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une interview exclusive du ministre de la santé

Jean-François Mattéi

... nous allons fortement relancer les investissements pour les hôpitaux dès 2003,

et accélérer les opérations immobilières !

 

Quelques mois après son arrivée à la tête du ministère de l'avenue de Ségur, le Pr Mattéi engage le gouvernement sur un plan quinquennal d'investissement en faveur de l'hôpital public. Pour Officiel santé, il précise aussi son approche des dossiers «chauds» que sont la démographie médicale, la réduction du temps de travail, et la prise en charge des urgences.

 

Officiel Santé - Durant la campagne de Jacques Chirac, il a été question d'un grand plan pluriannuel de soutien aux hôpitaux d'un montant de 6 milliards d'euros, et au début de l'été vous avez-vous même parlé d'un plan « hôpital 2007 » qui semblait reprendre cet engagement. Quand ce plan sera-t-il effectivement à l'ordre du jour, et quels en sont les contours, en particulier financiers ?

 

Jean-François Mattéi - II nous faut effectivement relancer l'investissement de manière extrêmement volontariste. C'est nécessaire à la mise à niveau des moyens compte tenu du progrès technique, des exigences de sécurité sanitaire ou de la recomposition hospitalière. Je vous confirme donc que le plan quinquennal d'investissement sera bien engagé dès 2003. J'ai proposé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale un premier effort conséquent, permettant le financement de la première tranche du plan de 6 milliards d'euros, soit pour 2003, plus d'1 milliard d'euros d'investissements supplémentaires.

Ces efforts couvriront toutes les opérations d'investissements : immobiliers, équipements et systèmes d'information - préalable indispensable à toute réorganisation -.

Mais, pour ne pas réitérer les erreurs du passé je serai particulièrement attentif à une réalisation accélérée des opérations immobilières. J'ai donc décidé de permettre des décisions plus rapides et plus proches du terrain en confiant aux ARH le soin de choisir les opérations à subventionner, et le montant des aides ; je souhaite également ouvrir la possibilité pour des opérateurs privés de construire des bâtiments pour le compte des établissements afin de raccourcir encore les délais de réalisations ; enfin, une mission nationale d'appui sera mise à disposition des ARH et des établissements pour aider techniquement au montage des projets.

 

OS - Quelle est votre analyse de la crise de la démographie médicale et paramédicale; quelle solutions entendez-vous promouvoir pour la résorber ?

 

JF M - Les réponses qu'il convient d'apporter à la situation démographique des praticiens et plus généralement de l'ensemble des profession nels de santé doivent s'organiser autour des deux constats suivants.

D'abord, les difficultés démographiques qui sont devant nous étaient inscrites dans des données connues de tous depuis plusieurs années ; cependant, les décisions qui auraient du être prises ne l'ont pas été. II y a donc un déficit de pilotage (de gouvernance) de la politique démographique et c'est ce déficit que nous allons combler au cours des prochaines semaines (dès que la mission aura rendu ses conclusions).

Ensuite, la définition d'une politique démographique doit tenir compte de toute une série de paramètres qui ont été trop souvent méconnus et notamment :

- l'analyse et la prospective à l'échelon régional

- les possibilités liées à des coopérations inter-professionnelles

- les aménagements de l'exercice professionnel des médecins qui sont restés mineurs jusqu'ici, alors que l'environnement social et professionnel s'est profondément modifié

- la redéfinition des possibilités de coopération public-privé

- la demande des patients sur laquelle des actions résolues de prévention et d'éducation doivent considérablement influer.

Tout cela en gardant à l'esprit que les médecins ont naturellement évolué dans une société en mouvement et qu'il convient d'en tenir compte.

OS - Sur son principe et dans ses dispositifs de mise en ceuvre à l'hôpital, comment vous positionnez-vous sur le dossier de l'Aménagement et de la réduction du temps de travail (ARTT) dans sa version française et européenne ?

JF M - A mon arrivée, j'ai pu constater, d'un côté le flou dans lequel nous nous trouvions quant à la mise en oeuvre de la RTT non médicale, et de l'autre, le retard pris pour son application chez les médecins. J'ai donc décidé tout d'abord d'accélérer la mise en place de la RTT médicale en cherchant, au moins pour 2002, à l'assouplir en rendant possible le paiement du quart des jours.

J'ai souhaité ensuite obtenir un état des lieux complet de la mise en oeuvre effective de la RTT dans les établissement en diligentant une mission nationale d'évaluation. Composée exclusivement de professionnels en postes, elle se déplace dans toutes les régions, au sein d'un échantillon d'établissements. L'ensemble des rapports seront synthétisés par la mission qui me fournira fin octobre ses conclusions et d'éventuelles propositions pour adapter le dispositif.

Concernant l'application de la directive européenne, j'ai toujours dit qu'elle s'appliquera telle que le prévoit le protocole. Cela représente une nouvelle réduction du temps de travail pour laquelle les établissements doivent s'adapter par territoire en pensant aux mutualisations possibles tant avec le public que le privé. C'est le sens des études de pré-impact que j'ai demandées aux ARH. Elles leur permettront de répartir les financements liés au protocole, selon les futures complémentarités notamment en termes de gardes communes. Mais, ces réorganisations demanderont du temps. Dans cette attente, le paiement des plages additionnelles permettra la continuité du service public.

OS - Les hôpitaux publics sont en première ligne dans la prise en charge des urgences; en la matière, quel rôle des médecins généralistes souhaitez-vous promouvoir en la matière ?

 

JF M - S'il est une tâche évidente à laquelle je compte m'atteler, c'est bien de conforter les réseaux de proximité d'urgences, en leur assurant cohérence et sécurité, malgré les contraintes de la démographie médicale et de la réduction globale du temps de médecins.

C'est pourquoi, j'ai pris dés cet été, trois initiatives.

A la lumière des nombreuses réflexions déjà engagées sur la question, un groupe de travail opérationnel en commun avec les urgentistes, tout d'abord, doit me proposer pour la fin de l'année des améliorations opérationnelles des décrets de 1997 sur le fonctionnement des services d'urgences permettant notamment le maintien de services de proximité.

Un groupe de travail interministériel (Justice, Intérieur, Santé) sur la violence à l'hôpital, et en particulier aux urgences, réfléchit d'une part sur les conduites à tenir en cas d'expression violente aux urgences (formation du personnel, intervention des forces de l'ordre, ...) et d'autre part, aux conditions d'accueil et de prise en charge aux urgences des patients accompagnés par les forces de l'ordre ou l'administration pénitentiaire.

Enfin, et ce chantier n'est pas le moindre, j'ai confié, une mission au sénateur Charles Descours sur la permanence des soins qui pour la première fois aborde ce sujet de façon conjointe avec les libéraux et les urgentistes. La mission me remettra ses conclusions pour la fin de l'année.

 

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