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médicaments et dispositifs médicaux stériles…

le nouveau code des marchés publics


Dr. M. Guizard, pharmacien des hôpitaux - CH Meaux

 

L’année 2002 est celle du changement : passage à l’euro,
aux 35 heures, un nouveau code des marchés publics s’appuyant, depuis le 26 décembre 2001,
sur une nomenclature de fournitures et de prestations
de services homogènes applicable au 1er janvier 2002 !
Ce nouveau code des marchés publics n’a, à première lecture, aucune raison de passionner les équipes médicales
et n’offre, dès la seconde lecture, que matière à induire
des TOC (troubles obsessionnels compulsifs)
chez les pharmaciens des hôpitaux en charge des achats.
Et pourtant, en cette année propice à tous les changements,
il se pourrait bien que ce nouveau code des marchés publics serve de catalyseur à quelques-unes
de nos pratiques médico-pharmaceutiques.

De quoi s’agit-t-il ?

 

Le nouveau code
des marchés publics

C’est par le décret du 7 mars 2001, publié le 8 mars 2001 au journal officiel, que le nouveau code des marchés publics a été créé ; ce nouveau code, dont l’application est reportée de six mois, est opposable depuis le 9 mars 2001. Il est l’aboutissement d’une consultation, engagée dès 1999, sur un document d’orientation présenté par le gouvernement ; il définit les règles relatives aux marchés publics et les harmonise avec celles de l’Europe. Par ailleurs, l’achat public se modernise avec la possibilité de recourir à la voie électronique, à partir du 1er janvier 2005, pour le dépôt des candidatures et des offres.

Si l’ancien code n’était qu’une compilation d’articles de lecture difficile, ésotérique voire exotique dirait un lecteur non averti, le nouveau présente au moins l’avantage de procéder d’une rédaction construite et donc, au-delà d’un agencement cohérent, de guider pas à pas l’acheteur public au travers des arcanes de la nouvelle réglementation.
Les principes fondamentaux du nouveau code des marchés publics sont restés les mêmes, à savoir la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats, et la transparence. Ces principes fondamentaux, de nature « philosophique », font appel au bon sens de l’acheteur public : efficacité de la commande publique et bonne utilisation des deniers publics ; cela se traduit, en pratique, par une définition préalable des besoins optimale, une obligation de publicité, une obligation de mise en concurrence, et un choix de l’offre économiquement la plus avantageuse en fonction de critères préalablement établis.
Arrivé à ce point de la présentation, il ne sera pas inutile de vous préciser que ce nouveau code des marchés publics a été conçu et rédigé à l’intention des marchés de bâtiment et travaux publics puis « adapté » de façon à le rendre « applicable » aux marchés de fournitures et de prestations ; tout paraît simple et maintenant les difficultés apparaissent.
En effet, après être passé sur la description exhaustive des procédures du code, je souhaiterais attirer votre attention sur quelques points particuliers qui ne sauraient vous laisser indifférents :
– la PRM, personne responsable du marché, est le terme officiellement retenu pour désigner le directeur,
– la PRM, à savoir le directeur, décide seul des achats de l’hôpital, après avis de la commission d’appel d’offres,
– l’évaluation des besoins est réalisée, pour les fournitures et les prestations de services (y compris les médicaments et les dispositifs médicaux), selon une nomenclature publiée le 26 décembre 2001 ; cette nomenclature définit de façon stricte des classes de produits dits « homogènes » (par exemple les EPO appartiennent à la classe 18.02 « spécialités pharmaceutiques avec AMM : sang et organes hématopoïétiques, code ATC : B) ; les seuils conduisant à passer des marchés ne sont plus évalués par fournisseur mais par classe homogène de la nomenclature,
– les groupements de commandes publiques demeurent mais le coordonnateur du groupement n’est plus une personne privée (comme le pharmacien avec l’ancien code) mais un établissement, et les choix et décisions sont pris par la commission d’appel d’offres du groupement.

