la chirurgie n'est pas adaptée aux exigences globales
de l'urgence, elle est cependant demandée par la population
et donc par les chirurgiens.
-L'urgence chirurgicale est souvent associée aux besoins
chirurgicaux de la maternité.
Dans les hôpitaux publics, l'urgence s'est imposée
sur les activités programmées. On a remarqué
dans plusieurs hôpitaux une disparité entre le
nombre de chirurgiens nécessaires pour assurer l'urgence
et le recrutement à froid de la chirurgie qui est nettement
insuffisant. Force est d'admettre aujourd'hui que l'activité
chirurgicale d'urgence n'est satisfaisante que si l'activité
réglée est conséquente.
-Les contraintes démographiques actuelles expliquent
qu'aujourd'hui 70 % de l'urgence chirurgicale est assurée
par des praticiens contractuels dont les compétences
ne sont pas toujours à hauteur des situations. Ceci est
particulièrement vrai dans les hôpitaux de proximité
mais aussi à un degré moindre, dans les hôpitaux
tête de secteur ou universitaires.
C)La crise serait-elle moins aigue dans les PSPH ?
Les hôpitaux PSPH (participant au service public hospitalier)
sont des hôpitaux de droit privé financés
par un budget global. Ce sont des établissements à
taille humaine excédant rarement 300 à 400 lits.
Le mode de rémunération des chirurgiens varie
d'un établissement à l'autre. Certains établissements
ont des chirurgiens salariés, rémunérés
sur les bases du salaire de PH plus 30% en compensation de la
perte de l'activité libérale. D'autres ont des
chirurgiens payés à l'acte. Certains même
emploient des chirurgiens rémunérés selon
les deux modes précédents selon la spécialité
et l'ancienneté des contrats. Dans tous les cas, les
chirurgiens sont mieux rémunérés que dans
les hôpitaux publics. Les revenus intéressants
proposés aux chirurgiens expliquent la qualité
des praticiens qui exercent dans les établissements PSPH
ou Mutualistes. Dans tous les cas, le mode de rémunération
incite à l'activité.
Certains établissements PSPH ont une direction médicale
comme dans les centre anti cancéreux, associée
à une direction administrative. L'efficacité en
est renforcée. La taille de ces établissements
permet de les comparer aux futurs centres de responsabilité
des hôpitaux publics. Les activités chirurgicales
sont marquées par l'absence de gardes dans la majorité
des établissements et par des activités assez
spécialisées vers certaines pathologies.
Un seul éceuil. Les coûts des hôpitaux PSPH
seraient au moins aussi élevés que dans les hôpitaux
publics. Les premières évaluations des coûts
à l'activité en cours dans 40 établissements
français dont certains PSPH apporteront une réponse.
Un point très positif : les conditions de travail sont
souvent excellentes, les personnels sont motivés et surtout,
les chirurgiens se sentent considérés et mieux
rémunérés que dans les autres types d'établissements
!
II°)LA DEMOGRAPHIE SOURCE COMMUNE DE DEMOTIVATION
A°) Données générales
Le rapport Berlan n'apporte que peu de renseignements sur la
démographie chirurgicale.
Le nombre total de chirurgiens en France est de 23 090, toutes
spécialités confondues. Les effectifs sont représentés
dans le tableau 1 extrait du rapport Berlan.
La féminisation touche certaines spécialités
chirurgicales et les projections que l'on peut faire sur l'avenir
doivent induire des corrections immédiates. Les femmes
représentent 37% des médecins actifs. Elles sont
majoritaires chez les médecins de moins de 35 ans (56%).
On sait qu'en moyenne l'activité médicale d'une
femme est 70% de celle d'un homme en raison de la durée
quotidienne de travail, du taux de femmes travaillant à
temps partiel et des départs anticipés à
la retraite.
Le taux de féminisation est de 22.6% dans les spécialités
chirurgicales. Il est de 5.5% en chirurgie générale,
de 2.4% en orthopédie. Il est élevé en
chirurgie pédiatrique 36.7%, en gynécologie obstétrique
36.1%, en ophtalmologie 43.9%, en chirurgie maxillo faciale
24.2%, et en chirurgie plastique de 21.6%.
Les études de la démographie médicale font
apparaître une mauvaise répartition des effectifs
sur le territoire français. Certaines régions
(Ile de France, PACA
) ont une densité chirurgicale
double de celui des plus sous médicalisées (Centre,
Picardie). Aujourd'hui, on ne manque pas de chirurgiens. Les
difficultés démographiques vont apparaître
dès 2005. Mais si l'on prend en compte le nombre d'internes
dans les filières chirurgicales, toutes les spécialités
seront rapidement sinistrées. Ce risque est d'autant
plus grand que le taux de féminisation des premières
années de médecine est aujourd'hui de 65%, sauf
si nous imaginons féminiser les carrières chirurgicales.
L'orthopédiste de demain peut il être une femme
?
peut être aidée par un robot ?
B°) Données par spécialités
1. La chirurgie générale et viscérale
La chirurgie dite générale n'existe pratiquement
plus bien qu'il existe encore un CNU (Conseil National des Universités)
de chirurgie générale et un DES de chirurgie générale.
La plupart des chirurgiens généraux sont en fait
des chirurgiens viscéraux qui font parfois de la chirurgie
frontière : chirurgie pelvienne, chirurgie mammaire,
chirurgie du cou
de manière historique, par nécessité
dans certaines structures ou par nécessité économique,
tant la chirurgie digestive est mal rémunérée.
En France, 4757 chirurgiens généraux sont inscrits
dans cette discipline et 453 en chirurgie viscérale (figure
3). Il est difficile de savoir quelles sont les activités
réelles des chirurgiens inscrits en chirurgie générale
car certains spécialistes ayant une compétence
dans une spécialité chirurgicale peuvent apparaître
en chirurgie générale. Les chirurgiens viscéraux
sont plus jeunes en raison de la création plus récente
de la spécialité.
Le nombre d'inscrits au DES de chirurgie générale
est passé de 450 en 1992 à 286 en 2002 (tableau
2).
Le nombre de chirurgiens généraux, digestifs et
viscéraux en formation est en diminution. Le nombre résumé
dans la figure 5 montre surtout que le nombre de jeunes chirurgiens
en formation est passé de 64 inscrits au DESC de chirurgie
viscérale pour les 4èmes années à
15 pour les 1ère année. Comment la relève
sera t elle assurée ?
Les besoins de la population sont mal identifiés. Ils
doivent être analysés afin qu'une modélisation
similaire à ce qu'ont fait les orthopédistes permette
de mieux préciser le nombre de postes d'internes à
ouvrir dans la filière. Nous connaissons le nombre de
chirurgiens à former pour pallier aux départs
à la retraite comme le montre le tableau 4. Ce chiffre
correspond-il au nombre de chirurgiens nécessaires ?
Le départ à la retraite de chirurgiens polyvalents
capables de prendre en charge des gestes simples de chirurgie
viscérale et de traumatologie osseuse imposent des réorganisations
du personnel chirurgical dans les hôpitaux généraux.
Les nouvelles normes d'horaires de travail avec le repos de
sécurité et les 48 heures de travail hebdomadaire
garde comprise définissent le niveau minimum des équipes
chirurgicales pour faire fonctionner un secteur chirurgical
soumis à la permanence des soins. Cet effectif minimum
est constitué de deux équipes chirurgicales, l'une
prenant en charge le mou l'autre le dur. Chaque équipe
doit être composée d'au moins 4 chirurgiens. C'est
dire les difficultés prévisibles de fonctionnement
des petits hôpitaux généraux et des petits
établissements privés qui ne pourront satisfaire
ces exigences qu'au travers des regroupements d'hôpitaux
publics et de partenariats public privé. Le chirurgien
ne peut plus travailler seul. Il doit faire partie d'une équipe
chirurgicale ou mieux médico-chirurgicale comme cela
se passe dans les grands centres hospitalo-universitaires.
2. La chirurgie orthopédique
Le rapport Berlan fait état de 1693 chirurgiens orthopédistes
et traumatologues.
Le Syndicat National de Chirurgiens Orthopédistes (SNCO)
a fait une étude de la démographie chirurgicale
dans la spécialité. L'étude s'est appuyée
sur plusieurs sources : l'enquête SOFCOT de 1999 sur l'état
ostéo-articulaire de la population française de
plus de 18 ans, l'étude de la démographie médicale
effectuée en Rhône-Alpes, les données d'une
enquête de pratiques effectuée parmi les membres
du syndicat en 2000.
Le nombre de chirurgiens orthopédistes recensés
était en 1998 de 2400 (1800 spécialistes et 600
ayant la compétence d'orthopédie). La répartition
sur le territoire est inhomogène, allant de 4,4 pour
100 000 habitants dans l'Ile de France à 2,1 en Haute
et Basse Normandie et 2 pour la région Centre.
Sur cette même année, 2 300 000 interventions de
chirurgie orthopédique ont été réalisées.
L'activité moyenne d'un chirurgien orthopédiste
est de 11 heures par jour, 5,5 jours par semaine pendant 46,5
semaines annuelles travaillées.
Le nombre actuel d'orthopédistes en formation est de
80. La prise en compte des 35 heures dans les hôpitaux
publics et du repos de sécurité avec intégration
du temps de garde dans le temps de travail a modifié
les besoins en chirurgiens orthopédistes pour les années
à venir. Le déficit en chirurgiens orthopédistes
est présenté dans le tableaux 5 et 6 ainsi que
les corrections à apporter sur le nombre d'orthopédistes
à former jusqu'en 2010. Ce besoin passerait de 92 chirurgiens
en 2002 alors que seuls 80 seront formés à 219
en 2010. Cette enquête souligne l'urgence des mesures
à prendre dès cette année pour répondre
à ces exigences réglementaires. A-t-on différencié
les exigences de la chirurgie orthopédique réglée
et celles de la traumatologie osseuse d'urgence encore trop
souvent délaissée ?
3. La chirurgie vasculaire
Le nombre de chirurgiens vasculaires est de 303 chirurgiens
vasculaires dans le rapport Berlan. Il y a de plus 180 chirurgiens
thoraciques et cardiaques.
Le collège de chirurgie vasculaire a fait une enquête
pour recenser les chirurgiens vasculaires en exercice et en
formation. Il y a 536 chirurgiens vasculaires en exercice et
88 chirurgiens vasculaires en formation. Il existe des disparités
régionales importantes comme on peut le voir sur le tableau
7. La répartition est assez homogène sur l'ensemble
du territoire français. Par contre, les chirurgiens en
formation ne sont pas répartis de manière superposable
à celle des chirurgiens en exercice. Le pourcentage de
chirurgiens en formation par rapport aux chirurgiens installés
varie de 8% pour la région Sud (Marseille, Montpellier,
Nice) à 29% pour la région Nord-Est (Besançon,
Dijon, Nancy, Reims, Strasbourg).
