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SANCTIONS
DISCIPLINAIRES DES PRATICIENS HOSPITALIERS :
Il FAUT REFORMER LES
PROCEDURES
Dr Jean-Michel-Noël Moreau
Abordée par Officiel Santé dans son numéro de Juillet
2000 la question des sanctions applicables aux praticiens hospitaliers vient
de faire lobjet dune réflexion de la part du bureau du SCH
après constatation dun dérapage dans le recours aux procédures
pour insuffisance professionnelle.
Au terme dune analyse des textes législatifs et des dossiers deux
constatations simposent:
Limprécision des textes sur la mise en uvre et
le déroulement des procédures font de celles ci une véritable
menace pour tous les praticiens hospitaliers en cas de contentieux local.
Les conséquences, toujours graves pour les praticiens, de
ces procédures, même en dehors de toute sanction finale, imposent
une réforme afin de limiter leur mise en uvre aux cas ayant fait
lobjet dun avis autorisé.
Imprécision des textes
Trois décrets cernent le problème des sanctions applicables aux
praticiens hospitaliers :
Décret 84 131, portant statut des praticiens hospitalier,
dans son Titre XI pour les sanctions disciplinaires, dans son Titre XII pour
linsuffisance professionnelle.
Décret 85 1295 définissant la composition et le fonctionnement
du conseil de discipline.
Décret 85 1296 définissant la composition et le fonctionnement
de la commission nationale statutaire.
Lélément le plus important est que la notion de procédure
et son mode douverture ny sont jamais clairement définis
contrairement à celle de saisine du conseil de discipline ou de la commission
nationale statutaire qui correspond à un acte ministériel (au
moins en théorie, la pratique démontrant quil y a délégation
au Directeur des Hôpitaux).
Deux conséquences graves résultent de cette imprécision:
Nimporte quelle plainte, fondée ou non, adressée
à la DRASS ou lARH par un directeur détablissement
soutenu par quelques médecins peut déboucher sur la mise en accusation
dun praticien par la Direction des Hôpitaux (DHOS) soit à
titre disciplinaire, soit sous prétexte dinsuffisance professionnelle.
La seule base de cette accusation peut se limiter à une enquête
médico-administrative réalisée par des médecins
inspecteurs sans réelles connaissances médicales et sans programme
denquête précis. La référence aux différents
avis ne constitue quune caution administrative ne garantissant en rien
de la pertinence de laccusation puisque lavis de ma CME est toujours
manipulable et que ceux du conseil dadministration, du directeur de la
DRASS ou du préfet , en général sans fondement médical,
sont donnés sans examen circonstancié du dossier.
Tout praticien mis en accusation peut être et est généralement
immédiatement suspendu de ses fonctions par la DHOS, dans le cadre dune
mesure dite de sauvegarde, avec conservation de son trairement. En pratique
il se voit non seulement interdire toute activité médicale mais
également laccès à son service, son bureau, ses dossiers
à tout lhôpital, ce qui entrave ses possibilités détablir
une défense. Dans limmédiat, il devient de facto un objet
de suspicion de la part de se confrères hospitaliers ou libéraux,
de la part du personnel de létablissement et de ses patients, voire
de la part de ses proches; à long terme, même dans le meilleur
des cas, il bénéficie désormais dun pedigree dun
excellent effet pour toute recherche ultérieure de poste.
Cest dire quil existe une phase préliminaire à la
saisine des instances disciplinaires ou statutaires, non définie par
les textes, pouvant atteindre six mois dans le cadre disciplinaire et illimitée
pour linsuffisance professionnelle, durant laquelle le praticien na
aucun moyen de faire entendre les arguments de sa défense tant que des
experts ne sont pas venus rectifier ou confirmer le bien fondé des accusations,
durant laquelle il fera lobjet dune suspicion souvent non justifiée
mais difficilement effaçable, ensemble de faits quil aura ensuite
bien du mal à faire reconnaître comme un préjudice auprès
dun tribunal.
La nécessité dune réforme
Il est légitime quun praticien soit tenu de répondre devant
létat, garant de la qualité du service publique, dactes
fautifs ou de sa compétence professionnelle, il est par contre anormal
que des actions préjudiciables puissent être entreprises à
son encontre sans quun minimum de garanties sur la validité des
accusations ait été réuni. Le risque est en effet réel
de voir ces procédures se transformer en armes pour règlement
des conflits locaux, comme la démontré une enquête
de la commission statutaire nationale qui a fait apparaître que le nombre
de praticiens suspendus par an pour suspicion dinsuffisance professionnelle
avait nettement augmenté ces dernières années alors que
celui des praticiens effectivement traduits devant cette instance pour en répondre
navait pas varié .
Une réforme de ces chapitres du statut de praticien est donc nécessaire
et doit tendre vers les objectifs suivant::
Limitation du recours aux procédures et à la suspension préventive.
Codification du déroulement des procédures
Compensation du préjudice subi en cas de procédure non justifiée
Limitation du recours aux procédures
Par création de commissions de conciliations, élues au niveau
régional avec collège national de recours. Ces commissions pourraient
intervenir en cas de conflit local, à la demande des praticiens ou de
ladministration, pour organiser une médiation locale ou trouver
une solution régionale.
Par mise en place dun système de sanction à légard
des établissements, des directeurs détablissement et des
praticiens qui se seraient livrés à des demandes denquête
sur des dénoncia-tions non fondées.
Codification et formalisation des procédures
En définissant les grandes catégories de fautes susceptibles
de donner lieu à louverture dune procédure soit disciplinaire,
soit surtout en insuffisance professionnelle qui se révèle à
la lecture des textes comme une notion extrêmement ambiguë, manipulable
à souhait et utilisable contre les contestataires de tous poils .
Par création de commissions denquête préliminaire,
composées de deux experts et dun représentant syndical de
la spécialité du praticien mis en cause, élus au niveau
national et intervenant hors région. Ces commissions auraient pour rôle
de donner un avis éclairé sur le bien fondé de louverture
dune procédure et dune éventuelle suspension.
Par création de commissions denquête approfondie, composées
de deux experts et dun représentant syndical de la spécialité
du praticien mis en cause, élus au niveau national et intervenant hors
région. Ces commissions auraient pour rôle dinstruire le
dossier et de donner un avis éclairé sur la saisine du conseil
de discipline ou de la commission nationale statutaire.
En formalisant les protocoles denquête en ce qui concerne leur calendrier,
les critères à évaluer, le droit de citer des témoins,
la suppression de lanonymat des témoignages, les droits daccès
du praticien aux documents daccusation et aux dossiers des patients.
Compensation du préjudice
En facilitant la réinsertion sur un nouveau poste des praticiens pour lesquels les procédures se seront révélées non fondées, de préférence dans un cadre régional, sauf désir contraire du praticien , avec laide des commissions de conciliation.
En conclusion
Il apparaît clairement que les sanctions disciplinaires ou les procédures en insuffisance professionnelle, de part limprécision des textes, constituent une arme facilement utilisable par les administrations locales et portent un préjudice grave aux praticiens du fait dun recours systématique à la suspension en dehors de tout avis autorisé et impartial. Les praticiens hospitaliers nentendent pas se soustraire à leurs responsabilités mais demandent une réforme des textes statutaires allant dans le sens dune amélioration des garanties dans ce cadre.