L’évaluation du besoin par classe homogène de la nomenclature, en dépit d’une élévation des seuils conduisant à la passation d’un marché, contraint l’acheteur à une anticipation et une évaluation plus fine ; en particulier, pour la plupart des hôpitaux de taille moyenne, la majorité des classes de la nomenclature recouvre chacune un montant de dépenses annuelles tel que l’appel d’offres sera la règle ; d’autre part, pour des besoins qui n’auront pas été évalués ou prévus de manière satisfaisante les acheteurs devront recourir à de nouveaux appels d’offres ; or, la durée moyenne d’un appel d’offres, compte tenu de son temps de préparation et de publicité, étant d’environ quatre mois, comment expliquerons-nous aux malades qu’ils devront attendre un bon trimestre avant de pouvoir bénéficier de la thérapeutique que leur pathologie nécessite ?

Chacun appréciera les acrobaties auxquelles les pharmaciens des hôpitaux seront confrontés, au-delà des contraintes économiques habituelles !
D’autre part, il n’aura pas échappé à votre vigilance le rôle privilégié donné au directeur en matière d’achat public, y compris pour les médicaments ou les dispositifs médicaux, qu’il s’agisse d’achats propres à son établissement ou de ceux passant par le cadre d’un groupement de commandes publiques ; en effet, dans les deux cas, le directeur appuie ses choix sur les avis de la commission d’appel d’offres locale, ou sur ceux de la commission d’appel d’offres du groupement elle-même constituée de représentants issus des commissions d’appel d’offres locales ; selon les structures hospitalières, les administrateurs des hôpitaux siégeant dans les commissions d’appel d’offres ne sont pas forcément médecins ou pharmaciens, et ne disposent donc pas des compétences techniques nécessaires pour conseiller un achat pertinent.

Sans doute, les directeurs feront appel aux pharmaciens des hôpitaux, ne serait-ce que pour préparer les cahiers administratifs et techniques nécessaires, mais les choix risqueront d’être faits sur de seuls critères économiques par le directeur, à l’heure où la seule logique qui prévaut est comptable, fondée sur une allocation budgétaire réalisée à partir de l’évaluation du point ISA ; or, le médicament et le dispositif médical représentent déjà plus de 10 % du budget d’exploitation.

Presque simultanément les textes relatifs à la nouvelle P. U. I. ont institutionnalisé le comité du médicament et des dispositifs médicaux stériles. Voilà une belle opportunité pour asseoir les achats hospitaliers des médicaments et des dispositifs médicaux sur des stratégies thérapeutiques élaborées collégialement, et adaptées pour accompagner le projet médical d’établissement.


Le comité
du médicament
et des dispositifs
médicaux stériles


Instance de concertation et d’expertise, il est le lieu de rencontre des acteurs hospitaliers dans sa pluralité : médecins, pharmaciens, soignants, directeur. Il concourt à la prévention du risque iatrogénique et à la mise sous assurance qualité du circuit des produits pharmaceutiques, il rédige des recommandations et prend des décisions légitimes et argumentées.

Au moment où apparaissent des thérapeutiques innovantes de plus en plus coûteuses, dans le cadre réglementaire inhabituel du nouveau code des marchés publics avec toutes ses contraintes, il devrait être un outil d’analyse et de négociation permettant de faire des choix appropriés et adaptés au projet médical d’établissement.

Les stratégies d’achat de médicaments et de dispositifs médicaux stériles devraient être échafaudées à partir de stratégies thérapeutiques réfléchies dans le cadre du comité du médicament et des dispositifs médicaux stériles ; le directeur participant, de fait, au comité, les arbitrages budgétaires nécessaires y seraient rendus, facilitant en cela des achats effectués non plus sur les seuls critères économiques mais aussi techniques et adaptés au besoin.

L’année 2002, à l’occasion de la mise en place de l’ARTT, devrait être l’occasion de nombreux changements et de nouvelles organisations auxquelles la communauté médicale est ouverte. Ces nouvelles organisations, chacun de nous doit en être l’acteur ; c’est l’occasion que chacun réaffirme sa responsabilité et sa compétence.

Ce nouveau code des marchés publics, au sujet duquel les spécialistes les plus autorisés s’accordent à dire qu’il faudra cinq ans de jurisprudence pour en mesurer sa correcte application, doit être l’occasion inespérée pour que les communautés médicales et pharmaceutiques définissent de façon pertinente leurs choix.

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