La continuité des soins en chirurgie vasculaire dont
30% de l'activité correspond aux urgences, justifie que
la chirurgie vasculaire soit assurée par un groupe d'au
moins 3 chirurgiens. La population de référence
pour ce trinôme chirurgical serait en théorie de
120 000 habitants.
4. L'urologie
Le nombre de chirurgiens urologues est de 436 dans le rapport
Berlan. Il est de 996 pour la société d'urologie
car beaucoup de chirurgiens urologues sont inscrits en chirurgie
générale. Les urologues sont répartis pour
75% d'entre eux en secteur libéral, 12% en CHG et 13%
en CHU.
Le nombre d'urologues en formation est de 10 à 12 par
an alors que les besoins estimés sont de 30 urologues
par an. Pour satisfaire le remplacement des départs à
la retraite, il faut former 11 urologues par an jusqu'en 2005,
19 de 2005 à 2010, et 35 par an jusqu'en 2025. Le solde
se négativera à partir de 2010 si des corrections
ne sont pas apportées.
Les urologues estiment qu'il faut en moyenne 1 urologue pour
60 000 habitants. Le chiffre de 1,5 urologue pour 10 000 habitants
parait aujourd'hui acceptable aux responsables de la spécialité.
Les urologues travaillent déjà en groupe de 6
ou 8 praticiens exerçant chacun une hyper spécialisation
telles que l'andrologie, la cancérologie
Pour comparaison,
les urologues allemands sont organisés différemment
en urologues médicaux (5000) et chirurgicaux (1000).
Un creux démographique est donc à prévoir
si des corrections ne sont pas apportées rapidement.
La spécificité médico-chirurgicale de l'urologie
qui maîtrise l'ensemble de la discipline apparaît
aujourd'hui comme une force attractive pour les jeunes internes
en formation intéressés par la chirurgie du mou.
5. L'ophtalmologie
Le nombre d'ophtalmologues est de 5280 dans le rapport Berlan.
La moyenne nationale est de 8,94/ 100 000 habitants avec des
variations régionales importantes de 1 à 10 selon
les régions. Les prévisions démographiques
permettent d'entrevoir une chute considérable du nombre
d'ophtalmologistes à 2938 d'ici 2020 si des corrections
ne sont pas apportées (tableau 8). Parmi les pistes de
travail pour augmenter le temps chirurgical parmi les ophtalmologistes,
il y a la validation et la reconnaissance des optométristes
pour assurer la prise en charge des troubles de la réfraction.
On doit donc évaluer les besoins réels en ophtalmologistes
en tenant compte de ces corrections et de l'évolution
des besoins dans la discipline en fonction des besoins de la
population.
La cataracte est l'acte chirurgical le plus souvent réalisé
en France avec 400 000 interventions en 2002, le plus souvent
en ambulatoire sous anesthésie locale. Le vieillissement
de la population va modifier les pathologies ophtalmologiques
en raison du nombre d'affections touchant les personnes agées
que sont la cataracte, le glaucome et la dégénérescence
maculaire.
La société d'ophtalmologie est en train de réaliser
un travail prospectif de la profession pour définir en
fonction des besoins de la population, le nombre de praticiens
à former dans cette discipline.
C°) Etat de la chirurgie en Europe
La densité médicale française se situe
dans la moyenne des densités européennes (332
médecins pour 100 000 habitants). Il n'en est pas de
même de la densité chirurgicale. En France, il
y a environ 90 chirurgiens généraux par million
d'habitant (figure 4 et 5), comme aux Pays Bas, mais 2,5 fois
moins qu'en Belgique, en Allemagne, en Espagne ou en Suède.
En Europe, le nombre de chirurgiens généralistes
est 3 à 5 fois plus élevé que le nombre
d'ORL ou d'Ophtalmologues (figure 6 et 7). En France, le nombre
d'Ophtalmologues est le même que le nombre de chirurgiens
généraux, ce qui témoigne d'un déséquilibre.
L'analyse effectuée dans le cadre de l'UEMS (Union Européenne
des Médecins Spécialistes) montre que le nombre
de chirurgiens généraux en formation est en France
de 10 pour 10 millions d'habitants, alors qu'il est dix fois
plus élevé en Grèce, 5 fois plus élevé
en Allemagne, Italie, Belgique ou Portugal (figure 8). Le nombre
d'internes en formation en France est identique à celui
des Pays Bas. Par contre il existe un déséquilibre
au dépend des disciplines sinistrées que sont
la chirurgie viscérale et l'orthopédie (les hollandais
forment 3 fois plus de chirurgiens que nous dans ces disciplines).
Le pays d'Europe le plus sinistré est la Grande Bretagne,
ce qui explique les listes d'attentes et l'exode des malades
qui le peuvent vers des pays frontaliers dont la France.
La prospective de la chirurgie française s'est aggravée
en 1999 lorsque le nombre de postes de chirurgiens au concours
d'internat a été réduit de moitié
au profit de la gynécologie-obstétrique. Les jeunes
internes disent que la chirurgie est une discipline qui les
intéresse mais que certains d'entre eux auraient souhaité
choisir la chirurgie mais n'ont pas pu par manque de postes
ouverts.
Le Royal College of Surgeons a évalué les besoins
annuels en chirurgien en fonction des spécialités
(Tableau 9). Ces besoins théoriques ont été
évalués à partir des besoins de la population,
de l'évolution des spécialités, des modes
d'exercice et des rythmes de travail futurs, des listes d'attente
(spécificité britannique). Ces besoins sont présentés
dans le tableau
On peut constater que les besoins en chirurgiens dits généraux
sont identiques à ceux des orthopédistes (1/25
000 habitants). Ils sont de moitié inférieurs
au nombre de chirurgiens généraux existants en
France. Par contre le nombre d'orthopédistes paraît
correspondre au nombre d'orthopédistes en exercice dans
notre pays.
La comparaison des spécialités chirurgicales dans
les différents pays d'Europe est difficile à faire
en raison de l'ambiguité de la chirurgie générale.
Par exemple, en Espagne ou Grande Bretagne, la chirurgie vasculaire
est incluse dans la chirurgie générale. En France,
certains urologues, traumatologues sont inscrits en chirurgie
générale.
III°) L'ANESTHESIE FACTEUR LIMITANT DE L'ACTIVITE CHIRURGICALE
?
En dehors de certains gestes de chirurgie qui peuvent être
effectués sous anesthésie locale par le chirurgien
lui-même, tout acte chirurgical nécessite une anesthésie.
Certains gestes non chirurgicaux nécessitent une anesthésie
(endoscopies, gestes per-cutanés
) et ont récemment
augmenté les besoins d'anesthésistes-réanimateurs
au détriment parfois des plages disponibles pour les
actes chirurgicaux. Il existe un lien étroit existe entre
ces deux disciplines totalement indissociables.
L'enquête de la Société française
d'Anesthésie Réanimation apporte des éléments
chiffrés sur l'anesthésie-réanimation.
Il y a en France 8876 anesthésistes en exercice. Le nombre
de médecins anesthésistes a augmenté jusqu'en
1999. La masculinisation de la profession s'est accentuée
contrairement à la population chirurgicale qui s'est
féminisée. Le taux de femmes exerçant la
profession est de 35,7%. La densité médicale est
de 14,75 anesthésistes pour 100 000 habitants avec un
âge moyen de 45,9 ans. Cette densité varie selon
les régions de 11,2 pour le nord à 19,8 pour la
région PACA. Au sein d'une même région,
les écarts existent entre départements avec une
densité de 40,1 pour Paris à 6,8 pour la Lozère.
Le nombre d'anesthésistes réanimateurs par chirurgien
est de 2,8 au plan national. Les anesthésistes réanimateurs
se consacrent principalement au soin, seuls 7,9% d'entre eux
ne font plus d'anesthésie ; 56% d'entre eux font de la
réanimation. Les gardes et astreintes concernent 94%
des anesthésistes dont 44,6% prennent des gardes sur
place. Surtout sur les petits établissements, les astreintes
mensuelles sont nombreuses de 6 à 8 en moyenne et 11%
d'entre eux ont 11 astreintes mensuelles. Pour ceux qui font
des gardes sur place, le nombre est de 3 à 5 par mois
; 57% d'entre eux souhaitent s'arrêter à 60 ans
ou avant. Les médecins étrangers sont peu nombreux
174 surtout en raison du barrage linguistique. S'il ne paraît
pas y avoir de danger en terme de démographie dans l'immédiat,
les besoins ne seront pas les mêmes à l'horizon
2010. Le nombre d'anesthésistes en formation était
de 700 par an jusqu'en 1987, date d'arrêt des CES. Il
a été de 150 par an ces 5 dernières années.
Le maximum des besoins se fera sentir dans les années
2015 ou 500 anesthésistes partiront à la retraite
chaque année. Vue la durée de la formation (12
ans en moyenne), les mesures doivent être prises rapidement
pour éviter un trop grand déséquilibre.
Les anesthésistes souhaiteraient que les problèmes
démographiques ne soient pas utilisés par les
pouvoirs publics pour réduire les activités chirurgicales
et limiter ainsi les dépenses de santé.
Le corps de médecins anesthésistes est associé
au corps des infirmières anesthésistes (ISAR)
qui sont au nombre de 7 000 en France. Les ISAR permettent d'augmenter
la capacité de travail des médecins anesthésistes
en modifiant les organisations et en permettant dans certaines
conditions de faire fonctionner deux salles d'opération
avec 1 seul médecin anesthésiste et deux ISAR.
Il semble difficile aujourd'hui de considérer que les
ISAR pourront prendre en charge certains types d'anesthésies
simples comme pour certains gestes endoscopiques. La réglementation
ne le permet pas, les médecins anesthésistes y
sont hostiles alors que cela se pratique dans certains pays
d'Europe ou aux USA.
IV°) LA ROBOTIQUE ET LES EVOLUTION TECHNOLOGIQUES AURONT-T-ELLES
UN IMPACT SUR LA DEMOGRAPHIE ?
Les problèmes démographiques ont été
réglés dans certains secteurs d'activité
comme l'automobile par l'automatisation des chaînes de
production animées par des robots. La chirurgie n'est
pas un métier facilement automatisable même si
la robotique commence à faire son apparition. La robotique
et l'entrée de l'informatique dans les nouveaux appareillages
chirurgicaux peuvent être schématisés en
trois sous groupes.
3. Les robots chirurgicaux de démultiplication du geste
Il existe actuellement deux robots de ce type sur le marché,
Zeus et Da Vinci qui sont des démultiplicateurs du geste
chirurgical. Les articulations intracorporelles du Da Vinci,
la manipulation à distance de Zeus permettent d'entrevoir
ce que peut être la chirurgie de demain. Ce sont les robots
de la chirurgie du mou( viscérale, cardio vasculaire,
urologie
)
Mais ces robots qui peuvent laisser entrevoir des perspectives
à moyen terme de télé chirurgie doivent
être manipulés par des chirurgiens qui travaillent
à partir de " joy sticks sur une console ".
