LA REGIONALISATION DU SYSTEME DE SOINS ET L'EVOLUTION DE LA CARTE SANITAIRE

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Un débat sur la régionalisation du système de soins constitue- t- il la bonne porte d'entée pour aider à la réflexion prospective, au bon pilotage et à la bonne gestion de notre système de santé ? Le mot seul de Carte sanitaire n'est-il pas obsolète comme celui de Plan dans les années d'après guerre ?

Si il s'agit-il de trouver un lieu de croisement des données épidémiologiques avec l'offre de soins et des données territoriales, le concept de régionalisation doit obligatoirement inclure la maîtrise totale du financement.

Mais aujourd'hui, la régionalisation qui serait le Saint Graal, le nouvel Eldorado de la pensée utile des réformateurs de la santé, a une réalité peut-être différente.

En France, à l'heure du paritarisme mourant, à l'heure où l'état a fait preuve d'une capacité d'anticipation réduite aux acquêts (démographie des professionnels de santé, mise en œuvre des 35 heures, …), où la décentralisation régionale de 1982 a institué des dualités de pouvoir, des répartitions de compétences arbitraires (aux régions de moderniser les lycées, mais à l'état celle des universités, et tant d'autres exemples ), la régionalisation constitue-t-elle un objectif légitime ?

N'est-elle pas un slogan derrière lequel se cache de façon névrotique, la répétition des blocages, des inadaptations et des insuffisances de notre système ?

Comment fonctionne le système régional ? L'ARH obtient d'un Ministère une enveloppe financière, établit des priorités. Cette enveloppe est fermée ; elle concerne le secteur public. Une autre est dédiée au secteur privé mais une partie des dépenses en est isolée, les honoraires. On est à mille lieues d'une régionalisation !

La régionalisation pose, comme base de légitimité, la responsabilisation des acteurs et la définition de nouvelles autonomies. Nul ne peut contester l'intérêt d'impliquer les professionnels, les institutions et ce qu'il est convenu d'appeler les usagers dans une démarche participative et contractuelle.

Ailleurs en Europe, les systèmes de santé sont fondés sur un savant dosage public/privé : financeurs, offreurs de soins, médecins, décideurs.

En France, la réalité est que la demande de responsabilisation des acteurs est surtout portée par les acheteurs de soins. A l'heure des plans AXA, à l'heure où les grands entrepreneurs de santé Générale de Santé en tête, segmentent les activités médicales et les territoires, à quelle logique répond un découpage régional de la régulation de notre système de santé ? Quelle valeur a la région face à une restructuration qui cherche à sélectionner les risques les compétences et les territoires ? Est ce de cette logique de restructuration par les acheteurs de soins dont on a besoin ?

Pour tenter de répondre, je pense à l'explosion du développement de la grande distribution dans les années 60 , explosion qui a entraîné des répercussions profondes sur la société.

La grande distribution s'est déclarée une réponse à une démarche " consumériste ". On veut de la qualité donc des normes, des prix uniformes, des produits conformes à une " démarche " consensuelle: se chausser en Nike, aller à l'école avec un sac Kickers …..Cette démarche, qu'on a opposé au commerce traditionnel, a conduit au mirage de la baisse toute symbolique (harmonisation) des prix, à l'enrichissement considérable de petits groupes et peut être surtout à la perte d'identité culturelle.

Alors pour ouvrir la porte de la prospective de la réforme du système de santé, pour ne pas refaire les mêmes erreurs, je poursuis ma comparaison…

Aujourd'hui, on a une baisse de la qualité pour les consommateurs : même les produits baptisés " de terroir " ou " reflets de la France " dans les grandes surfaces sont industriels, pasteurisés ; les Nike sont fabriqués en Malaisie .
Alors certains retournent dans le petit commerce : chez le boucher de campagne pour trouver des rillettes faites maison.

Est il si provocateur de dire qu'un rapprochement peut être fait entre grande distribution et restructuration des institutions de soins. On y recompose les territoires opérationnels et les autonomies en ayant un impact considérable sur la société elle même.

La mise en œuvre d'organisations de soins gradués et partagés, va faire exploser les limites de l'hôpital-grande-surface. Les conséquences dans le domaine de la démographie médicale vont ajouter des mouvements non maîtrisés contestant nombre de structure de soins. Devant cette transformation on peut douter de l'effet régionalisation pour promouvoir la qualité en offrant les meilleures chances à chacun. Car notre système de santé est déjà inégalitaire. Selon que vous serez puissant ou misérable, selon que vous habiterez à Chaulnes ou en face du Val de Grâce, quelle sera la qualité de l'offre de soins, quelles seront les compétences médicales, quels seront les offreurs de soins auxquels le malade peut et pourra recourir ?

Alors, certes nous avons encore une longueur d'avance sur la Grande Bretagne, mais pas partout…Il faut donc le changement.. Il y a intérêt à redéfinir de façon plus participative les besoins régionaux autour de bassins de population qui ne recoupent pas forcément les territoires géographiques datant de Napoléon.

Il y a intérêt, a permettre à tous, si la guérison est à ce prix, d'avoir la possibilité d'accès aux soins de grande qualité ou d'aller de Chaulnes à Bordeaux rapidement parce que cela les sauvera.

Cette réorganisation peut être réussie en rationalisant certains choix, en contractant plutôt qu'en imposant uniformément. Pour cela, il faut absolument définir de nouvelles organisations de soins impliquant l'évaluation, l'information et son cortège de technologies. Il faut parfois accepter le maintien de certaines structures si elles sont de qualité, mais surtout de le faire en toute connaissance de cause, c'est à dire en impliquant les professionnels et les citoyens.

La régionalisation ne doit pas être une recette. Ce ne doit être ni un concept livré aux adeptes de la technocratie plus ou moins éclairée, ni un territoire pillé par des opérateurs de santé. La régionalisation mal digérée peut aboutir à l'alternative diabolique soit la défense au carré des petites institutions de soins par de sorte d'opposants à la mondialisation soit la curée vers les segments de marché par les opérateurs acheteurs.

La régionalisation est bien un choix très politique
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