L'économie de temps chirurgical est nulle. Par contre
l'économie de temps chirurgical expert peut être
considérable. Les perspectives de télé
chirurgie laissent entrevoir l'intervention à distance
d'un chirurgien expert sur un malade opéré dans
son hôpital de proximité. Le chirurgien expert
effectuera le temps important de l'intervention, le reste du
geste étant effectué par le chirurgien local.
Techniquement, ce mode de fonctionnement peut être imaginé
dans la décennie qui vient. Sa diffusion paraît
illusoire dans cette même période en raison du
coût des équipements (1 million d'euros). Restera
à régler les problèmes de responsabilité
médicale à l'heure de la judiciarisaiton de la
profession.
4. La neuro navigation et l'assistance informatique
Ce type d'assistance est utilisé dans la chirurgie du
dur (orthopédie, neuro chirurgie, maxillo faciale, chirurgie
du rachis). Le système de neuro navigation permet au
chirurgien de se repérer lors de l'avancée de
son geste, d'être plus précis dans l'alésage
d'un fémur ou la pose de vis dans le rachis, de repérer
une tumeur et ses rapports vasculaire dans le cerveau. Les gestes
opératoires sont en général plus longs
que dans la chirurgie traditionnelle mais plus précis
(30 minutes dans la pose d'une prothèse de hanche). L'économie
de temps chirurgical paraît nulle aujourd'hui. Des progrès
rapides sont cependant prévisibles
3. Les gestes per cutanés
Le développement de la chirurgie mini invasive, moins
agressive pour le malade et de certains gestes per cutanés
comme la destruction de tumeurs du foie par radio fréquence
ou la pose d'endoprothèses vasculaires ou biliaires peuvent
modifier les besoins chirurgicaux par glissement des tâches.
Si cela peut se vérifier pour les gestes sur le foie,
réalisés par des radiologues interventionnels
sous repérage échographique, cela paraît
peu probable pour la chirurgie vasculaire dont les chirurgiens
revendiquent ces gestes per cutanés de même que
certains radiologues. Pour exemple, on peut citer la chirurgie
des pontages coronariens dont les indications ont largement
diminué avec la mise en place de stents coronaires, par
des cardiologues.
LES SOLUTIONS PROPOSEES
L'analyse de la situation chirurgicale dans les secteurs public
et privé permet de conclure que les deux secteurs sont
en crise pour des raisons différentes. Il existe cependant
un point commun à cette crise qui conditionne l'attractivité
des carrières chirurgicales : le rapport investissement
personnel / qualité de vie du chirurgien n'est plus acceptable.
Il s'agit bien d'une crise sociétale profonde qui touche
la profession. Alors que les anesthésistes qui ont rencontré
il y a dix ans les mêmes difficultés ont répondu
aux attentes des plus jeunes en proposant un plan de carrière
mieux adapté, les chirurgiens n'ont pas évolué.
Il nous paraît encore temps d'en prendre conscience et
d'imaginer des solutions.
Les jeunes ne font plus chirurgie par vocation. Ils font le
métier de chirurgien parce qu'il est devenu un métier
de haute technicité, de responsabilité et doté
d'une grande efficacité thérapeutique. Pour les
jeunes internes en formation, le métier de chirurgien
n'est plus le centre exclusif de leurs préoccupations.
C'est dire qu'il existe une vie personnelle à côté
de la chirurgie, vie personnelle et familiale que beaucoup d'entre
nous ont en partie sacrifiée. Si la situation paraît
aujourd'hui explosive, c'est parce que de nouvelles contraintes
viennent de voir le jour, rendant le métier encore plus
difficile.
Certaines mesures paraissent urgentes à mettre en place,
d'autres demandent le temps de la concertation et de la réflexion.
Le plus important est de rétablir la confiance.
I) REVALORISER LA CHIRURGIE
Le plus urgent est de rétablir la confiance. Des signes
forts en faveur de la profession sont attendus. Ils doivent
avoir pour objectif de redonner confiance aux professionnels
et de renforcer leur motivation. Ces signes ne sont pas les
mêmes dans le secteur privé et public.
5. Dans le secteur Privé
Les chirurgiens libéraux ont le sentiment de ne pas être
entendus par les pouvoirs publics et par les caisses.
a) Ils disent depuis trop longtemps que la NGAP n'est plus adaptée
La révision de la nomenclature qui paraît aujourd'hui
achevée a trop longtemps laissé les chirurgiens
dans une situation très ancienne de non revalorisation
de la profession. Ce problème sera semble t il réglé
au 1erJanvier 2004 avec la mise en route de la CCAM (classification
commune des actes médicaux).
En attendant, une revalorisation sélective des actes,
doit être entreprise avant même que ne se mette
en place la tarification à l'activité. Cette revalorisation
touche les spécialités à forte pénibilité,
forte responsabilité et dont la rémunération
n'est pas proportionnelle au travail effectué et au risque
encouru. C'est surtout le cas de la chirurgie viscérale
dont les actes opératoires sont longs, mettent en jeu
le pronostic vital et dont la morbidité post-opératoire
aléatoire est plus élevée que dans les
autres disciplines. La CCAM a pour objectif d'équilibrer
les spécialités entre elles, de prendre en compte
la pénibilité et la technicité des actes,
ainsi que l'investissement en personnel et matériel nécessaires
à leur réalisation.
L'espace de liberté tarifaire demandé par les
syndicats doit concerner non seulement les actes de consultation
mais aussi les actes chirurgicaux, spécifiques à
la profession. Cela explique que les disciplines médico-chirurgicales
comme l'urologie, l'ORL, l'ophtalmologie aient bénéficié
d'une revalorisation financière par l'intermédiaire
du C et du Cs contrairement aux disciplines exclusivement chirurgicales
dont les honoraires sont largement fonction du Kcc, cotation
spécifique des actes chirurgicaux.
On peut comprendre les hésitations à " modifier
le Kcc " à quelques mois de la mise en place de
la tarification à l'activité. Ce type de revalorisation
n'aurait peut être pas la sélectivité nécessaire
en faveur des spécialités les plus en difficulté.
Elle doit cependant être envisagée. La chirurgie
doit pouvoir être revalorisée de manière
sélective indépendamment des autres spécialités.
Trop longtemps, le Kc a été disponible à
toutes les spécialités. Le Kcc spécifique
de la chirurgie peut être revalorisé.
On peut aussi cibler une revalorisation des actes effectués
en urgence (dont les modalités devront être parfaitement
définies). Quand un chirurgien digestif se lève
la nuit pour faire une appendicectomie, les frais engendrés
par l'acte opératoire (et le paiement de l'aide opératoire)
ne sont pas couverts par sa rémunération ! Comment
concevoir poursuivre dans une telle direction.
Associée à de nouveaux modes d'organisation, cette
revalorisation permettra de réduire les cadences infernales
des chirurgiens libéraux, améliorant ainsi leur
qualité de vie. Les chirurgiens ne comprendraient pas
un manque d'évolutivité et d'adaptabilité
de la nouvelle nomenclature qui leur sera proposée face
aux évolutions techniques de la profession parfois aujourd'hui
imperceptibles. Ce mauvais souvenir de la NGAP hante l'ensemble
des spécialités chirurgicales. Nous devons veiller
à ne pas pérenniser les erreurs du passé.
b) Il faut régler le problème des assurances
Cette revalorisation doit prendre en compte le problème
récent des primes d'assurances qui ne sont plus supportables
par les praticiens exerçant en secteur 1. C'est la notion
de risque aléatoire qui a induit cette dérive.
On peut imaginer la création d'un " forfait risque
médical " perçu pour chaque admission en
secteur hospitalier public ou privé. Ce forfait serait
applicable pour les différents types d'admission médecine,
obstétrique et chirurgie. En rapportant le total des
primes d'assurance sur une année liées à
la couverture du risque de responsabilité médicale
de 220 millions d'euros, au nombre d'admissions (23,5 million),
le coût moyen pondéré de chaque prime serait
de moins de 10 euros par admission. L'impact financier serait
minime et suffisant pour couvrir les différents coûts
liés à la loi du 4 mars 2002 et à la loi
About. Ce coût serait pris en charge soit par le patient
lui-même, soit par les mutuelle, soit par la solidarité
nationale (CMU
)
Cette mutualisation qui repose sur les malades ne peut en aucun
cas se substituer à la nécessaire assurance obligatoire
en responsabilité civile professionnelle. Elle permet
de prendre en charge l'évolution jurisprudentielle des
20 dernières années reprise au titre de la Loi
du 4 mars 2002. Le retour à la responsabilité
pour faute prouvée se traduirait inévitablement
par un retour des primes proportionnées à la sinistralité.
L'ONIAM assurerait le risque lié aux infections nosocomiales
ayant entraîné un taux d'invalidité supérieur
à 25%, un décès ou les trous de garantie
résiduels. La prise en charge des 2/3 des primes d'assurance
par la CNAM pour les praticiens en secteur I ne serait plus
indispensable.
6. Dans le secteur Public
a) Méritocratie et centres de responsabilité
La perte de motivation a gagné tout le corps soignant
des hôpitaux publics. Les difficultés constantes
de fonctionnement, la rigueur budgétaire obligeant certaines
équipes à cesser leur activité réglée
dès le mois de novembre en raison de l'épuisement
des budgets prothèses est source de démotivation.
La non participation du corps médical aux décisions
institutionnelles qui apparaissent trop administratives est
également source de démotivation. Il faut réintroduire
de l'incitation dans l'hôpital public. Un système
de méritocratie doit être réinstallé
dans l'hôpital public. Seul un intéressement et
une implication des chirurgiens dans leur propre fonctionnement
permettra de redynamiser les équipes.
La mise en place des centres de responsabilité (ou pôles),
gérés par un trinôme médical, administratif
et infirmier nous apparaît aujourd'hui comme la seule
voie pour impliquer les chirurgiens dans le fonctionnement interne
des hôpitaux en vue de plus de performances. Faire participer
les chirurgiens à la décision dans la gestion
des services ou des pôles, leur rendre leur dignité
médicale souvent bafouée par des luttes de pouvoir
stériles avec une administration trop dirigiste nous
paraît source de motivation. Proposé comme nouveau
mode d'organisation de l'hôpital public dans les ordonnances
de 1996, ce mode de fonctionnement n'a pas été
mis en place en dehors de quelques rares exceptions car il obligeait
à réorganiser de manière horizontale l'hôpital
public en centres de responsabilités articulés
sur les activités médicales. Il obligeait à
détruire les arborescences verticales des directions
fonctionnelles, totalement étanches, peu réactives
et souvent coupées des réalités du terrain.
Une véritable décentralisation du pouvoir administratif
en vue d'améliorer les performances mais en réduisant
les prérogatives des directions fonctionnelles. Comment
ne pas imaginer des réticences ! Ces réticences
sont plus marquées dans les directions fonctionnelles
que parmi les médecins ou leurs représentants
à la CME.
La création d'un poste de Directeur Médical associé
à celui de Directeur Administratif permettrait de rétablir
un climat de confiance et de respect réciproque entre
les deux fonctions. Ce rôle ne doit pas rester consultatif.
Il doit peser dans les choix médicaux des établissements.
Les deux missions parlementaire (R.Couanaud) et ministérielle
(Pr.G.Vallancien) qui travaillent sur ce dossier devraient encourager
cette démarche.
b)Redonner tout son poids au chef d'équipe
Les qualités requises pour un chef d'équipe ne
sont pas les mêmes que celles demandées à
un bon praticien. Sélectionner des PU-PH sur leur seule
épreuve de titre paraît aujourd'hui en décalage
avec les qualités techniques et humaines nécessaires
au métier de chirurgien. Si l'on veut développer
des réseaux de soin à partir des hôpitaux
tête de secteur, il faut responsabiliser leurs chirurgiens
(PH ou PU-PH) dans leur rôle d'animateur de réseau.
C'est à eux que doit revenir l'organisation des réseaux
de soin, décloisonnés publics et privés
et mettant en jeu plusieurs établissements d'une même
région sanitaire. Les hospitalo-universitaires doivent
sortir de leur tour d'ivoire. Ils doivent prendre en charge
l'organisation régionale de la chirurgie avec le responsable
de l'observatoire de la chirurgie. Leur implication dans les
hôpitaux de proximité améliorera leur image
et renforcera l'activité chirurgicale qui y sera réalisée.
c)Evolution du statut de Praticien Hospitalier (PH)
Le statut unique de PH paraît ne plus correspondre aux
activités réalisées. Si les syndicats de
PH paraissent opposés à ce genre d'évolution,
tous s'accordent à dire qu'il faut valoriser, autour
d'un socle unique, les différentes activités auxquelles
participent les PH. Ainsi, seraient valorisées les activités
de soin pour les PH qui prennent des gardes, les activités
collectives (CME, CLIN
), ou de gestion (centres de responsabilités),
les activités d'enseignement dans les hôpitaux
universitaires. Ces activités seraient contractualisées
avec la direction sur la base d'une contractualisation interne
à l'établissement. Contractualiser les activités
de soin, réintroduire la notion de productivité
au sein de l'hôpital public apparaît comme un moyen
de valoriser la pénibilité de certains postes
de PH comme en chirurgie, obstétrique ou anesthésie.
Il faut permettre aux hôpitaux généraux
d'offrir des postes de PH attractifs pour les chirurgiens formés.
Les directeurs d'hôpitaux le demandent, de nombreux chirurgiens
libéraux le souhaitent. La mise en place des 35 heures
et le repos de sécurité vont conduire les pouvoirs
publics à créer de nombreux postes de PH dans
les disciplines concernées par ces nouvelles normes.
Ces postes devraient être ouverts à des chirurgiens
du secteur libéral à condition que la rémunération
soit attractive. Prendre en compte leur ancienneté afin
qu'ils intègrent à l'échelon correspondant
à leurs années d'exercice est une perspective
intéressante même si les syndicats de PH y sont
aujourd'hui opposés.
II) PROPOSER UN NOUVEAU MODE D'ORGANISATION DE L'HOSPITALISATION
Nous devons proposer de nouveaux modes d'organisation des établissements
et de l'offre de soin en fonction de l'existant, des moyens
humains disponibles et des besoins de la population.
1. Une offre de soin trop dispersée : Poursuivre les
restructurations
Chirurgiens et anesthésistes sont mal répartis.
Les chirurgiens sont répartis aux 2/3 dans les établissements
privés et les anesthésistes aux 2/3 dans les hôpitaux
publics. Sauf à croire que ces deux corps professionnels
ne doivent pas travailler ensemble, ce constat souligne une
certaine incohérence.
Pourtant la pénurie programmée des chirurgiens
et des anesthésistes est le seul facteur de régulation
qu'il nous reste pour poursuivre les restructurations. C'est
à partir de la démographie chirurgicale que se
feront les dernières restructurations ou elles ne se
feront pas !
Le seul impératif d'un directeur d'hôpital de proximité
est de " boucler " son tableau de garde. Peu importe
le niveau de qualification du chirurgien ou de l'anesthésiste
pourvu qu'il ait légalement le droit d'exercer. Cette
notion est en opposition totale avec la nécessité
d'offrir le maximum de compétences au malade. En France,
70% des gardes sont prises par des chirurgiens étrangers
(même dans les CHU) dont on ne connaît pas toujours
le niveau de qualification. Si nous sommes convaincus qu'il
ne faut pas faire en matière de chirurgie de protectionnisme
primaire, il paraît évident que le niveau de qualification
et de compétence des chirurgiens doit faire l'objet d'une
évaluation technique plus précise. Les concours
de PAC sont souvent une mascarade à laquelle les examinateurs
se prêtent sous la pression des tutelles, elles mêmes
en prise directe avec les responsables politiques locaux dont
le seul but est de maintenir ouvert l'établissement de
leur ville dont il est souvent le premier employeur. Mais devons
nous continuer à fonctionner ainsi ou faut il venir en
aide aux ARH dont la tâche est souvent très difficile
?
De nombreux hôpitaux maintiennent artificiellement une
activité chirurgicale exsangue avec des chirurgiens et
anesthésistes non titulaires, mieux rémunérés
que les personnels temps plein des gros établissements.
On en arrive au paradoxe ou des chirurgiens ou anesthésistes
publics ou privés préfèrent travailler
au travers d'un statut d'intérimaire que d'avoir une
activité stable dans ce type d'établissement.
Ce sont souvent les maires, présidents des conseils d'administration
qui se " battent " pour maintenir sous perfusion des
services de chirurgie ouverts. Comment cautionner plus longtemps
ce genre de paradoxe? Ces regroupements vont permettre des économies
budgétaires assez limitées estimées à
0,1% du budget des ARH, si on ne touche pas aux personnels.
Ils vont surtout permettre d'adapter l'offre de soin aux nouvelles
normes chirurgicales en assurant une qualité homogène
des prestations chirurgicales fournies.
Seule une réorganisation de l'offre de soin en regroupant
les établissements, en les hiérarchisant, (CHU,
Hôpitaux généraux et hôpitaux de proximité),
en définissant clairement leur mission de soin peut permettre
de répondre aux difficultés rencontrées.
Les difficultés démographiques annoncées
sont le seul moyen de régler les restructurations non
encore effectuées. Importer des chirurgiens étrangers
en masse permettrait de couvrir les plages de garde des établissements
publics en manque de chirurgiens mais interdirait la réalisation
des regroupements nécessaires. L'heure est venue de décider
de la pérennité d'un établissement au travers
des services rendus à la population et non pour la seule
raison qu'il est source d'emploi. Les exigences de plus en plus
fortes des normes de sécurité imposent des effets
de seuil incontournables, tant sur le plan des équipements
que au plan des effectifs médicaux et para médicaux.
Regrouper les chirurgiens sur les plateaux techniques performants
et les intégrer dans des équipes opérationnelles
est une solution à la mise en place des nouvelles normes
horaires de fonctionnement. Ces réorganisations nécessaires
vont permettre le regroupement des établissements à
l'intérieur d'un bassin de population autour des plateaux
techniques. Moins de secteurs chirurgicaux, mais des équipes
chirurgicales mieux structurées, plus denses en effectifs,
adaptées à la mission d'établissement,
telles sont les orientations souhaitables. Ces regroupements
permettront par ailleurs un rythme de gardes et astreintes moins
soutenus compatibles avec une qualité de vie acceptable.
Les patients et les chirurgien sont les premières victimes
de l'éclatement de l'offre de soin.
Il ne faut pas pour autant fermer ces établissements
reconvertis dont les services de chirurgie ne seront plus maintenus
en fonctionnement. Ces établissements doivent être
transformés en centres de soin et de post cure dont le
nombre fait grandement défaut. Trop souvent encore, des
malades sont maintenus dans des secteurs aigus par manque de
place dans des centres de post cure ou de rééducation.
Ainsi pourrait on encore diminuer la durée de séjour
dans les secteurs chirurgicaux aigus, les plus coûteux
et ramener les malades près de leur domicile dans ces
hôpitaux reconvertis.
Une hiérarchie des établissements de soin doit
être définie et pour faciliter la diffusion de
l'information médicale, pour partager le savoir mais
aussi pour sortir les équipes chirurgicales de leur isolement,
il faut relier les établissements par une organisation
en réseau.
2. Intensifier le rôle des réseaux
La mise en place des réseaux de soin doit éviter
l'isolement du chirurgien, garder le malade dans son milieu
et sa région, contribuer à la diffusion de l'information
médicale et la qualité des soins. Les CHU et les
gros CHG doivent jouer le rôle d'animateur préférentiel
mais non exclusif de ces réseaux. Ils ne doivent pas
se positionner en " aspirateurs " de malades au dépend
des établissements de proximité. Les CHU doivent
jouer ce rôle de " grands frères " dans
chaque région sanitaire. C'est dire l'impérieuse
nécessité de modifier le statut des chirurgiens
hospitaliers afin qu'ils puissent légalement sortir de
leurs établissements pour participer à ces missions
de soin de proximité. Ils doivent participer aux décisions
médicales, à l'organisation des flux de malades
et doivent se concentrer sur leurs activités spécifiques
de soin de dernier recours, d'enseignement et de recherche.
Le nombre de services universitaires doit être redéfini
dans chaque CHU dont la pérennité doit être
évaluée. Les établissements et les chirurgiens
privés doivent trouver leur place dans ces réseaux
de soin en fonction de leurs spécificités et de
leurs niveaux de compétence.
En matière de réseau, il vaut mieux privilégier
le pragmatisme et les particularités régionales
que d'imposer un dogmatisme trop formel et souvent trop théorique,
source de dysfonctionnements inévitables. Les réseaux
doivent s'appuyer sur les hommes et sur les structures. Ils
ne doivent pas être imposés, ils doivent répondre
à la cohérence médicale.
3. Décloisonner public/privé
Nous ne pouvons plus raisonner sur la base de l'existant, avec
d'un côté les établissements privés
et de l'autre les établissements publics ancrés
dans l'histoire. L'offre de soin par région est globale
publique et privée et la tarification à l'activité
dont la généralisation doit intervenir au 1er
janvier 2004 sera probablement le moyen de rapprocher deux cultures
médicales qui jusqu'alors s'affrontaient. Eviter les
doublons, optimiser les structures en place, réorganiser
l'existant en le projetant sur les besoins de demain sont les
orientations qu'il faut prendre dans les secteurs géographiques
ou pour des raisons diverses ces réorganisations ne sont
pas encore achevées. Le pragmatisme doit prévaloir.
Ce qui sera vrai en Languedoc-Roussillon peut s'avérer
impossible dans une autre région de France.
La répartition des activités se fait aujourd'hui
en France de manière caricaturale entre les deux secteurs
d'activité public et privé. Les établissements
privés ont pris dans la plupart des régions de
France 65% de l'activité chirurgicale. Mais pas n'importe
quel type d'activité : les spécialités
les plus lucratives, la chirurgie réglée, la chirurgie
ambulatoire avec plus de 80% du marché.
En France, la chirurgie réglée est l'apanage des
établissements privés alors que l'activité
d'urgence est orientée presque exclusivement vers les
établissements publics. Ce type de répartition
s'est mis en place progressivement dans la plupart des régions
de France dans des proportions identiques. C'est la création
des pôles d'urgence SAU et UPATOU préférentiellement
installés dans les hôpitaux publics qui ont induit
ces dérives. Mais peut on laisser des hôpitaux
publics ne fonctionner que sur l'urgence ? Tous les experts
chirurgicaux s'accordent à dire que le niveau de la chirurgie
d'urgence dépend directement du niveau de chirurgie réglée.
L'hôpital public perd de plus en plus des parts de marché.
Il faut donc réintroduire de l'activité chirurgicale
réglée dans les établissements publics
qui seront maintenus. Nous devons rapprocher les chirurgiens
libéraux des chirurgiens publics dans l'intérêt
des malades, des établissements, de la profession chirurgicale
et dans le souci communautaire du bon usage des deniers publics.
L'évolution des statuts de médecins doit avoir
pour objectif le décloissonnement des structures publiques
et privées.
4. Décloisonner universitaire et non universitaire
Tout paraît opposer le monde chirurgical public et privé
: mode de rémunération, type d'activité,
profils de carrière
Pourtant tout laisse à
penser que seul un rapprochement de mentalité et des
deux modes d'exercice permettra de répondre aux exigences
actuelles. Chaque chirurgien a un rôle sanitaire à
jouer. Il n'en a pas toujours une perception exacte et considère
que son mode d'exercice personnel prévaut sur l'organisation
générale.
C'est ce qui doit changer aujourd'hui ! L'universitaire doit
parfaitement être imprégné de ses missions
spécifiques de soin hyperspécialisé et
de recherche. Il doit garder la charge de l'organisation concernant
les domaines de l'enseignement, de la formation et de la recherche
dans les trois cycles des études médicales. Le
non universitaire a vocation première à faire
du soin de proximité. Tous deux doivent se retrouver
autour des missions d'enseignement que l'évolution des
statuts doit permettre en toute légalité. Tous
deux doivent se retrouver dans les animations de réseaux
qui vont prévaloir dans l'organisation chirurgicale.
Le plateau technique et les compétences chirurgicales
doivent définir le niveau de prise en charge chirurgicale.
5. Le plateau technique plaque tournante de l'activité
chirurgicale
Nous devons proposer une modernisation de l'offre de soin en
l'articulant autour des plateaux techniques dont le positionnement
et le mode de fonctionnement doivent être réinventés.
Trois niveaux de plateaux techniques vont définir le
niveau de chirurgie. Le plateau technique sera accolé
à des structures de prise en charge post-opératoire,
soins intensifs ou réanimation, lits à soins coûteux.
Le seuil de viabilité de l'activité chirurgicale
d'un plateau technique est défini à 200 000 Kc
par an et le seuil minimum d'activité d'un chirurgien
est de 400 interventions par an. La notion d'équipe chirurgicale
doit être réintroduite autour de 4 à 6 chirurgiens
minimum. En deçà, il faut se poser la question
de la pérennité du plateau technique, et donc
du maintien de la chirurgie. Beaucoup de petites structures
sont loin de ces indices.
Il faut ouvrir aux chirurgiens libéraux les plateaux
techniques des hôpitaux publics souvent plus performants
et accolés à des structures de réanimation
polyvalente que les établissements privés ne peuvent
plus supporter. Les directeurs d'établissements publics
demandent de telles évolutions. Les chirurgiens libéraux
accepteront ce mode de fonctionnement à condition que
le malade reste sous leur responsabilité et que la rémunération
de l'acte se fasse selon leur secteur d'exercice, c'est à
dire à l'acte en attendant la mise en place de la tarification
à l'activité. La revalorisation des postes de
PH à temps partiel peut aussi répondre à
cette attente. Le système des médecins attachés
rémunérés à la vacation doit être
abandonné.
Il ne correspond plus au service rendu.
Mais il faut imaginer une contre-partie pour les chirurgiens
publics qui accueilleront leurs homologues libéraux.
Cette contre partie doit être incitative. Soit au travers
d'une activité libérale en hôpital général,
soit en permettant à ces praticiens de pouvoir exercer
une partie de leur activité en établissement privé,
là encore, en fonction du niveau du plateau technique.
Car la particularité du système de soin français
est la présence de deux systèmes parallèles
tous deux financés par la solidarité nationale
: chirurgie égalitaire, chirurgie de qualité,
absence de liste d'attente, homogénéité
de la qualité des soins chirurgicaux sur l'ensemble du
territoire sont des caractéristiques de la chirurgie
française. Il faut tout faire pour les préserver.
La qualité encore homogène de la chirurgie dans
les villes non universitaires est liée au bon niveau
de la chirurgie privée issue du moule de formation que
représente l'hôpital public universitaire. Les
hôpitaux publics de proximité ont des difficultés
à offrir le niveau de qualité exigé aujourd'hui,
plus à cause de la compétence de leurs chirurgiens
que par le niveau d'équipement de leurs plateaux techniques.
Nous devons donc introduire de l'attractivité au niveau
des hôpitaux publics. Seul leur décloisonnement,
et leur participation à des réseaux de soin donnera
aux jeunes chirurgiens l'envie d'y travailler.
6.Le fonctionnement des blocs opératoires
Dans les hôpitaux publics, les blocs opératoires
fonctionnent souvent mal. Les activités d'urgence de
la nuit désorganisent l'activité des blocs opératoires
dans la journée. L'urgence est responsable d'un nombre
important de déprogrammations de l'activité réglée.
Cela se traduit par une moindre rentabilité des blocs
opératoires et par une activité moins importante
que dans le secteur privé. L'activité opératoire
d'un bloc opératoire peut varier du simple au double
: de 98 632 Kc/salle/an en secteur privé sous OQN à
41 249 Kc/salle/an en hôpital général en
moyenne (tableau 10).
Parmi les facteurs de sous activité des blocs opératoires
des hôpitaux publics, on constate un manque de coordination
du bloc opératoire et une déresponsabilisation
des acteurs. " Ce n'est la faute de personne si le malade
a du retard. Les 10 minutes de retard du brancardier se surajoutent
à celle de l'infirmière, de l'anesthésiste
occupé dans une autre salle, du chirurgien qui dicte
son compte rendu opératoire, de l'IBODE qui a du mal
à sonder le malade
Bref, 1 heure de perdue par la
faute à personne ! " Nous devons repenser le mode
d'organisation des blocs opératoires. Les enchaînements
de malades sont anormalement longs, les programmes s'éternisent
souvent au delà d'horaires acceptables expliquant les
reports de malades au lendemain et le nombre importants d'heures
supplémentaires dans le personnel infirmier.
Nous proposons la création de postes de coordinateurs
de blocs opératoires, véritables nouveaux métiers
assurant une efficacité des ces structures. Ce coordinateur
(trice) doit avoir la liberté d'action et l'autorité
sur tous les acteurs du bloc opératoire (chirurgien compris).
Ce coordinateur fonctionnerait sous l'autorité du médecin
responsable du centre de responsabilité. Son statut devrait
le situer en dehors des postes soignants traditionnels pour
des raisons d'efficacité. Le principe de l'intéressement
à l'activité paraît parfaitement adapté
à ce type de postes.
7.La chirurgie ambulatoire
Depuis de nombreuses décennies, le constat est le même.
La chirurgie ambulatoire ne " décolle pas "
dans les hôpitaux publics. Pourquoi ? Parce que la chirurgie
ambulatoire n'est pas valorisée. Le nombre de points
ISA d'un acte effectué en ambulatoire est inférieur
à celui du même geste effectué dans une
structure d'hospitalisation traditionnelle.
Le concept de chirurgie ambulatoire suppose une organisation
spécifique de l'activité chirurgicale, depuis
l'accueil des malades, la réalisation du geste, jusqu'à
sa prise en charge post-opératoire, et à la mise
en place du suivi au domicile. C'est une culture différente
de la chirurgie traditionnelle. Elle concerne à des degrés
différents toutes les spécialités chirurgicales.
Faire décoller la chirurgie ambulatoire c'est possible.
A condition d'y intéresser les acteurs que sont les malades,
les chirurgiens et les gestionnaires d'établissements.
Le malade acceptera, si on lui propose, sous réserve
d'une explication claire, d'une validation médicale,
un mode de prise en charge ambulatoire alternative à
l'hospitalisation conventionnelle.
On peut facilement imaginer que la chirurgie herniaire bénéficie
d'un mode de prise en charge plus avantageux pour le malade
s'il se fait opérer dans le cadre d'une structure de
chirurgie ambulatoire. Les chirurgiens seront à même
de définir les malades auxquels ce mode de prise en charge
ne peut pas être proposé pour des raisons médicales
ou d'éloignement géographique.
Le chirurgien sera convaincu si on lui propose une valorisation
de son acte réalisé en ambulatoire en compensation
d'un nouveau mode d'organisation qui lui sera proposé.
Les gestionnaires y trouveront leur compte si les actes éligibles
pour la chirurgie ambulatoire sont effectivement effectués
en ambulatoire, ce qui est aujourd'hui le cas dans les établissements
privés et qui doit être mis en place dans les établissements
publics si la chirurgie ambulatoire devient une priorité.
Nous pensons que les centres de chirurgie ambulatoire doivent
être conçus de manière autonome, à
proximité des établissements hospitaliers auxquels
ils seront reliés, ouverts aux chirurgiens publics et
privés. C'est donc le mode d'hospitalisation qui doit
prévaloir. La culture du rapprochement des chirurgiens
sur cette même structure doit servir au décloisonnement
des activités.
8.L'urgence
L'urgence chirurgicale concerne en grande partie l'hôpital
public. N'est il pas normal qu'un jeune chirurgien compétent
choisisse un exercice organisé dans un établissement
privé plutôt que de devoir assumer les difficultés
et les contraintes de l'urgence dans un établissement
public ?
Activités d'urgence et programmée sont étroitement
liées et s'exercent le plus souvent sur le même
plateau technique. Si cela paraît justifié dans
certaines spécialités (viscérale, vasculaire,
urologie
) le rythme et le nombre important des malades
opérés en urgence en chirurgie osseuse pose le
problème de nouveaux modes d'organisation. Les blocs
opératoires d'orthopédie traumatologie sont souvent
désorganisés par l'afflux des urgences osseuses
qui déstabilisent les programmes réglés.
Comment ne pas vouloir proposer un nouveau mode de fonctionnement
pour l'activité orthopédique réglée
puisse se faire indépendamment de l'activité traumatologique
d'urgence. La qualité de la prestation offerte au malade
dépend de ce nouveau mode d'organisation. Dans certains
établissements le bloc d'urgence est peut être
la solution ?
Dans l'éventualité contraire, mieux vaut supprimer
l'activité d'urgence et transférer les patients.
Les SMUR ou SAMU sont de plus en plus performants, ils orientent
les patients vers les centres appropriés. L'urgence vitale
est dans l'immense majorité des cas transférée
vers des centres ou les plateaux techniques et les compétences
permettent une prise en charge globale, faisant appel à
plusieurs spécialités chirurgicales (c'est le
cas très particulier de la poly-traumatologie).
III) REORGANISER LA CHIRURGIE
La culture de l'évaluation introduite par l'accréditation
des établissements de santé a mis en évidence
la nécessité de réorganiser la chirurgie.
La crise démographique souligne le manque d'attractivité
de la profession qui doit se réorganiser pour proposer
aux jeunes en formation l'image d'une profession conforme aux
exigences sanitaires mais aussi à leurs aspirations personnelles.
Toute réorganisation de la chirurgie doit s'appuyer sur
les besoins de la population.
2. L'observatoire régional de la chirurgie
La comparaison des différentes sources sur la démographie
chirurgicale traduit la difficulté de recensement des
chirurgiens en exercice, spécialité par spécialité.
La projection démographique est difficile à faire
de manière exacte, ce qui souligne la nécessité
d'un observatoire régional de la chirurgie qui aurait
comme mission essentielle d'évaluer les besoins de la
population, de faire des projections sur les évolutions
de carrière des chirurgiens en formation afin d'anticiper
sur les dérives éventuelles. Une modélisation
du besoin par région parait devoir être effectuée
pour chaque spécialité. Cet observatoire sera
représenté par un chirurgien référent
détaché à l'ARH ou à l'ARS (agence
régionale de santé). Ce chirurgien doit travailler
en étroite collaboration avec les responsables du DESC
de chaque discipline, des collèges et des CNU. Mieux
vaut régionaliser l'observatoire de la chirurgie que
de créer une nouvelle structure centrale, véritable
usine à gaz éloignée du terrain. La centralisation
des informations sera plus facile et permettra des rééquilibrages
par région.
L'observatoire doit également jouer le rôle de
structure de veille sur l'évaluation de la chirurgie
dans la région et l'évaluation des pratiques en
rapport avec l'ANAES.
Son action serait aussi déterminante dans le cadre des
regroupements et maillages (mise en réseau) au sein des
établissements chirurgicaux de la région.
2. La régulation de l'installation
Les études de la démographie médicale font
apparaître une mauvaise répartition des effectifs
sur le territoire français. La liberté d'installation,
l'absence de prospective régionale basée sur les
besoins de la population expliquent ces disparités.
Comment mieux organiser la démographie chirurgicale qu'en
adaptant par région les effectifs aux besoins ? Il faut
mettre en place les filières chirurgicales dans toutes
les spécialités par région, y compris pour
la chirurgie générale dont il faudra mieux définir
le champ d'action. On ne peut plus concevoir que le nombre de
places d'internes en chirurgie soit fixé arbitrairement
par les tutelles sans que soit fixé le nombre de places
en chirurgie viscérale, orthopédique, vasculaire
ou urologie ? Plus que par la coercition, il vaut mieux avoir
recours à des mesures incitatives pour attirer les jeunes
vers ces carrières à forte pénibilité.
Comme l'ont fait les orthopédistes il nous paraît
indispensable que chaque spécialité puisse définir
par région ses besoins et leur évolution dans
le temps. Leur appréciation sera plus exacte, les effectifs
plus rapides à adapter. Ce n'est qu'après avoir
poussé à son terme la logique d'optimisation des
moyens humains en chirurgie que l'on pourra penser importer
des chirurgiens étrangers. Peut on laisser germer l'idée
que la chirurgie générale et viscérale
est trop pénible et insuffisamment valorisée pour
qu'elle ne soit plus assurée par des chirurgiens français
?
C'est le chemin que nous sommes en train de prendre faute d'avoir
voulu regarder les problèmes en face. La mauvaise gestion
des effectifs médicaux depuis vingt ans a conduit des
générations entières de jeunes français
qui voulaient faire des carrières médicales ou
chirurgicales à être recalés et aujourd'hui,
parce que nous nous sommes trompés, on voudrait nous
faire croire que l'avenir de la chirurgie française passe
par une importation massive d'un sous prolétariat chirurgical
?
Il nous paraît grand temps de mettre en place les filières
chirurgicales pour toutes les spécialités chirurgicales.
Le niveau et le programme de formation sera élaboré
au niveau national par les CNU et collèges respectifs
en conformité avec les normes européennes. Le
nombre de postes d'internes à former sera défini
par l'observatoire régional de la chirurgie, région
par région, spécialité par spécialité
à partir des besoins de la population. Si les postes
d'interne ouverts ne sont pas occupés par des internes
français, ils devraient être prioritairement offerts
à des internes étrangers qui prendront l'engagement
d'exercer leur métier en France, tout au moins pendant
un certain nombre d'années. Il en sera de la responsabilité
des chirurgiens hospitalo-universitaires. Nous partons du principe
qu'à partir du moment ou le besoin chirurgical modélisé
sera ainsi défini, (et non en fonction du besoin de fonctionnement
des services) il sera plus important de prendre en charge de
futurs chirurgiens au stade d'interne que de les valider plus
tard sans s'être soucié de leur formation antérieure.
Mais il faut aussi faire en sorte que les chirurgiens formés
au delà de leurs 5+2 années de cursus s'installent
dans la région qui les a formés. Plusieurs pistes
ont été proposées pour mieux gérer
la répartition géographique des effectifs. Elles
peuvent aller de l'obligation temporaire d'installation, véritable
service public minimum de 5 ans dans la région de formation
avant que le chirurgien ne retrouve son entière liberté
d'installation. Ces 5 années pourraient inclure les deux
ans effectués au CHU correspondant au clinicat et trois
ans passés dans un service de chirurgie en hopital général,
la formation étant sous le controle du service universitaire.
On peut également proposer des mesures incitatives, défiscalisation,
primes d'installation, création de véritables
zones franches chirurgicales dans les régions les moins
attractives. On peut également proposer des primes de
mobilité ou primes de transfert pour encourager des chirurgiens
à exercer dans des zones en sous effectif.
3. Les carrières universitaires
Il nous paraît important de faire de vrais chirurgiens
universitaires et non de faux chercheurs. Les exigences du cursus
universitaire ont éloigné les chirurgiens des
préoccupations principales de leurs métiers. Combien
d'internes en chirurgie, ont pendant leur année de DEA
servi de petite main dans des laboratoires de recherche dans
le seul but de se constituer leur épreuve de titre et
non de faire de la recherche chirurgicale ? Le chirurgien doit
trouver toute sa place dans des équipes multidisciplinaires
de recherche.
La recherche en chirurgie doit être réorientée
: autour des bio-matériaux, de la robotique, des transferts
d'image, de l'informatique
et non plus dans des laboratoires
de biologie moléculaire ou de recherche fondamentale.
De nouveaux DEA doivent être organisés par les
chirurgiens dans cette direction.
L'enseignement est spécifique aux carrières universitaires.
Comment pouvoir être à la fois, chirurgien, enseignant,
chercheur et bientôt gestionnaire ? C'est plutôt
vers une activité modulaire que l'on s'oriente, activité
contractualisée dans le temps et accessible à
tous praticiens qui en manifesteraient le désir ou en
auraient la compétence. Le titre de professeur à
vie n'incite pas à une grande motivation. L'enseignement
et la recherche clinique doivent ils être exclusivement
réservés aux hospitalo-universitaires ? L'organisation
et le contrôle de l'enseignement reviennent naturellement
aux professeurs titulaires ( anciens titulaires de chaire).
Il en est de meme pour l'enseignement concernant le troisième
cycle des études médicales.
Un chirurgien libéral devrait pouvoir faire de l'enseignement
dans sa discipline et accéder au rang de Professeur associé,
statut contractuel et limité dans le temps. Pourquoi
ne pas imaginer qu'un chirurgien libéral dont les travaux
scientifiques et les aptitudes à l'enseignement en feraient
un référent dans son domaine ne puisse pas accéder
au rang de Professeur titulaire ? Car il faut aussi décloisonner
l'enseignement. La mise en place de réseaux de soin avec
une prise en charge hiérarchisée des activités
chirurgicales va inévitablement orienter les flux de
malade en fonction des plateaux techniques. Les hôpitaux
universitaires, véritables hôpitaux hyper spécialisés
ou de recours n'offriront pas aux jeunes les pathologies courantes
qu'ils seront amenés plus tard à prendre en charge.
Permettre aux internes en formation de se former dans des hôpitaux
généraux ou dans des établissements privés
spécialisés dans certaines pathologies relève
de la cohérence. Les contrats d'enseignement pourront
être proposés aux chirurgiens préférentiellement
mais non exclusivement universitaires. Les budgets d'enseignement
y seront associés.
4. L'obsolescence du DES de Chirurgie Générale
et la révision des maquettes
Le passage obligé pour la plupart des spécialités
chirurgicales par le DES de chirurgie générale
paraît aujourd'hui en décalage avec les impératifs
de la formation chirurgicale.
La chirurgie générale n'existe plus. Elle ne correspond
plus aux exigences de qualité et d'hyper spécialisation
dues aux évolutions des métiers de la chirurgie.
Pourtant certains hôpitaux isolés pourraient correspondre
aux profils de chirurgiens polyvalents.
Il faut donc modifier les maquettes des internes en formation
dès que les filières seront clairement définies.
C'est aux collèges et CNU qu'appartient la définition
des maquettes. Il sera plus utile à un interne inscrit
dans la filière de chirurgie digestive de faire 6 mois
ou 1 an en gastro-entérologie que de faire 1 an de chirurgie
orthopédique. Ces maquettes doivent tenir compte des
glissements de frontières entre spécialités.
Ainsi, un chirurgien vasculaire devrait bénéficier
d'un ou deux semestres en radiologie interventionnelle de même
qu'un chirurgien cardiaque devrait passer en réanimation
cardio vasculaire
..
Les services formateurs doivent être régulièrement
évalués. Tous les services chirurgicaux de CHU
ne doivent pas être étiquetés automatiquement
formateurs. Certains hôpitaux généraux et
certains grands centres privés, hyper spécialisés
doivent pouvoir prétendre devenir services formateurs.
C'est un facteur d'émulation pour les praticiens qui
y travaillent. C'est aussi le moyen de permettre aux jeunes
internes en formation de se faire une idée sur la chirurgie
hors CHU.
7. La formation chirurgicale en Europe
La formation des chirurgiens devrait etre harmonisée
au sein de la communauté européenne. Les échanges
seraient bénéfiques au travers des différentes
spécialités, certains balbutiements existent déjà
représentés par des coopérations trans-frontalières.
La mise en place des " european board " pourrait représenter
l'aboutissement des formations européennes. Il en va
de meme pour la formation chirurgicale continue qui aura progressivement
une connotation européenne.
6. L'organisation de la formation continue et l'évaluation
des compétences
La formation chirurgicale continue s'est tardivement organisée
de manière professionnelle. L'université assure
la formation initiale, les collèges de spécialité
la formation continue.
La formation continue a trop longtemps été laissée
à la discrétion de l'industrie médicale
bien structurée mais dont l'optique reste cependant très
commerciale. L'accréditation délivrée par
l'ANAES aux établissements de soin ne répond pas
à ces exigences. On est en droit de se demander s'il
ne faut pas aller vers une certification chirurgicale véritable
brevet d'exercice délivré à des chirurgiens
pour réaliser certains types d'interventions. Car le
métier de chirurgien est un métier mixte ou les
connaissances médicales doivent être associées
à une maîtrise technique des gestes à réaliser.
En France, un chirurgien titulaire du diplôme de chirurgie
peut effectuer une intervention chirurgicale sur un malade pour
la première fois sans avoir répondu de manière
obligatoire à une évaluation de son niveau de
technicité. Comme cela se voit pour l'utilisation de
nouveaux médicaments qui ne peuvent être utilisés
en clinique qu'après avoir obtenu l'AMM (autorisation
de mise sur le marché), on peut imaginer que toute nouvelle
technique chirurgicale une fois validée, doive suivre
une procédure de diffusion ? Si la profession ne le met
pas en place, c'est la judiciarisation du métier qui
va l'imposer.
Les compétences chirurgicales doivent être vérifiées
au cours du temps. L'obtention du diplôme de chirurgien
permet d'exercer le métier tout au long de sa vie jusqu'à
la retraite. Pourtant les techniques évoluent sans cesse.
La technicité doit être remise en question. On
a vécu cette évolution avec la chirurgie laparoscopique
en chirurgie digestive et on est en train de le vivre avec la
chirurgie endo-vasculaire. Qu'en sera t-il lorsque la robotique
entrera en force dans les blocs opératoires ?
7. L'importation des chirurgiens étrangers
La profession doit prendre l'entière responsabilité
de la gestion des ses effectifs en rapport avec le ministère,
les ARH et l'observatoire régional de la chirurgie. L'importation
de chirurgiens étrangers ne peut s'envisager que lorsque
les restructurations seront achevées et que tous les
chirurgiens exerçant sur le territoire auront été
utilisés au maximum de leurs compétences.
Si elle devait avoir lieu, cette importation devrait veiller
à la mise en place d'une sélection stricte de
la qualification des chirurgiens importés, non seulement
sur le plan théorique mais surtout sur le plan technique
par des stages d'évaluation dans les services validants.
Cette solution doit être l'ultime recours. Dans l'immédiat,
il faut optimiser les moyens chirurgicaux en place. Plusieurs
pistes peuvent être proposées.
a) Donner les moyens de travailler aux chirurgiens en poste
Nous allons manquer de chirurgiens mais le nombre de chirurgiens
n'a jamais été aussi élevé ! La
productivité chirurgicale est très inégale
dans les deux secteurs d'activité. L'activité
opératoire moyenne d'un chirurgien public est de 24 000
Kc par mois alors que l'activité moyenne d'un chirurgien
privé est de 60 000 Kc. Certes on peut imaginer qu'il
ne s'agit pas tout à fait du même type de chirurgie
mais le Kc opératoire moyen en public n'est que de 10%
supérieur au Kc moyen du secteur privé.
Les chirurgiens des hôpitaux publics sont en sous activité
chronique car l'hôpital public est devenu une structure
de moins en moins efficiente, insuffisamment imprégnée
de la notion de rentabilité, quelquefois submergée
par l'urgence source de désorganisation permanente, les
35 heures, le repos de sécurité et bien d'autres
contraintes. Le chirurgien comme tous les acteurs de l'hôpital
public est confronté aux lourdeurs administratives, aux
réunions multiples et inefficaces, aux lenteurs de fonctionnement
des blocs opératoires véritables structures à
ne plus opérer. Plus de souplesse, plus de réactivité
et l'on redonnera confiance aux chirurgiens publics qui ont
choisi la voie de ne pas s'installer. La dynamique chirurgicale
doit réinvestir l'hôpital public. Il faut réintroduire
la notion d'incitation à l'activité.
A l'opposé, les chirurgiens privés sont en suractivité
croissante pour compenser l'augmentation incessante des charges.
Toujours plus d'activité, car toujours plus de charges
professionnelles et des actes qui ne sont toujours pas revalorisés.
Comment ne pas imaginer un phénomène d'épuisement
?
Seul un décloisonnement des secteurs d'activité
et une optimisation des personnels chirurgicaux existants permettra
de faire face à la crise annoncée. Optimiser les
moyens humains existants qu'ils exercent dans le secteur privé
ou public, est la seule voie qui permette à court terme
de répondre à cette crise sociétale. Recenser
les compétences chirurgicales publiques et privées
dans une même ville ou dans un même secteur sanitaire
afin d'organiser la permanence des soins, mettre en commun les
astreintes sur un seul site (éventuellement tournant),
impliquer les chirurgiens publics et privés dans cette
astreinte doit permettre de libérer les chirurgiens du
rythme contraignant des gardes et astreintes.
b) Utiliser les chirurgiens à leur niveau de compétence
La sous-activité des chirurgiens publics submergés
par les urgences est souvent liée au manque d'attractivité
des hôpitaux généraux et au faible recrutement
nominatif de leurs praticiens. Plusieurs milliers de postes
de PH vacants, plusieurs milliers de postes nouvellement budgétisés
avec la mise en place du repos de sécurité. Ou
va-t-on trouver ces effectifs médicaux si on ne modifie
pas l'offre de soin ?
L'isolement des équipes chirurgicales des hôpitaux
généraux doit être améliorée
en intégrant par région ces praticiens dans des
réseaux de soin en relation directe avec les établissements
tête de secteur ou hospitalo-universitaires. Déplacer
les chirurgiens référents d'une région
sur les établissements de proximité permettra
à ces structures de prendre en charge des malades sur
leur lieu de résidence en augmentant l'attractivité
de ces équipes et donc le recrutement. Cela passe par
une meilleure définition du niveau de compétence
de chaque praticien qui se verra confier des malades en fonction
de son niveau technique mais aussi de son plateau technique.
Seuls les malades dits lourds seront transférés
et seront pris en charge sur l'établissement tête
de secteur par le chirurgien référent en collaboration
avec son confrère exerçant sur l'hôpital
de proximité, si ce dernier le souhaite. Dès la
phase aigue post opératoire passée, le malade
sera transféré sur l'établissement de proximité
au plus près de sa famille. Evaluer les compétences
de chacun, faire prendre conscience à chaque chirurgien
qu'il a un rôle à jouer dans le système
sanitaire français, qu'il n'est pas dévalorisant
de faire des interventions chirurgicales mineures à condition
de le faire bien et d'être reconnu comme le référent
dans ce domaine. Nous devons définir de façon
précise la mission sanitaire de chaque chirurgien français.
Il y a encore un trop grand décalage entre le type de
chirurgie enseigné dans " la maison mère
" que constitue le service universitaire et la mission
future du chirurgien qui s'installe. Nous devons définir
des profils de poste chirurgicaux qui seront établis
en fonction des besoins de la population, des plateaux techniques,
et des compétences chirurgicales. Notre rôle est
de les rendre, par région, lisibles, attractifs et surtout
d'y mettre des chirurgiens motivés et conscients de leurs
missions.
c) Utiliser tous les chirurgiens qui en expriment le désir
Les chirurgiens en fin de carrière qui souhaitent poursuivre
leur activité au delà de l'age légal de
la retraite doivent pouvoir effectuer des missions chirurgicales
dans des secteurs en manque de praticiens. Faire de l'humanitaire
dans des régions à faible densité chirurgicale
ne serait il pas un moyen de venir en aide aux secteurs chirurgicaux
le plus en difficulté ? Constituant souvent de véritables
autorités morales dans chaque région, ces praticiens
pourront soit poursuivre une activité de soin pour encadrer
les plus jeunes et améliorer ainsi leur niveau de compétence,
soit s'investir dans les missions de réorganisation qui
vont devenir de plus en plus nombreuses. Les observatoires régionaux
de la chirurgie peuvent correspondre à ce type de compétence.
d)Des nouveaux métiers
Comme pour les ophtalmologistes, le glissement des tâches
est un moyen de récupérer du temps chirurgical.
Des optométristes, aptes à régler les problèmes
d'acuité visuelles libéreraient les chirurgiens
ophtalmologistes de certaines tâches et offriraient ainsi
plus de temps chirurgical. La projection des besoins en ophtalmologie
doit tenir compte de ce type d'évolution. La réglementation
doit évoluer dans ce sens.
Sans vouloir prôner les officiers de santé, on
peut imaginer la création d'un corps d'assistants opératoires
capables et habilités à réaliser certains
gestes chirurgicaux. La chirurgie des centres hospitalo-universitaires
fonctionne selon ce principe en raison de la présence
des internes et des chefs de clinique. La chirurgie privée
est souvent réalisée à deux, parfois dans
des conditions difficiles en raison du coût des aides
opératoires.
Chaque spécialité peut définir des temps
chirurgicaux délégables à des techniciens
opératoires, véritables assistants de chirurgie.
Comme cela se fait au Japon pour les anastomoses micro chirurgicales
qui sont faites par des techniciens rodés à ces
techniques avec la même précision et sécurité
que celles d'un chirurgien.
IV)OFFRIR UNE AUTRE IMAGE DE LA CHIRURGIE AUX JEUNES EN FORMATION
1. Offrir une autre perspective de vie aux plus jeunes
Les carrières chirurgicales manquent souvent de lisibilité
pour les plus jeunes justifiant leur manque d'enthousiasme pour
les spécialités chirurgicales les plus pénibles
comme la chirurgie viscérale ou l'orthopédie.
Ces disciplines ne sont pas délaissées par manque
d'attractivité technique ou médicale. Elles sont
abandonnées car elles sont devenues, dans l'état
actuel de leur exercice, incompatibles avec le rythme de vie
auquel aspirent nos jeunes confrères. Une revalorisation
financière seule ne suffirait pas à modifier cette
évolution actuelle. Nous devons repenser les carrières,
les modes d'exercice, le temps de travail, le rythme des gardes
et astreintes.
Les chirurgiens doivent travailler en groupe, par fédérations
de services ou dans des cabinets chirurgicaux. Le nombre idéal
de chirurgien dans ces maisons chirurgicales doit être
défini dans chaque spécialité et selon
le lieu d'exercice. C'est le seul moyen de permettre à
la profession de s'organiser et d'offrir des perspectives de
vie personnelle et professionnelle attrayante pour les jeunes.
C'est autant la qualité de vie pendant la période
de formation, que pendant les années d'exercice qui rebutent
les jeunes internes. Il faut donc augmenter le nombre d'internes
en formation pour leur permettre de choisir les disciplines
chirurgicales. Pour cela, il faut valoriser les carrières
chirurgicales.
2. Organiser une campagne de promotion pour la chirurgie
L'image actuelle de la chirurgie française est celle
d'une profession en crise. Plus les difficultés vont
apparaître et plus l'image de la chirurgie française
va se dégrader. Comment motiver les jeunes générations
si les chirurgiens donnent d'eux mêmes une image négative?
Les chirurgiens eux mêmes doivent positiver leur métier.
La chirurgie doit sortir de cette spirale infernale d'une profession
sinistrée. Nous proposons une campagne nationale d'information
et de promotion sur les différents aspects, techniques,
sociologiques, organisationnels de la chirurgie en France. C'est
un moyen efficace de motiver les plus jeunes et de faire prendre
conscience à nos concitoyens que la chirurgie a changé,
qu'elle est devenue une profession organisée, structurée,
responsable, sortie de son individualisme.
Comme le fait l'armée lorsqu'elle est confrontée
à des problèmes de recrutement, la chirurgie française
en relation avec le ministère de la santé et toutes
les organisations professionnelles doit se lancer dans cette
aventure. Il en va de sa pérennité et du maintien
de son niveau au plan international.
3. Modifier le concours à l'internat
Le système du concours national réduit la réactivité
de chaque discipline face aux problèmes démographiques.
Régionaliser la santé, d'abord sur la base d'une
expérimentation avant de l'étendre à tout
le territoire devrait permettre au travers de l'observatoire
de la chirurgie de répondre aux besoins de la population.
Le principe de l'internat national pénalise les villes
du Nord à moindre attractivité. La suppression
des disciplines telles que l'anatomie aux épreuves d'internat
a éloigné les jeunes des vocations chirurgicales.
Ne faut il pas mettre en place des coefficients différents
au concours d'internat selon les orientations souhaitées,
médicale, chirurgicale, biologique ou santé publique
?
Dès le concours 2003, il faut augmenter le nombre de
places en chirurgie et réintroduire les filières
de manière urgente. Les conséquences d'une telle
décision ne seront perceptibles que dans 5 à 7
ans, période pendant laquelle la chirurgie française
entrera en plein dans la crise démographique.
Contrairement aux principes de sélection traditionnels,
il faut pouvoir ouvrir les places de chirurgie à des
internes classés au delà des places traditionnellement
validantes pour médecine ou chirurgie.
4. Augmenter et modifier le numerus clausus
La désaffection pour les carrières scientifiques
de 5 à 6% chaque année affecte également
les carrières médicales. Elle traduit de nouvelles
orientations des jeunes pour les métiers du droit, de
la communication au détriment des carrières réputées
plus longues et plus laborieuses. Le rapport Berlan sur la démographie
a souligné la nécessité d'ouvrir le numerus
clausus dont le nombre est passé à 5100 pour 2003.
La mission a proposé que le nombre d'étudiants
soit remonté de 750 par an sur une période de
4 ans pour atteindre 8000 étudiants en 2007. On peut
espérer que grâce à ces rééquilibrages,
nous motiverons les jeunes pour le métier de chirurgien.
Mais la féminisation de la profession qui atteint 65%
pour les dernières promotions risque d'augmenter les
difficultés de recrutement des disciplines chirurgicales
actuellement peu féminisée telles que l'orthopédie,
la chirurgie viscérale, l'urologie ou la chirurgie vasculaire.
Le tronc commun de première année ouvert à
toutes les filières médicales et para médicales
ne devra-t-il pas réserver des places aux futurs chirurgiens
? Cette piste ne se justifierait pas si nous pouvions conclure
que les avancées technologiques et la robotisation permettraient
d'entrevoir une plus large participation des femmes à
ces disciplines aujourd'hui peu féminisées. Une
troisième voie consisterait à modifier le système
de sélection des matières enseignées en
première année en vue d'atteindre la parité
filles/garçons.
La mise en place de ces mesures peut se faire rapidement. Son
retentissement sur la démographie chirurgicale ne sera
pas perceptible avant 12 à 15 ans, durée actuelle
de formation d'un chirurgien.
CONCLUSION
La chirurgie française a longtemps occupé le haut
du cortège international de la chirurgie mondiale, en
ligne directe avec les grands noms prestigieux de la chirurgie
du Xxème siècle. Ce début de XXIème
siècle est marqué par des difficultés profondes
de la profession en proie à une crise sociétale.
La professionnalisation du métier de chirurgien et les
exigences de sécurité ont entraîné
la chirurgie française dans une mutation profonde ou
se mêlaient révolution technologique et révolution
sociologique.
La révolution technologique, liée à l'entrée
de l'image, de l'informatique et bientôt de la robotique
dans les blocs opératoires a permis aux jeunes chirurgiens
de prendre en charge les destinées de leur profession.
Ils s'y sont parfaitement adaptés.
La révolution sociologique paraît plus difficile
à affronter tant les évolutions ont été
meurtrières pour la profession et son image trop souvent
dévalorisée.
A quoi ressemblera le chirurgien de demain ? Nous ne pouvons
pas nous résoudre à l'idée qu'il entrera
dans la génération " 35 heures " très
syndiqué et en quête de la RTT. Nous pensons cependant
que si les évolutions ne se font pas vers de nouvelles
perspectives de carrière mais aussi de vie personnelle
des chirurgiens, la crise des vocations va s'aggraver au dépend
des disciplines mères de la chirurgie, trop pénibles,
trop dures et trop peu valorisées. Par respect pour les
malades nous osons penser que les pistes d'organisation nouvelles
que nous proposons vont permettre aux décideurs d'y voir
plus clair et de montrer par une volonté clairement affichée
que tout sera fait pour sauver la chirurgie française
et lui permettre de retrouver le rang qu'elle n'aurait jamais
du perdre.
Figures et tableaux n'ont pas pu être
placés sur le site
Figure 1 : évolution du Kc opératoire dans le
temps
Figure 2 : évolution du Kc par rapport au coût
de la vie
Figure 3 : effectifs en chirurgie générale en
France par tranche d'age
Figure 4et 5 : internes en chirurgie générale
en Europe
Figure 6 et 7 nombre de chirurgiens par spécialité
en Europe
Figure 8 : nombre de chirurgiens généraux par
rapport aux autres spécialités en Europe
Tableau 1 :effectifs en chirurgie par spécialités
(sources DREES 2001)
Tableau 2 : Nombre de places d'internes en chirurgie
Tableau 3 : internes inscrits au DES de chirurgie viscérale
Tableau 4 : départs à la retraite des chirurgiens
généraux
Tableau 5 : déficits prévisibles en orthopédie
Tableau 6 : besoins en orthopédie
Tableau 7 : Effectifs en chirurgie vasculaire
Tableau 8 : Prospective de la démographie des ophtalmologistes
(DREES 2002-2020)
Tableau 9 : besoins en chirurgiens du NIH
Tableau 10: activité des blocs opératoires
REFERENCES
DREES, Les plateaux techniques des interventions sous anesthésie
entre 1992 et 2000, Septembre 2002
DREES, Les interventions de chirurgie fonctionnelle, Octobre
2002
DREES L'évolution du revenu libéral des médecins
entre 1993, 2000
Novembre 2002
DREES, La démographie médicale
Septembre 2002
S. Pontone et coll, Les médecins anesthésistes-réanimateurs
en France en 1999.
Annales françaises d'anesthésie réanimation,
21 (2002) 1-28
Yvon Berlan
Rapport Mission démographie des professionnels de santé
Guidicelli Henri, MFrance. Veran-Peret
La chirurgie en France, rapport ministériel 1996
Jean Yves de la Caffinière
Chirurgie l'envers du décor, L'Harmatan 2002
Nichole
Rapport sur la chirurgie, 2002
Conseil de l'Ordre des médecins
Rapport sur la démographie médicale, 2001
Tableau 1 : Effectifs en chirurgie par spécialité
(DREES 2001)
Spécialité Nombre Nbre/ 100 000 habitants 1 chir
/ n. Hab
Chirurgie générale° 4757 7,9 12 600
Maxillo faciale 37 0,06
Chirurgie infantile 74 0,12
Chirurgie plastique 238 0,39 250 000
Chir thoracique et cardia. 180 0,3
Gynécologie-obstétrique 5006 8,3 12 000
Neurochirurgie 343 0,57
Ophtalmologie 5280 8,8 11 300
ORL 2884 4,8 20 800
Stomatologie 1416 2,36
Urologie 436 0,72
Orthopédie traumato 1693 2,82 35 500
Chirurgie vasculaire 303 0,5 200 000
Chirurige viscérale 443 0,7
Chirurgie générale °: des orthopédistes
traumatologues, urologues
sont inscrits en chirurgie générale
Tableau 2: Nombre de places d'internes en chirurgie
Année de concours Nombre internes En 2002
1992 450
1993 425 + 9 ans
1994 435 + 8ans
1995 435 + 7ans
1996 430 + 6ans
1997 393
1998 286 +8 ans
1999 286 + 7 ans
2000 286 + 6 ans
2001 286
2002 286
2003
Tableau 3: Internes inscrits au DESC de chirurgie viscérale
et digestive
1ère année 15
2ème année 27
3ème année 33
4ème année 64
Tableau 4 : Départs à la retraite en chirurgie
générale (exercice exclusif)
départ à 65 ans
Age en 2000 Année de départ Homme Femmme Nombre
total Nombre par an
63 à 59 2002 à 2006 234 3 237 48
58 à 54 2007 à 2007 376 4 380 76
53 à 49 2012 à 2116 487 8 495 99
48 à 44 2117 à 2021 352 21 373 75
43 à 39 2022 à 2026 190 22 212 43
Tableau 5 : Déficit en chirurgie orthopédique
2002=25 2003=51 2004=77
2005=103 2006=129 2007=115
2008=115 2009=100 2010=100
Tableau 6 : Besoins en chirurgie orthopédique
2002=92 2003=105 2004=118
2005=131 2006=151 2007=172
2008=192 2009=212 2010=219
Tableau 7: Effectifs en chirurgie vasculaire
Région Chir en exercice Chir. en formation %
Ile de France 93 21 22%
Nord ouest 65 17 26%
Nord est 58 17 29%
Ouest 86 8 9%
Sud ouest 97 13 13%
Sud 81 7 8%
Est 56 5 9%
Tableau 8: Prospective de la démographie des ophtalmologistes
(DREES 2002-2020)
2002 2010 2020
Nombre 5318 4712 2938
% / médecins 2,7% 2 ,4% 1,8%
% féminisation 43,3% 45,1% 43,9%
Age moyen 48 52 53,3
Tableau 9 : Besoins théoriques en Chirurgie (NIH)
Chir générale 2080 1/25000 1919
Orthopédie 2080 1/25000 1741
Urologie 650 1/80000 613
ORL 693 1/75000 512
Maxillo faciale 346 1/150000 287
Plastique 520 1/10000 286
Cardio thoracique 286 1/182000 300
Neurochirurgie 208 1/250000 202
Pédiatrique 173 1/300000 130
Tableau 10: activité des blocs opératoires
Structure Kc/ salle d'opération
CH 41 249
CHR 48 887
PSPH 59 992
Privé sous OQN 98 632